A cause de la baisse des prix du coton, plus de 4 000 petits producteurs de coton se suicident chaque année en Inde, un pays dont les deux tiers de la population tire ses revenus de l’agriculture. Dans le seul état du Maharashtra, qui abrite aussi la capitale financière du pays, Bombay, 600 producteurs de coton ont mis fin à leur vie cette dernière année, 60, pendant le mois de juillet. L’ampleur de la tragédie est telle que les députés de l’opposition, à grand renfort de slogans tels que « tueurs de fermiers » ont réussi à faire ajourner la session parlementaire de mardi dernier, reprochant au gouvernement d’être incapable d’endiguer la crise.
C’est dans cette ceinture de la zone de Vidharbha, située au nord de la région du Maharashtra, à l’ouest de l’Inde, que 3,2 millions de fermiers produisent 75% du coton. Selon les organisations locales pas moins de 95% d’entre eux sont criblés de dettes. « Ce n’est vraiment pas une bonne idée d’être cultivateur dans cette région et c’est presque suicidaire d’être producteur de coton », se plaint un des chefs de la communauté paysanne de Vidharbha.
Incapables de faire face à l’importation de coton étranger à bas prix, les petits exploitants se retrouvent coincés. A cause de ses engagements auprès de l’Organisation mondiale du commerce, le gouvernement a annoncé en 2005 qu’il ne pouvait plus à acheter le coton aux fermiers locaux. Le Maharashtra était jusqu’à l’année dernière le seul état du sous-continent à garder le monopole sur l’achat du coton à un prix stable.
Si la crise trouve ses origines en 1997, lorsque le gouvernement a baissé les taxes sur l’importation du coton, ce qui s’est accompagné des premiers suicides, la situation a empiré à partir de 2004, lorsque les autorités locales ont fait la promotion d’une « graine miracle ». Beaucoup plus chère à l’achat , celle-ci était soi-disant résistante aux ravageurs du cotonnier, nécessitant quatre fois moins de pesticide qu’une graine classique.
Nombre de petits producteurs se sont jetés sur ce qu’ils ont cru la solution miracle pour augmenter leurs rendements. Mais à la fin de l’année dernière, force a été de constater que la plupart des plantations ne résistent pas aux parasites, la mousson arrivée au mauvais moment suffisant à balayer tout espoir de bonne récolte. L’augmentation du prix des graines et des fertilisants, aggrave la situation économique des paysans, qui doivent contracter de nouvelles dettes auprès de bailleurs de fonds locaux à des taux exorbitants, jusqu’à 25% parfois.
Une étude menée par l’état du Maharastra montre que les paysans suicidés avaient une dette moyenne de 3 000 euros, soit près de quatre fois plus qu’un fermier en activité. Un producteur du Maharashtra réussit à mettre de côté en moyenne 100 euros par an, une épargne déjà bien faible pour faire vivre une famille de cinq personnes.
Pour tenter de résoudre le problème, les autorités du Maharashtra ont tenté de pousser les agriculteurs vers la culture de la canne à sucre, gourmande en eau. Sans succès, la région du Vidharbha est régulièrement frappée par les périodes de sécheresse. Début juillet, la Haute Cour de justice de Bombay a demandé au gouvernement central de lancer un site internet pour répertorier les différentes mesures d’aide aux fermiers et pour dresser la liste des bénéficiaires.
Si, début juillet, Manmohan Singh a débloqué une aide de 835 millions de dollars, le ministre en chef de l’état du Maharashtra, Vilasrao Deshmukh, a reconnu le mois dernier que le gouvernement n’avait pas de solution au problème des cultivateurs. En outre, le malaise agraire ne concerne pas uniquement le Maharashtra mais aussi les états de l’Andhra Pradesh et du Kerala, affectés par la sécheresse, les aléas de la mousson et de mauvais usages des fertilisants qui ont appauvri le sol. En l’espace de neuf ans, plus de 25 000 fermiers se seraient empoisonnés en Inde avec ces mêmes pesticides censés traiter leurs récoltes.