New Delhi,
Les quelque 150 signataires appartiennent tous aux Who’s Who de l’Inde. Avocat à la Cour suprême, ancien procureur général, metteur en scène de cinéma, haut fonctionnaire, Prix Nobel, écrivain, ils demandent tous, dans une lettre ouverte au gouvernement, l’abrogation d’une loi « cruelle et discriminatoire » qui fait de l’homosexualité un crime. Saisie depuis 2001 par une pétition de l’organisation non gouvernementale NAZ (Fierté), la Haute cour de New Delhi a une nouvelle fois, mercredi 4 octobre, reporté toute décision sur l’article 377 du code pénal indien qui punit d’emprisonnement l’homosexualité.
Héritée des Britanniques, la loi n’est pas vraiment appliquée mais, souligne Gautam Bhan, l’un des jeunes promoteurs de la lettre, « elle permet à la police de harceler les homosexuels, de les faire chanter, de les menacer ». Dans un pays qui s’est engagé avec rage dans la course à la modernité, cet article pourrait paraître anachronique mais, affirme Rahul Singh, coordinateur des programmes de NAZ, « c’est plus pour des raisons de santé que de droits que le gouvernement a ouvert le dialogue ».
Les activistes de l’abrogation de l’article 377 ont en effet reçu le soutien actif des organisations de lutte contre le sida. L’Inde compte, selon l’ONU, le plus grand nombre de personnes (5,7 millions) vivant avec le virus. Le chef de l’organisation gouvernementale de lutte contre le sida (NACO) soulignait récemment que « l’article 377 contribue à cacher le phénomène ». « 90 % des homosexuels indiens sont mariés et ne se déclarent pas, ce qui empêche par exemple toute intervention vis-à-vis de leur épouse », affirme Rahul Singh.
Les partis politiques sont restés prudents à l’égard d’un phénomène qui n’est pas encore ouvertement accepté par la société indienne en général. Les nationalistes hindous dénoncent l’homosexualité comme une déviance importée de l’Occident alors que le Congrès, au pouvoir, garde le silence. « Il y a un certain changement des mentalités, mais essentiellement en milieu urbain », confie Rahul Singh.
« L’homosexualité n’est pas condamnée en Inde pour des raisons religieuses ou morales », affirme Gautam Bhan. « Le principal problème pour la société est la question du mariage », dit-il, soulignant que « la première réaction des parents est : mariez-vous et après, faites ce que vous voulez ». Gautam Bhan estime toutefois que les mentalités évoluent rapidement dans un pays où 70 % de la population a moins de 35 ans.