Robert Pelletier – La crise économique et sociale, c’est aussi la crise du logement ?
Jean-Baptiste Eyraud – Comme l’a rappelé Thomas Piketty, une croissance proche de zéro ne permet pas de satisfaire les exigences de rendement du capital et de l’immobilier. Dans ce contexte, la crise du logement s’aggrave, parce que les profits tirés de la rente locative et de la spéculation sont en hausse depuis 15 ans. Ainsi, l’Insee a recensé 141 500 sans-abris en 2012, dont 30 000 enfants, soit une progression de 50 % en 10 ans. Ce fléau frappe en premier lieu les plus fragiles.
Le Samu social de Paris constate que 80 % des familles et leurs enfants hébergés dans des hôtels en Île-de-France ne se nourrissent pas à leur faim, tandis que la moitié d’entre eux ne peuvent plus suivre leur scolarité, car ils en sont trop éloignés et doivent changer constamment de lieux d’accueil. Partout les « remises à la rue » sont effectuées pour partager les places d’hébergement coûteuses et en nombre insuffisants.
La répression est aussi au rendez-vous :répression insidieuse contre les classes populaires, stigmatisation, chasse coûteuse à la fraude aux prestations, tandis que les administrations se bunkérisent pour mieux réduire les demandes d’accès au droit. Les politiques d’écrémage et de limitation des droits se généralisent. Répression aussi contre les habitantEs de bidonvilles, contre les militantEs et les organisations qui les défendent ou s’opposent au désordre capitaliste, tandis que les tribunaux prononcent toujours plus de jugements d’expulsions : 120 000 en 2012 !
Quoi de neuf avec le gouvernement Valls ?
Principale cause des dérèglements et de l’aggravation de la crise et du marasme immobilier, le logement n’a jamais été aussi cher dans notre pays, depuis un siècle durant lequel les loyers ont été en général encadrés. Depuis 2000, conséquences de politiques publiques d’encouragement que le DAL n’a cessé de dénoncer, le marché et la spéculation ont repris le dessus, les prix ont flambé, les milieux de l’immobilier se sont rapidement enrichis, et les classes populaires s’épuisent à alimenter la rente locative et immobilière.
Revendication des milieux de l’immobilier, la remise en cause de l’encadrement des loyers par Valls, hors Paris, est un nouveau cadeau aux riches. Il s’accompagne d’aides fiscales leur permettant de payer moins d’impôts s’ils construisent pour loger leurs enfants ou leurs parents… Même la droite n’avait pas osé le faire ! Le budget logement 2015 va accorder pour la première fois plus d’aides fiscales au riches qu’au logement social.
La relance de la construction voulue par Valls est vouée à l’échec car ni les accédants ni les investisseurs ne vont se lancer à acheter un bien dont la valeur est à la baisse. Une mesure peut relancer le bâtiment, financer la réalisation massive de logements sociaux. Le gouvernement y a renoncé, laissant la population dans la crise.
Les locataires dans le logement social sont aussi à la peine, car les loyers et les charges y ont progressé rapidement ces dernières années, la marchandisation du logement social est en cour et pourrait constituer dans les prochaines années un juteux marché pour les millionnaires et leurs servants.
Face à ces attaques, quelles sont les mobilisations ?
Des mouvements de résistance à ce traitement brutal se mettent en place. À Paris, des familles sans logis ont occupé la direction des services sociaux pour exiger que la ville assume ses responsabilités de protection de la famille. À Lyon, des écoles sont occupées par des familles à la rue. Depuis quelques années, les actions et occupations de bâtiments vacants se sont multipliées pour loger des familles sans toit.
Pour cette raison et face à l’inertie ambiante, le DAL a présenté des listes aux élections HLM, et a commencé à organiser les habitantEs de quartiers qui ne se résignent pas à vivre dans l’arrière-cour des politiques publiques du logement et de l’urbanisme, sous la menace des vautours de l’immobilier. Les premiers résultats sont encourageants, et révèlent une volonté des habitants des quartiers populaires de défendre leur quartier et leur cadre de vie.
Il y a aujourd’hui urgence à organiser les habitants, locataires HLM, locataires privés et sans logis : c’est une des facettes de la résistance au processus de captation des richesses et du pouvoir par une nouvelle aristocratie sur le dos des classes populaires.
Propos recueillis par Robert Pelletier
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