Un tribunal égyptien a condamné, lundi 23 février, à cinq ans de prison Alaa Abdel Fattah, figure de la révolte anti-Moubarak de 2011, pour des violences qui avaient eu lieu lors d’une manifestation non autorisée.
Les vingt-quatre coaccusés du militant ont été condamnés à des peines allant de trois à quinze ans de prison, un verdict qui est rendu alors que les autorités sont accusées de réprimer implacablement toute opposition, islamiste mais aussi laïque et personnalités de gauche.
Le parquet accusait le groupe d’avoir attaqué des policiers durant la manifestation qui avait eu lieu en novembre dernier. Alaa Abdel Fattah était notamment accusé d’avoir volé le talkie-walkie d’un policier. Il avait été condamné en juin à quinze ans de prison, mais le droit égyptien lui accordait un nouveau procès, car le verdict avait été prononcé par contumace. Affaibli par une grève de la faim, il avait dû être hospitalisé le mois dernier.
Les vingt-deux détenus, présents dans le box des accusés, ont applaudi à l’annonce du verdict, tandis que leurs proches s’effondraient en larmes ou scandaient « à bas le pouvoir militaire ! ».
ARRESTATIONS ET PLUS DE MILLE MORTS
Depuis qu’il a destitué l’islamiste Mohamed Morsi, en juillet 2013, l’ex-chef de l’armée et actuel président Abdel Fattah Al-Sissi est accusé d’avoir instauré un régime bien plus autoritaire que celui de Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire en 2011. Les partisans des Frères musulmans — confrérie classée organisation terroriste — et les militants révolutionnaires sont les cibles de cette féroce répression.
Dans les mois qui ont suivi l’éviction de Mohamed Morsi, plus de 1 400 personnes ont été tuées dans la répression des forces de l’ordre, tandis qu’au moins quinze mille pro-Morsi ont été emprisonnés. Des dizaines de militants laïques et de gauche, qui avaient soutenu l’éviction de Mohamed Morsi avant de s’élever contre les nouvelles autorités, ont également été emprisonnés pour des rassemblements illégaux.
Le 4 février, Ahmed Douma, un révolutionnaire de gauche, a été condamné à la prison à vie, avec deux cent vingt-neuf coaccusés. Trente-neuf mineurs ont également été condamnés à dix ans de prison. Ces militants libéraux étaient accusés d’avoir pris part à des affrontements entre forces de sécurité et manifestants devant le siège du gouvernement au Caire, en décembre 2011, faisant dix-huit morts.
Tous avaient participé à la révolution du 25 janvier 2011, qui a vu la chute du président Hosni Moubarak. Tous étaient déterminés à poursuivre leur combat pour plus de démocratie et de liberté. Ces peines, les plus sévères prononcées contre des militants libéraux depuis 2011, s’inscrivent dans la lignée d’une série de condamnations à mort et de longues peines de prison prononcées parfois lors de procès de masse expéditifs.
Un tribunal égyptien a confirmé le 2 février la condamnation à mort de cent quatre-vingt-trois partisans des Frères musulmans, accusés d’avoir tué treize policiers en août 2013. Ces assassinats avaient eu lieu quelques heures après que les forces de l’ordre eurent tué au Caire plus de sept cents manifestants partisans du président islamiste destitué Mohamed Morsi.
Le même tribunal avait condamné à la peine capitale le 2 décembre, en première instance, cent quatre-vingt-huit hommes accusés d’avoir participé à un raid contre un commissariat de police de Kerdassa, dans la banlieue du Caire, le 14 août 2013. Les peines de cinq d’entre eux ont été commuées. Ce procès avait été dénoncé par l’Organisation des Nations unies et les organisations internationales de défense des droits de l’homme.
La justice égyptienne a annoncé le 2 février l’ouverture d’un quatrième procès visant l’ex-président islamiste. Accusé de meurtre de manifestants, espionnage et évasion de prison, Mohamed Morsi encourt déjà la peine de mort dans trois autres procès en cours. L’ex-président de l’Egypte est accusé cette fois de trahison et d’espionnage pour avoir transmis des documents classifiés au renseignement du Qatar et à la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira, du temps où il était chef de l’Etat.
L’ex-président Hosni Moubarak a été blanchi en appel, en novembre 2014, des accusations de meurtre de manifestants qui lui avaient valu la prison à vie en première instance. Le 13 janvier, la Cour de cassation a par ailleurs annulé sa condamnation à trois ans de prison dans une affaire de corruption, et ordonné un nouveau procès.
Dans cette même affaire, la condamnation de ses deux fils, Alaa et Gamal Moubarak, à quatre ans de prison, a elle aussi été annulée. Ils ont été remis en liberté, le 26 janvier, après avoir passé dix-huit mois en détention provisoire, dans l’attente de leur procès en appel pour corruption.
Le Monde.fr