Depuis quatre ans, la Libye s’enfonce progressivement dans une guerre civile totale menée par les différentes milices, qu’elles soient islamiste, laïque ou régionaliste. Lors des élections de juin 2014 qui ont recueilli un faible taux de participation, les islamistes ont refusé de reconnaître leur défaite, arguant de fraudes massives.
Un violent conflit s’en est suivi qui a divisé le pays en deux. D’un côté, Fajr Libya (Aube libyenne) qui dirige la capitale Tripoli et sa région et a remis en selle l’ancien Parlement, le Congrès général national (CGN), dominé par les islamistes qui se sont dotés d’un gouvernement. De l’autre, l’alliance Dignité, appuyée par le général Khalifa Haftar, et soutenue notamment par les milices de Zinten, une ville de l’ouest du pays. Ce gouvernement s’est installé à Tobrouk et est reconnu par la communauté internationale.
à cela s’ajoutent les djihadistes, ceux d’Ansar al-Charia présents à Benghazi et liés à Al-Quaïda, et l’État islamique, constitué notamment par le groupe Majilis Choura Chabab al-Islam.
Voix discordantes
Dans les pays africains qui demandent une intervention militaire en arguant que les Européens doivent finir leur travail, on retrouve le Niger, le Tchad ou l’Égypte confrontée dans le Sinaï avec Ansar Bait al-Maqdis. Plus globalement, les populations des pays de la région doivent subir les conséquences du chaos libyen qui permet aux groupes islamistes de s’entraîner et de se fournir en armes.
Au niveau occidental, les chancelleries sont plus réservées et privilégient pour l’instant le choix d’un accord politique en misant sur la conférence de Genève. L’idée est de réunir les deux principales fractions dans un gouvernement d’union nationale. Ramenant une relative stabilité au pays, cela permettrait de combattre les djihadistes, de reprendre l’exploitation du pétrole par les multinationales, et de retrouver le rôle que la Libye avait à l’époque de Kadhafi, contrôler l’immigration essentiellement subsaharienne vers l’Europe.
Même si les discours du représentant des Nations unies Bernardino Leon se veulent optimistes, s’appuyant sur l’idée juste qu’il n’y a pas beaucoup de différences politiques et religieuses entre les différentes milices, il n’en demeure pas moins vrai que les conflits qui opposent les chefs de guerre sont aussi motivés par des questions financières. En effet, le contrôle des puits de pétrole, des ports mais aussi des voies où transitent les différents trafics (y compris de drogues), sont particulièrement lucratifs.
L’insertion de l’Occident dans le processus révolutionnaire libyen qui a outrepassé largement le mandat de l’ONU, a empêché l’émergence d’une force révolutionnaire qui aurait pu au fil des combats et des mobilisations populaires s’unifier politiquement. Le renversement brutal de Kadhafi et la mainmise de la Grande-Bretagne et de la France sur le processus de transition politique a renforcé le sentiment religieux et communautaire, à l’image de l’intervention US en Irak.
Paul Martial