Henri Wilno, Yvan Lemaitre – Quelle est ton appréciation de l’accord intervenu au sein de l’Eurogroupe ce 20 février ?
Antonis Davanellos – Le gouvernement essaye d’éviter que l’économie et les banques grecques ne soient étranglées par les exigences des créditeurs. Tsipras voulait obtenir un délai de 6 mois, il a obtenu un délai de 4 mois. Il demandait que pendant cette période les bailleurs de fonds n’imposent pas de nouvelles mesures, comme ils l’avaient fait avec Samaras : en particulier de nouvelles attaques contre les retraites et une augmentation des taxes sur la consommation contre les classes populaires. Il demandait aussi que la mise sous tutelle de la Grèce par la troïka cesse.
L’accord concédé par l’Eurogroupe donne du temps, 4 mois, mais ce lundi 23 février, le gouvernement doit présenter un programme concret de prétendues réformes que Syriza serait prête à imposer à la population pour respecter ses engagements de payer la dette. C’est la première difficulté, mais en plus l’accord impose un droit de surveillance, non par la troïka mais par les institutions européennes et le FMI.
Il s’agit donc d’un accord très contraignant, et je crois que le gouvernement de Syriza va chercher une façon de se dégager de ces contraintes.
Que penses-tu de l’élection à la présidence de la République de Pavlopoulos, un politicien de droite ?
Face aux grandes difficultés auxquelles sont confrontées l’économie et les banques grecques, en particulier face aux créditeurs, la direction de Syriza croit qu’elle a besoin du plus large consensus. Et pour cela, Tsipras a choisi comme président un politicien de droite. à mon avis, c’est une grave erreur. Jusqu’à maintenant Syriza a réussi à construire un consensus par en bas en gagnant le soutien des travailleurs et des classes populaires.
Le choix de Pavlopoulos est un message politique qui crée des confusions dans les relations entre Syriza et les masses populaires, d’autant qu’il a été élu pour une durée de cinq ans avec 233 voix issues de Nouvelle Démocratie (droite) et de Syriza.
Par ailleurs, nous ne devons pas sous-estimer le fait que la présidence de la République n’est pas une position neutre : elle peut avoir des initiatives politiques et créer des difficultés pour le gouvernement, surtout en situation de crise politique. C’est pourquoi nous nous sommes opposés à cette proposition. Notre camarade députée Gianna Gaitani n’a pas voté pour la candidature défendue par Tsipras, malgré la menace d’exclusion.
Comment expliques-tu que le gouvernement ne prenne aucune mesure de contrôle sur les banques alors qu’elles font face à d’importants retraits ?
Cette passivité renvoie aux mêmes explications, la recherche du consensus. Le gouvernement a mis à la tête des banques d’anciens sociaux-démocrates, des libéraux. Il fait ça parce qu’il veut élargir le consensus dans le pays mais aussi à un niveau international. Je crois que cette politique est très dangereuse. Les banques sont entre les mains de sociaux-libéraux qui, dans les années 90, ont participé à leur privatisation. Le gouvernement pense pouvoir ainsi collaborer avec des cadres qui viennent du Pasok et qui, maintenant, cherchent à jouer un rôle important pour exercer leur pression.
Quelles sont aujourd’hui les rapports entre Syriza et les classes populaires, l’état des mobilisations ?
Les membres de Syriza ont été la colonne vertébrale des mobilisations qui ont eu lieu après les élections sur les places de toutes les villes du pays. Ces mobilisations de solidarité avec le gouvernement s’opposent au chantage de la troïka, mais elles visent aussi à pousser le gouvernement dans l’idée du slogan : « pas un pas en arrière ! »
Dans l’année passée, Syriza a été au cœur de toutes les mobilisations et, à travers cette participation, nous avons créé une organisation militante et démocratique que personne ne pourra manipuler, ni tromper facilement, sans réaction.
Propos recueillis par Henri Wilno et Yvan Lemaitre