Les 28 février et 1er mars se réunissait le comité central de Syriza, afin de se prononcer sur les dernières décisions, en particulier sur le « compromis » imposé par l’Eurogroupe.
Un amendement critique a été rejeté à 57,5 % [seulement], ce qui prouve la forte grogne dans ce parti tissé de différents courants autour du Synaspismos. Néanmoins, le texte de la majorité Tsipras l’a clairement emporté, ce qui reflète le poids de cette ligne dans Syriza, mais aussi la difficulté à trouver une ligne d’équilibre entre soutien à des annonces positives et bataille contre la logique de la troïka.
Quelques mesures positives, des positions inquiétantes...
Ces derniers jours, le gouvernement a mis en avant des mesures dont on ne pourrait que se réjouir, même si elles sont en elles-mêmes insuffisantes car « tenant compte du contexte » (une formule devenue rituelle) : nourriture et courant électrique gratuits pour 300 000 familles ; annonce du prochain dépôt du projet de loi sur la réintégration des licenciéEs du secteur public, y compris les nettoyeuses du ministère de l’Économie ; libération à ce jour de 350 immigréEs retenus dans les six camps de rétention du pays ; blocage pour réexamen de l’étude de nouvelles installations de la société de mines d’or Eldorado, qui détruit la région de Skouriès dans le nord (en réaction, les mineurs protestent et les comités de lutte restent prudents) ; etc. Et aussi la bataille annoncée contre les grands groupes de médias et contre les gros fraudeurs fiscaux : 3 500 dossiers sont dans le viseur, soit 7 milliards d’euros, mais une impuissance avouée à soumettre à l’impôt les 120 milliards d’euros investis hors de Grèce...
Mais toutes ces mesures ne remettent pas en cause le cadre imposé par la troïka, quel que soit le nom que Syriza veut lui donner, et Tsipras lors du dernier conseil des ministres vendredi 27 février en a rajouté dans les contre-vérités : « Que ceux qui parlent d’un 3e mémorandum l’oublient : les mémorandums ont pris fin le 25 janvier ! (...) Nous avons prouvé en actes que l’austérité n’est pas la seule voie ». Et d’insister sur une machination montée par l’Allemagne et soutenue par l’Espagne et le Portugal, ainsi que par l’ex-Premier ministre Samaras, afin d’asphyxier la Grèce. Ce projet machiavélique aurait inquiété « de grand pays comme la France, les USA et la Chine, les amenant à prendre des positions plus positives et responsables »...
Alors que le catalogue des propositions validées par l’Eurogroupe (et le Parlement allemand) maintiennent la logique des mémorandums (et l’asphyxie financière !), la ligne de la direction majoritaire de Syriza serait donc de s’autoféliciter pour avoir ouvert la possibilité des réformes, pour avoir divisé le camp européen et international, avançant par ailleurs la thèse d’une machination allemande. Conclusion de tout cela au comité central : le parti a certes droit à la critique, mais il doit offrir un visage plus uni...
Construire des initiatives unitaires et de classe
On ne s’attardera pas ici sur la tactique de la droite qui voudrait faire voter au Parlement l’accord de l’Eurogroupe dans l’espoir de voir Syriza se diviser (ainsi, Lafazanis, dirigeant de la Plateforme de gauche de Syriza, refuse un tel vote…), ni du Pasok qui veut faire reconnaître par la direction de Syriza qu’elle est enfin devenue réaliste en se ralliant à la politique du précédent gouvernement... Ce qui est déterminant aujourd’hui, ce sont les prises de position à gauche, et les perspectives pour une opposition qui impose une ligne de rupture avec la logique de la troïka, et pas seulement des mesures d’aide humanitaire même si elles sont fondamentales en cette période.
La semaine écoulée a vu les premières mobilisations ou déclarations allant dans ce sens, mais le constat est l’absence de démarche ! Du côté de Syriza, DEA fait une analyse critique qui rejoint celle de courant Antarsya, mais que ce soit dans les déclarations de ses dirigeants ou dans leur tract ne proposant rien de concret (« Pas un pas en arrière »), les perspectives restent largement à définir.
Deux rassemblements ont eu lieu la semaine passée : le premier à l’appel d’Antarsya et d’autres, réunissant un millier de personnes sur le thème « ni FMI ni UE, que le peuple prenne ses affaires en mains » ; le second à l’appel du KKE, réunissant quelques milliers de personnes sur une ligne d’« alliance populaire » autour du seul KKE (avec dans leur journal une critique stupide d’Antarsya !).
Or, toutes ces initiatives et prises de positions le montrent : si le courant radical parvient à proposer des initiatives unitaires (manifestations, propositions sur la dette...), il pourra empêcher les reculs actuels et permettra d’avancer !
D’Athènes, A. Sartzekis