Comme son voisin rwandais, le Burundi a hérité d’un cadeau empoisonné légué par le colonialisme : les divisions ethniques, sources de guerre civile qui continuent d’empoisonner la vie politique. Le pays a connu une succession de conflits communautaires puis une guerre civile entre 1993 et 2006. Des centaines de milliers de personnes ont perdu la vie et ces douloureux épisodes de l’histoire restent présents dans les esprits.
Mais la crise actuelle est avant tout politique, entre un président qui tente de s’éterniser au pouvoir et une population qui aspire à la démocratie, ce qui reste hélas un classique en Afrique. En effet, le refus de l’alternance des dirigeants qui tripatouillent les Constitutions reste une question centrale et focalise une grande partie des luttes populaires, comme on l’a vu au Sénégal puis au Burkina Faso où les populations ont imposé un changement politique.
Tentative contestée
Les accords d’Arusha signés en 2000 sous les auspices du président sud-africain Nelson Mandela et de de l’ancien président tanzanien Nyerere, ont mis fin à la guerre civile entre Hutu et Tutsi en construisant une architecture où le maître mot reste le partage du pouvoir entre communautés et entre partis politiques. Cet accord prévoit que le président ne peut prétendre à un troisième mandat.
C’est précisément ce que tente d’ignorer Pierre Nkurunziza, arguant que son premier mandat n’était pas issu d’une élection générale mais de l’Assemblée nationale. À Bujumbura, la capitale, Nkurunziza est largement isolé : opposition et société civile ont appelé à des manifestations qui sont durement réprimées, et on compte une vingtaine de morts. L’église catholique, très influente, s’est prononcée elle aussi contre la perspective de ce troisième mandat, et la contestation a même gagné le parti dirigeant, le CNDD-FDD, où des exclusions ont été prononcées.
Répression généralisée
C’est ainsi que le général Godefroid Niyombare, ancien responsable des services secrets, a été limogé pour avoir produit un rapport contre le troisième mandat. Ce haut responsable de l’armée a toujours défendu l’équité entre Hutus et Tutsis au sein de l’armée, et reste attaché aux accords d’Arusha, ce qui semble avoir été sa motivation pour la tentative de coup d’État. Son échec provient notamment d’une sous-estimation de la résistance de la garde présidentielle qui a défendu la radio-télévision nationale du Burundi, véritable enjeu car seule radio à émettre sur l’ensemble du pays.
L’échec du coup de force risque d’aggraver la situation du Burundi. Déjà, lors de son accession au pouvoir, Nkurunziza s’était éloigné des accords d’Arusha et dérivait vers une dictature. La répression grandissante des forces de sécurité épaulées par les Imbonerakure, l’organisation de jeunesse du CNDD-FDD, a déjà mis plus de cinquante mille personnes sur le chemin de l’exil.
Plus grave, en réponse aux mobilisations, Pierre Nkurunziza commence à poser la question du pouvoir en termes ethniques, avec le risque d’une nouvelle confrontation généralisée et d’une déstabilisation d’une région déjà en proie aux violences des différentes milices.
Paul Martial