Areva connaissait de longue date les anomalies de la cuve de l’EPR
La cuve est la seule pièce d’un EPR qui ne peut pas être remplacée...
Depuis quand Areva connaissait les faiblesses de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ? Selon Le Canard enchaîné à paraître mercredi 8 juillet, une note a fait état dès 2006 des fragilités de l’acier qui compose le couvercle du réacteur en construction à Flamanville. Pourtant, les défauts n’ont été révélés qu’en avril par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), avertie par Areva, soit neuf ans après la première mise en garde.
Le groupe a-t-il cherché à dissimuler ces failles, l’une des multiples embûches dans les travaux de Flamanville ? Interrogé par le journal satirique, Areva invoque « la physique ». Les fragilités proviennent d’une très forte concentration en carbone dans l’acier qui réduit la capacité de ce dernier à résister à la propagation de fissures. Une résistance essentielle pour cet appareil soumis à d’énormes pressions et à des chocs thermiques violents expliquait l’ASN en avril. Selon Areva, le surplus de carbone est « inhérent au refroidissement des grands lingots » d’acier, explique-t-elle au Canard enchaîné.
« Manque de compétence ? de vigilance ? de surveillance ? »
« Ce qui nous a surpris, c’est que les gens d’Areva n’aient pas réagi devant une valeur anormale aussi élevée », relate toutefois au journal satirique, Sylvie Cadet-Mercier, responsable du suivi des nouveaux réacteurs à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) à l’origine de la note communiquée à Areva en 2006. « S’agit-il d’un manque de compétence ? de vigilance ? de surveillance ? », s’interroge-t-elle, alors que la cuve doit être sans défaut, puisqu’il s’agit de la seule pièce d’un EPR qui ne peut pas être remplacée pendant toute la durée de vie du réacteur.
Aussitôt après l’annonce en avril de la détection de ce défaut, Ségolène Royal, ministre de l’écologie et de l’énergie, avait demandé à Areva de se conformer « sans délai » aux demandes de l’ASN.
Le Monde.fr
* Le Monde.fr | 07.07.2015 à 20h16 • Mis à jour le 07.07.2015 à 21h30.
EPR de Flamanville : les quatre malédictions d’un chantier controversé
D’autres pièces essentielles à la sûreté de l’EPRi présentent des défaillances...
Le ciel s’assombrit toujours davantage au-dessus de l’EPR de Flamanville (Manche). Deux mois après la révélation de graves anomalies dans l’acier de la cuve du réacteur nucléaire de troisième génération, où se produit la fission des atomes, ce sont d’autres pièces essentielles à sa sûreté qui présentent des défaillances. Le 8 juin 2015, Mediapart révélait un rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un organisme dépendant de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), pointant des problèmes dans des soupapes de sécurité du circuit primaire. Une incertitude de plus pour le réacteur, après l’annonce, en novembre, d’un nouveau retard et d’une facture en hausse.
Vitrine de la filière nucléaire française, l’European Pressurized Reactor (EPR), conçu par Areva et l’allemand Siemens dans les années 1990, est censé comporter d’importantes améliorations en termes de sûreté. En cas de fusion du cœur du réacteur – situation la plus redoutée par les exploitants, qui s’est produite à la centrale japonaise de Fukushima en mars 2011 – le magma hautement radioactif pourrait théoriquement être piégé dans une « chambre d’étalement du corium ».
Par ailleurs, l’EPR comporte quatre circuits de refroidissement autonomes. Et les piscines de refroidissement des combustibles usés devraient être protégées par une enceinte de confinement. Au final, selon EDF, le risque de prolifération des matières radioactives serait quasiment nul, de même celui engendré par les agressions extérieures (séisme, inondation ou chute d’un avion gros porteur).
Areva indique en outre que l’EPR consommera environ 15 % de combustible en moins pour la même production de courant, et produira 10 % de déchets radioactifs à vie longue en moins. Le réacteur, d’une puissance de 1 650 mégawatts (contre 1 450 MW pour les plus puissants actuellement), a été conçu pour résister à des accidents internes et externes (notamment la chute d’un avion de ligne), affirme-t-on chez EDF et Areva.
L’EPR est pourtant en passe de devenir l’une des technologies les plus décriées. En tout cas l’une des plus coûteuses.
Un calendrier toujours plus long
Les travaux ont été lancés en 2007, après le feu vert donné à l’EPR par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2004. EDF avait à l’époque prévu cinq ans de travaux et un raccordement au réseau de RTE, gestionnaire des lignes à haute tension, en 2012. Puis très vite, l’échéance est repoussée à 2014. En 2011, l’électricien doit se rendre à l’évidence : la mise en service ne pourra pas intervenir avant 2016.
Depuis, de nouvelles difficultés sur le chantier et des problèmes sur des équipements lourds, comme le couvercle et des éléments de la cuve d’acier, ont entraîné, selon EDF, « un décalage dans le planning du chantier », poussant l’électricien à annoncer en novembre un nouveau retard. Le démarrage de l’installation est désormais prévu en 2017, cinq ans après le début des travaux. Ce délai est cette fois imputable à Areva, et non à Bouygues et à ses sous-traitants assurant le génie civil.
Un coût multiplié par trois
La facture déjà salée devrait encore s’alourdir, de même que sur le site finlandais d’Olkiluoto, conduit par Areva, qui accuse neuf années de retard (neuf ans) et des coûts qui ont presque triplé depuis 2005.
En 2005, le prix de Flamanville 3 était estimé à 3,3 milliards d’euros, comme celui d’Olkiluoto. Dès 2008, un an après le début de la construction, la facture grimpe à plus de 4 milliards, EDF rappelant qu’il faut tenir compte de l’évolution des prix du béton et de l’acier. Les coûts passent de 4 à 6,5 milliards entre 2009 et décembre 2012, le groupe annonce que la facture s’alourdira encore de 2 milliards pour atteindre 8,5 milliards d’euros. Elle devrait maintenant dépasser les 9 milliards d’euros. Des dépassements qui auront inévitablement un impact sur le coût de production du mégawattheure (MWh), et donc sur le prix de vente au consommateur final.
S’arrêtera-t-on là ? Rien n’est moins sûr, puisqu’« un an de retard peut représenter 700 à 800 millions d’euros de plus », selon un expert du nucléaire, notamment en raison des coûts de la main-d’œuvre. Aux périodes les plus actives, 4 000 ouvriers, techniciens et ingénieurs se croisent sur le site normand, un des plus grands chantiers d’Europe. La Cour des comptes en 2012, puis la commission d’enquête parlementaire sur le coût de la filière nucléaire, présidée par le député François Brottes (PS, Isère) en 2014, ont souligné « un certain nombre d’incertitudes » dans l’industrie de l’atome et ont exprimé leur « préoccupation » sur l’évolution des coûts de la filière en France.
Depuis, le gouvernement a décidé, au cours d’une réunion présidée par le chef de l’Etat le 3 juin, de rapprocher Areva et EDF : le groupe d’électricité va prendre le contrôle de l’activité conception-fabrication des réacteurs d’Areva NP (ex-Framatome).
De nombreux défauts de fabrication
Depuis le début de la mise en chantier de l’EPR en décembre 2007, l’ASN, qui contrôle le site deux fois par mois, a relevé des centaines de failles dans la construction, consignées dans des comptes rendus d’inspection. Dernier problème en date, pointé par l’IRSN, qui assure l’expertise pour l’ASN : les soupapes de sûreté. Les tests ont fait apparaître « des difficultés de fonctionnement », indique l’Institut, alors qu’elles jouent un rôle « fondamental » en évitant une éventuelle surpression dans le circuit primaire qui contient le combustible nucléaire et où circule l’eau de refroidissement. Les essais de qualification menés en 2014 par EDF ont fait état, selon l’IRSN, « d’ouverture intempestive » des soupapes, d’« échec à l’ouverture », d’« échec à la fermeture » ou encore de « risques de fuites de fluide primaire ».
Deux mois plus tôt, l’ASN avait révélé que l’acier de la cuve où se produit la fission et la réaction atomique en chaîne, forgée dans l’usine d’Areva sur le site de Châlon Saint-Marcel (Saône-et-Loire), n’était pas conforme aux normes de sûreté. Des microfissures risquaient d’apparaître dans cette cuve soumise à la pression et à de hautes températures. De nouveaux essais sont en cours. EDF et Areva doivent en donner les conclusions « à l’automne ».
Par ailleurs, des fissures réparties sur trois zones de l’enceinte interne du bâtiment réacteur ont pris trois mois pour être réparées, comme l’a indiqué EDF en juin 2014, confirmant partiellement une information du Canard Enchaîné qui parlait de « trous de 42 centimètres ».
En 2013, le dôme du réacteur avait été endommagé par la chute d’un engrenage ; en 2011 et 2012, le gendarme du nucléaire avait à plusieurs reprises pointé des « malfaçons » et des « anomalies » dans les opérations de bétonnage, de ferraillage et de soudage pouvant « porter préjudice à la qualité finale des structures ». Il était question de trous dans le béton et de nids de cailloux (zone manquant de ciment). Le bétonnage du bâtiment réacteur a même été trois fois suspendu, dont la dernière pendant un an en 2012. Le plan présenté depuis par EDF a été jugé « satisfaisant » par l’ASN.
Le problème de la sous-traitance
En 2011, l’ASN avait dénoncé « un manque de compétences, de formation à la culture de sûreté des intervenants » et des « lacunes d’EDF dans la surveillance des sous-traitants ». Le chantier emploie au maximum 4 000 personnes dont 3 200 salariés d’entreprises sous-traitantes d’EDF. 19 % de ces salariés sous-traitants sont employés par des entreprises étrangères, à plus de 80 % des Portugais.
L’EPR de Flamanville a fait l’objet d’enquêtes préliminaires et de procès après la mort accidentelle de deux ouvriers en janvier et en juin 2011, et des infractions – travail dissimulé et sous-déclaration d’accidents du travail – relevées par l’ASN.
En avril 2014, le tribunal correctionnel de Cherbourg a condamné Bouygues Travaux publics, responsable de la coordination de la sécurité du génie civil sur le chantier, à 75 000 euros d’amende, ainsi qu’un grutier à trois mois de prison ferme, pour la mort accidentelle d’un intérimaire de 37 ans, en janvier 2011, qui avait fait une chute mortelle de 15 mètres. La passerelle sur laquelle il se trouvait avait été heurtée par le chargement d’une grue.
Quant au volet du travail dissimulé, le procès des sociétés Bouygues, Atlanco et Elco accusées d’avoir employé illégalement 460 ouvriers roumains et polonais sur le chantier du réacteur, doit être tranché le 7 juillet. Lors de l’audience le 13 mars, le magistrat avait requis la peine maximale contre « la nébuleuse » Atlanco, soit 225 000 euros d’amende. Il avait en outre demandé 150 000 euros d’amende contre Bouygues TP et 80 000 euros d’amende chacun contre les sociétés Quille, filiale de Bouygues Construction, l’entreprise nantaire Welbond armatures et la société roumaine de BTP Elco.
Audrey Garric
Chef adjointe du service Planète/Sciences du Monde
Jean-Michel Bezat
Journaliste au Monde
* Le Monde.fr | 19.11.2014 à 16h55 • Mis à jour le 10.06.2015 à 07h35.
Le réacteur EPR de Flamanville touché au cœur
Le réacteur EPR de Flamanville (Manche), en chantier depuis 2007, vient de connaître un nouveau déboire. Et c’est le cœur même du projet qui est aujourd’hui touché : la cuve où se produit la fission des atomes et qui constitue aussi la seconde barrière de confinement de la radioactivité, après la double enceinte de béton du bâtiment du réacteur. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a en effet annoncé, mardi 7 avril, qu’Areva l’avait prévenue d’une « anomalie de la composition de l’acier » dans le couvercle et le fond de la cuve du réacteur.
Au cours des premiers essais chimiques et mécaniques sur des pièces similaires, fin 2014, les ingénieurs ont constaté une concentration importante en carbone, réduisant la capacité de l’acier à résister à la propagation de fissures. Une résistance indispensable dans une chaudière soumise à d’énormes pressions et à des chocs thermiques violents, précise le gendarme du nucléaire.
La seule pièce qu’on ne peut pas changer
La ministre de l’écologie et de l’énergie, qui s’est prononcée pour la construction de nouvelles centrales une fois les plus anciennes mises à l’arrêt, a aussitôt demandé à Areva de se conformer « sans délai » aux demandes de l’ASN. Ségolène Royal a réaffirmé sa « confiance à ce dispositif de contrôle et d’expertise » – composé de l’ASN et de son bras armé, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) – censé rapprocher les installations du risque zéro.
Forgée dans l’usine Areva de Chalon/Saint-Marcel (Saône-et-Loire), la cuve est soumise à l’arrêté sur les équipements sous pression nucléaire qui renforce les exigences techniques dans ce domaine depuis 2005. Cette pièce doit être sans défaut puisque c’est la seule qu’on ne peut pas changer au cours de la durée de vie d’un EPR, qui sera de soixante à cent ans.
EDF et Areva ont annoncé le lancement, en avril, d’une « nouvelle campagne d’essais », dont les résultats sont attendus pour octobre, et s’engagent à « apporter à l’ASN toutes les informations permettant de démontrer la sûreté et la qualité des équipements concernés ». Ce contretemps n’empêchera pas les travaux de Flamanville de se poursuivre, affirment les deux groupes. Mais dans l’hypothèse où les nouveaux essais seraient invalidés, le chantier, qui a accumulé plus de cinq ans de retard et une dérive des coûts – ils sont passés de 3,3 milliards d’euros à 8,5 milliards –, pourrait prendre encore du retard.
Lourd enjeu pour Areva
A l’automne, EDF avait encore repoussé la date de mise en service de 2016 à 2017 et annoncé une nouvelle estimation du coût final, qui pourrait atteindre 10 milliards. Sur le site, les syndicats doutent de ce calendrier. L’équipe du nouveau PDG, Jean-Bernard Lévy, affiche aussi une grande prudence à quelques mois du début de la phase la plus critique : les essais du réacteur.
L’enjeu est lourd pour Areva, mais aussi EDF. Dans sa lettre de mission à M. Lévy, l’Etat actionnaire (à 84,5 %) lui a demandé d’« améliorer la gestion du chantier » et de « le livrer en optimisant les coûts et les délais ». Des équipes conjointes EDF-Areva y travaillent au siège d’Areva, à La Défense. Le raccordement de Flamanville (1 650 MW) conditionne aussi l’arrêt de deux tranches de 900 MW, qui pourraient être celles de Fessenheim (Haut-Rhin).
Cette incertitude sur les capacités de résistance de la cuve est d’autant plus inquiétante qu’elle concerne aussi les deux EPR construits par EDF et son partenaire China General Nuclear Power Corporation (CGN) sur le site de Taïshan, dans la province chinoise du Guangdong.
Les responsables de l’ASN ont prévenu leurs collègues chinois d’un risque de défaut, alors que le premier EPR chinois devrait être mis en service en 2016. En revanche, l’ASN indique que les pièces de l’EPR finlandais d’Olkiluoto, forgées au Japon, ne sont pas concernées par ces « anomalies ».
Un accident qui tombe mal
Le nouvel accident de parcours subi par l’EPR est du plus mauvais effet pour ses clients potentiels, comme l’Afrique du Sud, la Pologne, l’Arabie saoudite ou l’Inde. Tous s’interrogent depuis plusieurs années sur la solidité et la cohérence de la filière nucléaire française. Cette annonce sur l’EPR de Flamanville intervient à la veille de la visite en France du premier ministre indien, Narendra Modi, dont le pays est candidat à l’achat de deux à six EPR.
Elle s’inscrit aussi dans un environnement déjà très dégradé pour Areva. Le groupe a annoncé, le 4 mars, une perte de 4,8 milliards d’euros sur l’exercice 2014 et une baisse de 8 % de son chiffre d’affaires. Ses dirigeants travaillent depuis des mois avec EDF et le gouvernement à une réorganisation complète de la filière nucléaire. Dans ce cadre, tout ou partie d’Areva NP, la filiale réacteurs et services d’Areva, devrait passer sous le contrôle du géant de l’électricité.
Si les industriels croient toujours à l’avenir de l’EPR, écologistes et antinucléaires ont trouvé dans ce énième déboire une raison de plus pour réclamer l’arrêt du chantier. « Après une multitude de problèmes techniques, des années de retard et un surcoût monstre, souligne Europe Ecologie-Les Verts, le nouveau feuilleton de ce gigantesque ratage industriel déconstruit une nouvelle fois le mythe du nucléaire sûr et peu cher. »
Jean-Michel Bezat
Journaliste au Monde
* Le Monde.fr | 07.04.2015 à 14h36 • Mis à jour le 08.04.2015 à 11h21.
Chantier de l’EPR de Flamanville : Bouygues condamné pour avoir recouru à l’emploi de travailleurs dissimulés
Bouygues Travaux publics (TP) a été condamné, mardi 7 juillet, par le tribunal correctionnel de Cherbourg (Manche), à 25 000 euros d’amende pour avoir eu recours aux services de sociétés pratiquant le travail dissimulé et le prêt de main-d’œuvre illicite sur le chantier de l’EPR de Flamanville. Si la justice a estimé que le groupe était au courant de ces pratiques, l’amende est loin des 150 000 euros requis par le procureur.
Quatre autres entreprises ont été condamnées dans cette affaire. Commandé par EDF, le chantier a été confié à Bouygues TP qui a eu recours à deux sociétés pour ces travaux, sa filiale Quille Construction et le sous-traitant Welbond Armatures, lesquelles ont confié à l’agence d’intérim Atlanco Limited, basée à Chypre, et à la société roumaine de BTP Elco le soin de trouver des travailleurs.
Au total, ces dernières ont employé 460 salariés polonais et roumains censés avoir été détachés sur le chantier du réacteur nucléaire EPR entre 2008 et 2012. Ces sociétés sont condamnées respectivement à 70 000 et 40 000 euros, notamment pour prêt illicite de main-d’œuvre. Le procureur avait, lui, requis la peine maximale (225 000 euros), ainsi que l’interdiction d’exercer en France, contre Atlanco Limited.
Tout comme Bouygues TP, Welbond Armatures et Quille Construction ont été jugées coupables de « recours aux services d’une entreprise pratiquant le travail dissimulé, prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage » et condamnées, respectivement, à 15 000 et 5 000 euros d’amende.
L’enquête a duré trois ans, mais la justice n’est pas parvenue à retrouver Atlanco, absente donc lors de l’audience. Cette société d’origine irlandaise ayant un bureau à Nicosie y signait des contrats avec des salariés polonais qui n’y étaient jamais venus. « Des contrats écrits en langue anglaise, pour travailler en France ! », s’exclame Jean-Pascal François, de la fédération CGT de la construction, du bois et de l’ameublement, une des parties civiles dans ce dossier. Une configuration qui ne peut correspondre au détachement de salariés régi par une directive européenne.
La CGT « déçue »
Pour Pierre Cornut-Gentille, l’un des avocats de Bouygues et de Quille qui ont décidé de faire appel, « les salariés étaient tous en situation régulière en tant que travailleurs détachés ». Le procureur, pour lequel ces salariés étrangers auraient dû, au contraire, être déclarés en France, avait souligné « le rôle central » de Bouygues TP. L’amende encourue dans ce genre d’affaire est de 225 000 euros.
La CGT se dit « déçue ». L’amende infligée à Bouygues TP « n’est rien par rapport aux plusieurs millions d’euros de cotisations sociales non versées en France pour l’emploi des travailleurs », déplore M. François, mais « c’est quand même une condamnation ».
« C’est simple, explique Flavien Jorquera, avocat de la CGT. L’avocat de Bouygues TP a souligné qu’une amende de 30 000 euros impliquerait automatiquement l’interdiction pour la société d’accéder à des marchés publics. Ce qui aurait conduit à des licenciements. » Une forme de pression sur le juge, à ses yeux, qui a conduit à cette « décision clémente ».
Francine Aizicovici
Journaliste au Monde
* Le Monde.fr | 07.07.2015 à 16h19 • Mis à jour le 08.07.2015 à 11h44.