On se souvient du scandaleux triomphalisme de Ségolène Royal, au soir de l’élection de Sarkozy, la candidate clamant avec un sourire radieux que sa défaite était une victoire, alors que des millions de salariés avaient les tripes nouées à l’idée des calamités qui n’allaient pas manquer de s’abattre sur eux. À l’époque, c’est la campagne du Parti socialiste, imperméable et étrangère aux revendications du monde du travail, qui avait fait le lit de la démagogie sarkozyenne.
Un an plus tard, la démagogie s’est vite usée et les résistances se multiplient ; attaqués de toutes parts, les salariés montrent une combativité d’autant plus remarquable qu’ils doivent lutter avec un bras lié dans le dos par la politique de leurs directions syndicales. Mais le spectacle offert par les hiérarques du PS est, quant à lui, toujours aussi pathétique. Sourds, aveugles et muets face aux mobilisations sociales, ils ne se consacrent plus qu’à la lutte des places. Delanoë dévoile-t-il ses ambitions élyséennes en publiant un livre où, en toute franchise et sans nulle vergogne, il s’affirme « libéral », qu’on voit immédiatement, en réaction, une Royal à contre-emploi s’en aller visiter les usines et se mettre à citer Jaurès. Dérisoire et révoltant.
Tous sont, en tout cas, d’accord sur un point : à l’opposé de l’urgence sociale, laisser les mains libres à Sarkozy jusqu’en 2012, dans l’espoir de pouvoir surfer alors sur une vague de rejet, malgré un programme qui ne sera pas qualitativement différent de celui de la droite. Et tant pis (à moins que ce soit « tant mieux », parce que le sale boulot aura été fait ?) si c’est sur un paysage social dévasté. Il ne reste qu’à savoir qui d’entre eux sera, dans quatre ans, l’heureux élu…
Complètement ligotés au PS, les dirigeants du PCF et des Verts n’ont pas grand-chose d’autre à déclarer. À la gauche plurielle a succédé la gauche « plus rien ». Devant ce champ de ruines, l’heure est bien à la reconstruction. D’une gauche digne de ce nom, de combat anticapitaliste, utile dès à présent aux luttes et porteuse d’un projet de transformation révolutionnaire de la société.
Jean-Philippe Divès (Editorial)
* Paru dans Rouge n° 2254, 29/05/2008.
Moi, libéral et socialiste
ls ne s’y sont pas trompés… Tous les adeptes français d’un bipartisme où ne se confronteraient plus, dans le cadre d’une alternance molle, que des nuances d’un même projet d’adaptation de la société française à la norme du capitalisme libéral, ont salué la sortie de l’ouvrage de Bertrand Delanoë, De l’audace ! Du côté de la gauche d’accompagnement, il n’y a nul besoin d’explications de texte. Le Nouvel Observateur publie ainsi les bonnes feuilles du bouquin, avec appel et photo du grand homme en cover, sous le titre éloquent : « Moi, libéral et socialiste. » Libération, très impliqué dès lors que son directeur a participé à l’opération de « com », donne la parole (le 24 mai) à un très ancien tenant de la mue du PS en un nouveau parti démocrate à l’américaine : « Pour la première fois depuis bien longtemps, […] un leader socialiste de premier plan explique que le PS a eu tort de laisser le libéralisme à droite. […] Certes, il revient à l’origine de la philosophie libérale. Mais il explique tout de même clairement qu’il englobe là-dedans le libéralisme économique. »
Mais c’est à l’inoxydable Alain Duhamel, expression habituelle du prêt-à-penser médiatique, de pousser les pions de la partie d’échecs qu’il appelle manifestement de ses vœux pour 2012. Dans sa chronique hebdomadaire du Point, intitulée « Bertrand Delanoë : et si c’était lui ? », il se félicite pêle-mêle que l’intéressé « n’hésite pas à proclamer que la France doit prendre sa part dans la lutte contre le terrorisme en Afghanistan », qu’il « ne ruse jamais avec les nécessités de l’ordre et de l’autorité », qu’il ne craigne « pas de se présenter en manager », qu’il n’ait « peur ni de la flexibilité à la scandinave […] ni de l’autonomie des universités ». « Le plus intéressant et le plus substantiel », comme il dit, est sans doute que le futur postulant à la conduite des affaires du pays « ne nourrit aucun complexe vis-à-vis de l’extrême gauche ».
Tout est, ici, résumé… Pour la petite nomenklatura qui se pique de modernisme dans les salons où elle pérore, vouloir changer la vie et répondre aux attentes des classes populaires relève – évidemment ! – des « chimères » d’extrême gauche. Sauf que… c’est ce qui a coûté ses plus cuisantes déroutes à la gauche qui croit ces conseils judicieux.
Christian Picquet (La gazette des gazettes)
* Paru dans Rouge n° 2254, 29/05/2008.
Un PS en ébullition
Pauvre François Hollande : à six mois du congrès censé traiter du « fond » pour rebâtir un « projet », le premier secrétaire, en partance, du Parti socialiste ne voit toujours pas le début d’un « débat d’idées », et il s’en alarme. Il faut dire que treize candidats déclarés à sa succession, plus déjà quatre ou cinq prétendants (dont lui-même) à la prochaine présidentielle, et autant de cliques et sous-cliques sans l’ombre d’un contenu politique susceptible de les différencier, cela commence à faire désordre. Une « pétaudière », selon le mot élégant de Jean-Christophe Cambadélis.
Il va sans dire que tous les secteurs de cette formation, désormais ralliée au capitalisme néolibéral, en théorie comme en pratique, sont bien d’accord entre eux pour laisser jusqu’en 2012 les mains libres à Sarkozy, afin d’appliquer ses plans mortifères. Dans le même temps, Le Monde des 18 et 19 mai nous apprenait cependant que, « le 14 mai, le secrétariat national a constitué, à l’initiative de François Hollande, un groupe de travail piloté par le député de Paris [et ancien ministre de l’Intérieur !] Daniel Vaillant, et chargé “d’analyser l’impact que pourrait avoir la constitution d’un pôle de radicalité”. Il s’agira d’observer de près la tentative de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) de constituer son nouveau parti anticapitaliste (NPA) et d’en “tirer les enseignements pour la gauche”. »
Une chose est certaine : le PS ne s’intéresse pas à nous pour nos « idées » !
Rouge (Au jour le jour)
* Paru dans Rouge n° 2253, 22/05/2008.