Réflexions introductives
Ce débat, au-delà de son importance théorique, la définition du sujet révolutionnaire, est utile pour notre activité au quotidien. En effet il nous faut pour agir efficacement comprendre pourquoi dans une société comme la nôtre, où le prolétariat, la classe de celles et ceux qui ne sont pas propriétaires de leur outil de travail, vendent leur force de travail, sont dépossédé-e-s de leur travail, ont une position subalterne dans le travail, sont exploité-e-s et opprimé-e-s, représente près de 80% de la population, ne crée pas une déstabilisation de la société, ne provoque pas une dynamique d’affrontement de classe qui remet concrètement en cause le pouvoir de l’infime minorité, la bourgeoisie ?
Pour aborder ces deux aspects, ce qu’est devenu le prolétariat aujourd’hui et les raisons de la stabilité de la domination des capitalistes, il me semble que l’idée qu’avancent Marx et Engels dans le Manifeste communiste offre une approche tout à fait utile : « la bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, c’est-à-dire tous les rapports sociaux. »
La façon dont s’organise la bourgeoisie, le Capital, l’exploitation, les entreprises change en permanence, et le prolétariat du 19e siècle en Grande Bretagne, le prolétariat chinois actuel, ou le prolétariat en Europe capitaliste au 21e siècle sont profondément différents.
Cette « révolution constante » du capitalisme se traduit par une recherche continue pour étendre son pouvoir sur l’ensemble du monde et de la société : extension territoriale (colonialisme puis dépendance), du marché mondial à la mondialisation, soumission de la nature au mépris de l’environnement et de la survie de l’espèce humaine, brevétisation du vivant, soumission de l’esprit humain (aliénation), sans oublier la nouvelle raison du néo-libéralisme et sa « déprolétarisation du prolétariat ».
Il y a des évolutions techniques, technologiques (augmentation énorme de la productivité), des choix économiques d’externalisation, de délocalisation, mais aussi une volonté politique. Les évolutions du prolétariat ne sont pas le produit mécanique des changement économiques, de l’évolution des processus de production. Il y a une vraie réflexion de la classe bourgeoise, suivie des décisions pratiques pour affermir, renforcer, conforter sa domination. Par exemple le choix énergétique de développer le recours au pétrole pour supplanter le charbon, s’il avait un intérêt au plan militaire, n’en avait pas au plan économique, il coutait plus cher, il a d’abord été massivement subventionné [1]. Une des raisons de ce choix est la volonté de progressivement marginaliser le poids des bastions ouvriers que représentaient les mineurs, secteur massif, puissant, organisé, jouant un rôle politique central : il fallait casser cela. La classe bourgeoise, qui a été confrontée à une vague révolutionnaire majeure au cours du XXe siècle, a mis en place toute une politique consciente pour contrecarrer ce risque autant que possible.
Rapide remarque qui nécessiterait des développements plus importants, juste mentionnée ici pour mémoire, pour ne pas oublier que l’affrontement de classe permanent ne se traduit en crise que lorsqu’il devient politique, comme produit de bien d’autres données que la simple extension de la classe dominée. Le fait que le prolétariat soit de plus en plus puissant, de plus en plus nombreux, ne crée pas automatiquement les conditions de l’effondrement du pouvoir bourgeois. Dans nombre des principales puissances de l’histoire du capitalisme, la Grande Bretagne, les Etats-Unis, le Japon, la lutte des classes n’a pas connu de poussée assez forte pour créer une crise révolutionnaire.
Quelques données générales
De manière très schématique, voici quelques données, quelques ordres de grandeur, pour prendre en compte la réalité du prolétariat en France, là où nous militons, pas celle née dans les rêves d’une classe ouvrière mythique.
► Les salarié-e-s représentent 90% de l’emploi total en France (insee 31 décembre 2013) : il n’y en a jamais eu autant.Tou-te-s ne sont pas prolétaires, de Carlos Ghon aux hauts fonctionnaires, une partie ne sont pas vraiment opprimé-e-s, ... sans compter à l’inverse des groupes sociaux non salarié-e-s que les conditions de travail et de vie rapprochent des prolétaires, comme les petit-te-s artisan-ne-s ou paysan-ne-s.
Quand on dit qu’en France, ou dans les autres sociétés européennes, le prolétariat représente 80% de la population, on n’est pas loin de la réalité.
► Moins de 30% de ces prolétaires travaillent dans l’industrie (22% dans l’industrie et 7% dans le btp) : c’est le niveau qu’il avait un siècle auparavant. Le niveau le plus élevé de prolétaires dans l’industrie, 50%, a été atteint dans les années 1970. C’est aujourd’hui le secteur le plus agé (20% de moins de 30 ans , contre 32% dans la construction et 28% dans le tertiaire).
Plus de 65% de prolétaires travaillent donc dans les services, 20% sont fonctionnaires (dont les hopitaux), et 45% dans le tertiaire marchand, (dont les transports). Notons que dans certains pays d’europe nord ou d’amérique du nord, la tertiarisation est encore plus importante.
Globalement moins d’un emploi sur quatre est ouvrier.
Les femmes, qui représentent aujourd’hui 48% de la population active salariée, travaillent à 75% dans les services.
► Les prolétaires travaillent dans des établissements plus petits appartenant à des groupes de plus en plus gros, de plus en plus mondialisés. Les travailleurs-euses sont également de plus en plus éloigné-e-s des centres de décision, ce qui amenuise leur pouvoir.
A titre de comparaison, durant la vague d’industrialisation des années 20 et 30 en France, la classe ouvrière s’est concentrée dans de grandes usines, 41,5% des salarié-e-s nouveaux-elles étaient recruté-e-s dans des établissements de plus de 500, pour l’essentiel des établissements industriels !
On est bien loin de cela aujourd’hui, les établissements industriels de plus de 500 personnes sont rares. Par exemple, entre 2003 et 2013, le nombre d’entreprises industrielles de plus de 500 salarié-e-s diminue toujours, alors que dans tous les autres secteurs il augmente…
Une courte majorité (51,6 %) des salarié-e-s travaillent dans des entreprises de moins de 49 salarié-e-s, le quart dans les entreprises de 50 à 199 salarié-e-s, le quart dans des entreprises de plus de 200 salarié-e-s.
5 000 entreprises accueillent 12 % des salarié-e-s et un peu moins de 2700 en accueillent 11 %.
Répartition des salariés par taille d’établissement fin 2011, en pourcentage des effectifs totaux
1 à 9 salariés | 10 à 49 salariés | 50 à 199 salariés | 200 à 499 salariés | 500 salariés et plus |
22,8 % | 28,8 % | 24,9 % | 12,3 % | 11,1 % |
Source : Pôle emploi.
Les statistiques doivent toujours être analysées avec un regard critique. Par exemple les données par entreprise déforment la réalité des lieux de travail, cf deux exemples contradictoires :
– Une entreprise de 3000 salariés qui a un siège social et 20 lieux d’implantation n’a pas de lieu de travail en dehors du siège social dans lequel travaillent plus de 200 salarié-e-s.
– A l’inverse, il y a des concentrations importantes de travailleurs d’entreprises et de statuts différents, dans des sites communs, comme les aéroports (cf Roissy plus de 100 000 salarié-e-s dans des centaines d’entreprises), les centrales nucléaires etc...
Les données statistiques, si elles donnent des indications précieuses sur les grandes évolutions, ne permettent pas d’aborder ces données politiques.
► Rappel pour mémoire, sans insister ici sur la place de plus en plus grande des femmes, le poids du chômage structurel, de la précarité (84% des postes à temps complet sont en CDI, mais la quasi totalité des embauches se font en contrats précaires), des temps partiels, notamment pour les femmes, jeunes, les salariés d’origine non communautaire, etc ...
Le néolibéralisme : de l’économie de marché à la société de marché
Il me semble intéressant de prendre la mesure de la période dans laquelle nous militons, en insistant sur quelques aspects peu traités, les choix du néolibéralisme et les effets qu’ils ont sur le prolétariat.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le capital a transformé la société du sol au plafond, en morcelant le prolétariat, mettant à mal son identité, tendant à le fragiliser en tant que force sociale, et rendant l’organisation de celui-ci plus difficile.
L’idéologie dominante a toujours présenté aux yeux des classes sociales exploitées et opprimées la domination des exploiteurs comme naturelle, mais ce qui se passe aujourd’hui prend des formes nouvelles. Autour de l’idée qu’il n’y a pas d’autre alternative, l’entreprise et le monde de la concurrence sont devenues des données intangibles : il faut donc changer les salarié-e-s !
Réfléchir comment cette offensive fonctionne nous donne plus d’armes pour lutter...
► La contre réforme néo-libérale engagée depuis les années 1980 ne se contente pas de privatiser, de casser les différentes formes des « états providence », les systèmes de protection sociale, d’attaquer les salaires et les acquis du prolétariat. Plus qu’une simple restauration du capitalisme du 19e siècle et du libéralisme traditionnel, elle réorganise l’ensemble de la société, de l’économie généralisée de marché vers une société de marché. L’état se réengage sur de nouvelles bases articulées à la mondialisation et la financiarisation, avec une intervention politique essentielle.
► Ces néo libéraux font de la politique, ils ont bien compris que la société industrielle a produit un nomadisme de masse de salariés sans précédent, avec un déracinement urbain considérable, qu’on voit par exemple aujourd’hui se produire en Chine. Dans le contexte politique du XX° siècle, il a facilité la construction d’un mouvement ouvrier très structuré autour de ces concentrations industrielles, ces quartiers ouvriers, de tous ces prolétaires clairement identifiables.
Comme le dit dès les années 1930 un des théoriciens du néolibéralisme W Ropke [2], « La prolétarisation signifie que les hommes tombent dans une situation sociologique et anthropologique dangereuse, caractérisée par le manque de propriété, le manque de réserves de toute nature, (y compris les liens de famille et du voisinage), la dépendance économique,le déracinement, les logements-casernes de masse, la militarisation du travail, l’éloignement de la nature, la mécanisation de l’action productrice, bref, une dévitalisation et une dépersonnalisation générales ». « C’est un état pathologique comme il n’en exista jamais, dans une telle amplitude, au cours de l’histoire ». Dardot el Laval ajoutent, à juste titre, que cela « .. a créé comme un grand vide dans l’existence de millions de travailleurs privés de sécurité et de stabilité, « salariés urbanisés, sans indépendance, sans propriété, insérés dans des exploitations géantes de l’industrie et du commerce » En raison du vide qu’elle crée, la prolétarisation est analysée comme une perte d’autonomie de l’existence et un isolement social ».
L’objectif conscient de ces premiers néolibéraux, qui ont vu la montée révolutionnaire des années 20, la révolution russe l’emporter, la montée du fascisme, qui sont inquiets de ce que pourrait donner la sortie du fascisme, est de réfléchir à créer une autre forme de domination du Capital. Entre le moment où on réfléchit, ou on décide, où on peut le faire en fonction des rapports de forces et du contexte social et politique, et celui ou cela se met en place effectivement, plus ou moins complètement, il y a des délais, 10. 15, 20 ans, voire 40 ans.
Il y a, entre autres projets, une volonté consciente de déprolétariser ces masses déracinées par le capitalisme industriel, de morceller ces concentrations, de faire des prolétaires, non des assurés sociaux, mais des propriétaires, des épargnants, des producteurs indépendants…des individus qui intériorisent les règles de fonctionnement, la logique de l’entreprise,
► Le néolibéralisme ne se contente donc pas d’exploiter les salarié-e-s, de maximiser la productivité, avec des exigences de résultats de plus en plus élevées, il organise de manière réfléchie « l’homme entrepeneurial », un individu soit disant responsable et autonome, tant dans sa vie « personnelle » (la consommation, l’accessession à la propriété : 57% des français sont propriétaires), qu’au travail dans lequel toute sa subjectivité soit impliquée dans l’activité qu’il est censé accomplir. La règle de fonctionnement de la société doit être la concurrence entre tous, y compris dans le travail au quotidien.
L’objectif est que les salarié-e-s intériorisent les nouvelles normes d’efficacité productive et de performance individuelle, pour qu’isl/elles travaillent pour l’entreprise comme s’il/elle travaillait pour lui/elle-même, en s’appuyant sur la peur chômage bien sûr, mais aussi :
• En organisant le plus grand nombre possible de situations de marché, en imposant les exigences du client comme source de contraintes incontournables, y compris dans une même entreprise. Chez Renault par exemple les usines, les ateliers, sont mis en concurrence pour avoir les nouvelles productions, chez France télécom, les équipes, les individus sont mis en concurrence etc . Ou alors ils créent la concurrence où elle n’existe pas encore par l’individualisation des objectifs, afin que tou-te-s acceptent la situation de marché qui leur est imposée comme comme unique règle du jeu, afin que la mise en concurence entre salarié-e-s soit le type normal des relations,
• Et comme ils n’ont pas confiance en l’effet mécanique de ces choix d’organisation, les patrons mettent en place une surveillance, des évaluations répétées avec récompenses et punitions pour forcer les individus à faire un calcul d’intérêt individuel face à chaque situation.
► Comme toujours, les évolutions créent d’autres contradictions.
Ces logiques d’organisation du travail, qui sont déterminantes dans la place qu’ont les individus dans la société, dans l’insertion de chaque individu dans sa classe, ont tendance à unifier le prolétariat. Les conditions de travail aujourd’hui entre un-e fonctionnaire et un-e ouvrier-e de Renault sont beaucoup plus proches qu’elles ne l’étaient dans les années 1930 !
Car il y a une tendance à l’unification des conditions de travail entre secteurs, de l’industrie au tertiaire administratif. Les modèles industriels diffusent dans les services, le morcellement de l’activité, le chronométrage, les critères commerciaux s’implantent dans le secteur industriel, juste-à-temps, zéro stock, qualité totale, etc …
Partout s’imposent les changements permanents de l’organisation du travail. Les réorganisations sont de plus en plus fréquentes, y compris dans l’administration, les gens changent de bureau, de chefs... avec comme objectif d’interdire la construction de réactions collectives à la nouvelle organisation, de détruire les collectifs de travail, pour atteindre la conscience et l’action collectives. Leur rythme est intense, il a une fonction essentielle dans le mode de gestion néolibéral. Il oblige les salariéEs à une remise en cause de leurs acquis, de leur expérience. A chaque modification, il faut faire des efforts de réappropriation du travail, de réapprentissage des marges de manœuvre, ce qui crée une insécurité, que les patrons installent partout, y compris là où les emplois sont moins instables. La logique générale est d’individualiser au maximum le travail, pour donner à l’employeur des moyens de pression toujours plus importants. La troisième révolution industrielle, la diffusion massive des moyens de contrôle et de commande programmables, très flexibles, facilite un contrôle de plus en plus resserré sur le travail.
Les patrons cherchent en outre à contrôler la compétence des salarié-e-s. Ils élaborent des normes, des processus de travail, qui sont censés remplacer le professionnalisme, l’expérience acquise ou construite dans le travail. Au lieu de faire un bon travail, il est demandé aux salarié-e-s de respecter la norme, le processus de travail défini, les objectifs imposés.
Cette évolution déplace les contraintes. S’ajoutent aux contraintes physiques de nouvelles tensions de plus en plus pesantes. Les contraintes temporelles densifient le temps de travail, la chasse aux temps morts, aux tâches « non directement productives » est destructrice. Car dans ces temps, ces gestes, ces réflexions que les patrons veulent supprimer, il y a un travail important, de récupération de formation, d’apprentissage, de réflexion sur son activité.
Les collectifs de travail sont morcelés, limitant les possibilités de coopérations entre salarié-e-s, augmentant la concurrence entre les individus, complexifiant l’échange entre métiers différents.
Le produit le plus visible de tout cela, ce sont les problèmes de souffrance au travail , les suicides au travail, que toutes et tous cotoyent, qui proviennent de la perte de sens du travail, du sentiment qu’on n’a pas la possibilité de changer les choses, du fait qu’on ne parvient pas à contester l’Ordre productif, ni même à modérer collectivement ce que les patrons imposent.
► Le néocapitalisme travaille consciemment à détruire la « dimension collective de l’existence. Il détruit non seulement les structures traditionnelles qui l’ont précédé, en premier lieu la famille, mais également les structures à la création desquelles il a contribué, comme les classes sociales. On assiste à une individualisation radicale qui fait que toutes les formes de crise sociales sont perçues comme des crises individuelles, toutes les inégalités sont rapportées à une responsabilité individuelle » [3].
► Remarque incidente à ce propos :
La forme qu’a pris l’exploitation des salarié-e-s avec le néolibéralisme impose à l’action collective, syndicale, politique, de ne plus en rester à contester les salaires, le temps de travail, mais aussi d’investir le champ du politique, de la conception de la société, pour aider à reconstruire une nouvelle solidarité de classe face au système capitaliste.
L’organisation du travail, son contenu, son sens, sont aujourd’hui l’objet d’un conflit de classe. Les capitalistes l’ont engagé, ont repris les espaces de liberté au sein du travail aliéné qu’avaient acquis les salariéEs par leurs luttes et font tout pour empêcher la reconstitution de ce rapport de forces.
La question essentielle reste de savoir comment les anticapitalistes peuvent agir pour unifier politiquement cette immense force, si peu consciente d’elle-même ?
► Le prolétariat n’est pas une entité sociale que l’on peut définir par des caractéristiques sociologiques et statistiques objectives, mais une instance politique. Il n’a d’existence que dans la mesure où il se constitue comme force sociale, comme sujet révolutionnaire porteur d’un projet d’émancipation. Le prolétariat existe lorsqu’il agit collectivement, se constitue dans la lutte pour changer la société contre des conditions sociales qui tendent à le nier comme sujet.
Dès lors les capitalistes font tout pour attaquer, casser, disperser l’action collective.
Dans le cadre de la lutte purement économique, le capital est toujours le plus fort, il peut céder beaucoup tout en gardant l’essentiel, les moyens de production et le pouvoir, « tout changer pour que rien ne change ». La lutte pour la constitution du prolétariat comme force porteuse d’une alternative au capitalisme ne peut être qu’une lutte politique, une lutte qui affirme qu’une autre société est possible.
Si l’expérience des exploité-e-s et des opprimé-e-s est conditionnée par leur situation objective, la formation du prolétariat comme instance politique n’est pas une réaction automatique, mécanique à une situation d’exploitation, il n’y a pas en soi de prolétariat qui serait révolutionnaire. La forme des rapports sociaux étant le produit d’une lutte permanente, la dynamique créatrice à partir de laquelle le prolétariat se constitue comme sujet politique à part entière dépend de la manière dont les prolétaires s’approprient et transforment leur situation : le prolétariat se crée lui-même tout autant qu’on le crée.
Dans les luttes quotidiennes, économiques, se construit une conscience collective essentielle pour qu’apparaisse cette conscience subjective que le prolétariat est la classe très majoritaire dans la société, et surtout qui a les moyens et le pouvoir de construire un autre mode de production, d’autres relations sociales et politiques, une autre démocratie, celle du plus grand nombre, pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la société. Le prolétariat comme classe révolutionnaire n’existe qu’à partir de ce moment : lorsqu’il affronte politiquement le capital, c’est-à-dire quand, en allant au-delà de la sphère des rapports entre ouvrier et patron, il conduit une action politique générale, comme l’indique la formule de Marx : « la classe ouvrière est révolutionnaire ou elle n’est rien. » [4].
La constitution de tou-te-s les exploité-e-s et les opprimé-e-s en sujet de l’action révolutionnaire demande aux forces militantes anticapitalistes d’avoir une approche globale, de savoir la décliner dans chaque lutte, économique, sociale, écologique, contre les oppressions... et surtout de savoir poser les questions susceptibles de créer du commun et favorisant la désacralisation du pouvoir du capital, pour que se construise cette conscience politique du prolétariat.
Patrick Le Moal
Manifeste communiste
« .... la première étape dans la révolution ouvrière est la constitution du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie. Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives.. »