Cécile Kyenge, ancienne ministre de l’intégration originaire du Congo, devra se contenter d’un bouquet de fleur. Celui que lui a offert, en juillet 2013, le vice-président du Sénat Roberto Calderoli pour s’excuser de ce qu’il avait appelé « une mauvaise blague ». Les fleurs sont fanées, jetées et retournées à l’humus de la terre, mais la « blague » du vice-président du Sénat est toujours consultable sur internet.
Voici ce qu’il avait déclaré quelques jours plus tôt lors d’un meeting de son parti, la Ligue du Nord : « Cécile Kyenge fait bien d’être ministre, mais peut-être devrait-elle le faire dans son pays. Je me console quand je surfe sur Internet et que je vois les photos du gouvernement. J’aime les animaux, mais quand je vois les images de Kyenge, je ne peux m’empêcher de penser à des ressemblances avec un orang-outan, même si je ne dis pas qu’elle en soit un ».
Cécile Kyenge, première ministre noire d’Italie, a pardonné. Mais la justice, saisie pour « diffamation » et « incitation à la haine raciale », a continué son travail jusqu’à demander, mercredi 16 septembre 2015, la levée de l’immunité parlementaire du sénateur afin de pouvoir le poursuivre. Une requête très rarement suivie d’effet. Et que croyez-vous qu’il arriva ? Par 126 voix contre - dont certains élus du Parti Démocrate, la formation de Cécile Kyenge - les pairs de Roberto Calderoli ont refusé qu’il soit relevé de son mandat.
Ils n’ont voulu voir dans sa « bonne blague » que l’expression d’une opinion professée dans l’exercice et le confort de ses fonctions. Les poursuites à son encontre sont désormais bloquées. Pour des raisons de procédure, l’accusation de « diffamation » est également tombée. Rappelons qu’en 2006, Roberto Calderoli avait dû démissionner du gouvernement Berlusconi après s’être exhibé avec un tee-shirt anti-islam, provoquant un début d’émeute devant le consulat d’Italie à Benghazi. Un récidiviste ? Non, un humoriste !
Devenue député européen, Cécile Kyenge a confié toute son amertume à son compte Facebook : « Le message de ce vote souligne l’irresponsabilité de la politique et que rien n’empêche l’usage de paroles qui enveniment la société en semant la haine raciale. Il ne s’agit pas d’une affaire personnelle. C’est une question de principe, parce que le message que les institutions envoient à nos jeunes est dévastateur ».
Selon les derniers sondages, la Ligue du Nord, alliée au Front national dont elle a fait son modèle, est devenue le premier parti de la droite italienne. Ses intentions de vote se situent aux alentours de 15%.
Philippe Ridet