Editorial
Politiquement incorrect
Par Pierre Laurent
Dimanche, 11 h 30, Villejuif, banlieue sud de Paris. Après deux jours de
travaux, la Conférence nationale du PCF est sur le point d’adopter son
relevé de décision. Un délégué propose alors de supprimer un paragraphe de
la résolution en débat, qui commence par ces mots : « Notre projet est
ambitieux ».
La vie tranchera, argumente-t-il. Une jeune femme déléguée bondit de sa
chaise, s’empare du micro. Elle se présente comme une adhérente récente. « Il y en assez de ne pas y croire ! Oui, de l’ambition, nous en avons. Pas
question d’enlever ce paragraphe. Si nous nous battons, c’est pour gagner. » La salle applaudit bruyamment. L’échange n’a duré qu¹une minute, mais il
résume assez bien l¹état d¹esprit des 800 militants communistes venus de
toute la France et réunis ce week-end à Villejuif. Pas question de se
résigner au scénario déjà écrit de l’élection présidentielle. Pas question,
au fond, de renoncer à changer la vie et d¹accepter la répétition
d’alternances sans espoir.
Politiquement incorrect, dira Marie-George Buffet dans son allocution de
conclusion. Mais très attendu par des millions de gens qui souffrent, les
communistes en sont convaincus. Très présents sur le terrain ces derniers
mois, dans les quartiers, auprès des entreprises touchées par les
licenciements, dans les collectifs antilibéraux, ils ressentent l’urgence du
changement pour tous ceux qu’ils côtoient. Ils voient combien l’installation
du bipartisme dans la vie politique boucherait durablement l’horizon pour
ces espoirs de changement. Ils sont persuadés qu’en continuant à rassembler
les forces populaires antilibérales que compte notre pays et en portant un
projet audacieux sur les moyens du changement, il est possible d’ouvrir une
alternative de réel changement à gauche. Même s’ils ne se masquent pas la
difficulté de la tâche et savent les efforts militants à produire pour y
parvenir.
Se donner les moyens de réussir, c’est en quelque sorte le sens des
décisions adoptées ce week-end : confirmer pour cela le plein engagement des
communistes dans la construction du rassemblement antilibéral ; proposer la
candidature de Marie-George Buffet pour porter cette démarche avec ambition.
Ils sont nombreux à l’avoir dit lors des débats de Villejuif : aucun esprit
de boutique dans leur décision, mais un souci d’efficacité maximum pour un
rassemblement dont ils ne veulent à aucun prix le rabougrissement,
l’étiolement, ou la dispersion dans une quelconque aventure personnelle. Au
fil de discussions passionnées, ils se sont mis d¹accord pour rendre
explicites les attendus de leur proposition. Adoptées à plus de 80 %,
l’offre de candidature de Marie-George Buffet et la démarche qui la
sous-tend sont maintenant doublement soumises au débat des communistes et
des collectifs. L’ampleur du vote de la Conférence nationale, surtout s’il
était confirmé par celui des militants les 10 et 11 novembre, devrait
inciter les communistes à porter avec confiance leur proposition de
candidature. Cette nouvelle étape confirme en effet que l’engagement du PCF
dans la démarche de rassemblement engagée est maintenant solide et durable.
Pour Marie-George Buffet, le cap ne fait aucun doute. La droite emmenée par
Sarkozy est dangereuse. À gauche, c’est le changement qui est attendu dès
2007, pas une candidature de témoignage, qui serait de toute façon laminée
par le vote utile ou ne servirait qu¹à stériliser inutilement des voix. «
Nous ne sommes pas la gauche de la gauche, nous voulons changer toute la
gauche pour réussir le changement », a-t-elle répété dimanche. À gauche
justement, le paysage électoral devrait beaucoup se décanter d’ici début
décembre. Mais, d’ores et déjà, une chose est sûre, il faudra compter avec
l’ambition du rassemblement antilibéral qui s¹affirme.
Evénement
Les communistes rassemblés et engagés
Jean-Paul Piéro
2007 . La Conférence nationale du PCF, tenue ce week-end, propose à une
majorité de plus de 80 % la candidature de rassemblement de gauche
antilibérale de Marie-George Buffet.
« Formons une immense chaîne humaine. Nous ferons rejaillir l¹espoir enfoui
du monde du travail. » Marie-George Buffet conclut les travaux de la
Conférence nationale du PCF, dimanche en début d¹après-midi à Villejuif,
sous un tonnerre d’applaudissements. Elle vient d’être proposée comme
candidate du rassemblement des forces antilibérales de gauche à l’élection
présidentielle de 2007. Les 10 et 11 novembre prochains, les adhérents du
Parti seront invités à se prononcer par un vote sur cette proposition
adressée aux quelque huit cents collectifs unitaires créés à ce jour dans
quatre-vingts départements.
La Conférence nationale, instance statutaire qui réunit les membres du
Conseil national, les délégués des fédérations départementales ainsi que les
parlementaires communistes, avait à trancher une question capitale : comment
aborder les prochaines échéances électorales de 2007 ? Le scrutin
présidentiel a occupé l’essentiel des débats. Leur conclusion s’est traduite
par l’adoption, à une écrasante majorité, d’une résolution (80,7 %) et la
rédaction d¹un bulletin de vote pour la consultation des communistes (82,07
%). Les déchirements pronostiqués par plusieurs observateurs depuis quelques
jours n’ont pas eu lieu, ni sur le cadre politique (un rassemblement
antilibéral au sein duquel le Parti communiste est totalement engagé), ni
sur l’appréciation massivement partagée que la candidature Buffet est la
plus efficace pour mener au succès, à la présidentielle, un rassemblement
citoyen qui a fait ses preuves lors du référendum sur la constitution
européenne le 29 mai 2005.
l’expression d’inquiétudes contradictoires
Ce long week-end de débats n’était pas un congrès d¹investiture d¹une
candidate du Parti communiste, mais une nouvelle étape dans la construction,
avec d’autres, d¹une offre politique inédite à gauche, d¹un processus
nouveau, plus difficile à mettre en œuvre.
Deux points d’accord réunissaient au départ la très grande majorité des
responsables communistes. Premièrement, la plupart soutiennent l’engagement
du Parti communiste dans un rassemblement antilibéral. Deuxièmement, la
candidature de Marie-George Buffet recueille un assentiment quasi unanime.
Pour autant, cet accord général recouvrait parfois des positions
sensiblement différentes.
Anticipant une éventuelle absence de consensus autour de la candidature de
Marie-George Buffet dans les collectifs unitaires, qui doivent prendre
position lors d¹une réunion nationale les 9 et 10 décembre, plusieurs
intervenants ont exprimé des inquiétudes contradictoires. Le débat sur la
rédaction du bulletin en a été la traduction. Plusieurs responsables ont
demandé, afin de lever toute « ambiguïté » à leurs yeux sur la sincérité du
PCF vis-à-vis de ses partenaires dans les collectifs antilibéraux, qu’il y
soit précisé que les communistes s¹engageraient à soutenir le candidat
proposé quel qu’il fût : « Il ne faut pas donner l’impression de jouer au
poker menteur », dira une intervenante. Mais une telle précision sur un
bulletin serait un signe que les communistes eux-mêmes ne seraient pas
convaincus de la pertinence de la proposition qu’ils mettent en débat, a
fait valoir la majorité. D’autres, à l’inverse, ont souhaité que l’on
remplaçât « le PCF propose » par « présente », redoutant une mise en cause
de la « souveraineté des communistes ». « Ils sont troublés », argumentera
le représentant d¹une fédération.
Mais finalement, dans son ensemble, la Conférence nationale s’est retrouvée
dans une vision plus offensive, préconisée par la résolution : « Pour
construire une dynamique pleinement populaire, visible partout dans les
quartiers et les entreprises, les militantes et les militants communistes
s¹engagent pleinement dans les collectifs unitaires et par des initiatives
propres du Parti communiste français. » Il ne saurait s’agir d’imposer une
candidature, mais de convaincre que celle de Marie-George Buffet répond le
mieux aux critères définis lors de la dernière réunion des collectifs à
Nanterre.
« forcer la porte » verrouillée du bipartisme
Comme le dira elle-même, en conclusion des travaux, Marie-George Buffet,
l’objectif de la campagne qui s’annonce n’est pas de faire du témoignage,
mais de changer la donne, de « forcer la porte » verrouillée du bipartisme,
dit-elle, en réfutant la notion de « gauche de la gauche » et la théorie des
« deux gauches ». Le rassemblement qui s’est opéré dans la campagne du
référendum a montré que l’antilibéralisme pouvait réunir très largement. «
Nous voulons construire une majorité de gauche pour changer la vie. »
Evénement
Marie-George Buffet : « Nous devons déclarer la guerre à la droite »
En conclusion des travaux de la Conférence nationale, Marie-George Buffet a
notamment déclaré : « Nous mesurons l’enjeu inédit des échéances de 2007 pour
l’avenir de notre pays : installation dans un bipartisme et sa suite
d¹alternances, sans espoir. Ou bien ouverture d’une alternative populaire
aux politiques libérales. Cela doit être notre objectif : construire à
gauche une majorité populaire et politique sur un projet apte à changer la
vie. Cette ambition, je la résume dans toutes mes rencontres par ces mots
simples : battre la droite et réussir à gauche. Cette ambition, elle est
partagée bien au-delà de nos rangs (...). Énoncer une telle ambition doit
apparaître, j’en suis sûre, politiquement incorrect par rapport au scénario
politique que d¹autres veulent écrire pour notre peuple. Dans leur film,
nous sommes déjà quarante-huit heures avant le second tour, les candidats
officiels sont désignés, les débats sont cadrés, l¹élection déjà bouclée. Et
bien non. Nos concitoyens n¹ont pas tranché. Et ceux et celles qui
aujourd¹hui résistent, celles et ceux qui construisent et travaillent au
rassemblement antilibéral ne sont pas voués à jouer les figurants (...).
Vous venez de proposer aux communistes que je sois candidate. Aussi, je
tiens à vous dire que ce que je veux, dans ce combat, avec vous, avec tous
ceux et celles avec qui nous travaillons, c¹est de donner à voir qu¹existe
dans ce pays une force, une volonté de rompre avec les politiques libérales
menées depuis des décennies, une volonté de bâtir par de grandes réformes de
nouveaux rapports sociaux, une nouvelle conception de la citoyenneté et du
travail, une nouvelle pratique du pouvoir. Le changement tout simplement
(...). Permettez-moi de m’adresser à tous ces jeunes que cette société
enferme dans leurs cités et la misère. Les tenants de l¹ordre établi, qui
vous font violence au quotidien, n’ont pas peur des voitures brûlées. Ce
qu¹ils craignent, ce sont vos prises de parole, vos luttes. Ce qu¹ils
craignent, c’est votre engagement dans la vie de la cité et du pays. Ce
qu¹ils craignent, c’est ce que vous avez fait contre le CPE. C’est une
émeute démocratique, qui par la mobilisation des jeunes, mobilise toutes les
générations contre le monde qu¹ils nous imposent. C’est peut-être au nom de ces jeunes et moins jeunes, brisés et stigmatisés, que nous devons déclarer la guerre à la droite. »
Evénement
Consultation les 10 et 11 novembre
Le bulletin qui sera soumis aux adhérents a été adopté (il comportera trois
choix), ainsi qu¹une résolution sur la stratégie électorale.
Conformément aux statuts du PCF, la Conférence nationale a adopté le
bulletin de vote qui sera soumis à tous les adhérents du PCF lors d¹une
consultation prévue les 10 et 11 novembre. Ce bulletin propose trois choix :
le premier, retenu par la grande majorité des délégués à la Conférence
nationale, propose Marie-George Buffet comme candidate du rassemblement
antilibéral de gauche à l’élection présidentielle. Les second et troisième
proposent respectivement Maxime Gremetz et Jean-Jacques Karman comme
candidats du PCF à l¹élection présidentielle (lire en page suivante).
La Conférence nationale a adopté en même temps une résolution qui explicite
les motivations du choix de Marie-George Buffet. Le texte réaffirme
l’ambition, pour « battre la droite et réussir à gauche », de continuer à
relever le défi de la « construction d¹un rassemblement populaire
antilibéral ». Se félicitant des étapes franchies, le texte propose pour la
désignation des candidatures aux élections présidentielle et législatives de
poursuivre la même démarche de « construction commune de choix - communs ».
La résolution avance dans ce cadre la proposition de Marie-George Buffet et
en précise les raisons. Nous voulons, précise notamment le texte, une
candidature « pleinement unitaire » qui « prémunisse de toute aventure
personnelle » et « garantisse l¹expression de la diversité », une
candidature « crédible, capable de porter un programme antilibéral de façon
populaire », une candidature « de stature nationale (...), efficace, portant
l¹ambition de jouer la gagne, capable de faire dérailler le bipartisme,
portant le renouveau de la politique, enracinée dans les milieux populaires,
ancrée dans les luttes ». Les communistes, indique la résolution, «
porteront leur proposition dans le débat populaire et dans la discussion des
collectifs, en débattant naturellement de toutes les candidatures ». Ils «
exerceront leur souveraineté sur les choix définitifs de leur parti ». La
résolution conclut que « la participation massive des communistes lors du
vote des 10 et 11 novembre marquera leur unité, permettra le plein
engagement des communistes dans la démarche de rassemblement avec la
proposition de candidature de Marie-George Buffet, et sera décisive pour une
mobilisation massive du Parti dans la campagne et le succès ».