Le dîner entre Angela Merkel et François Hollande, mercredi 25 novembre à l’Elysée, aura été précédé d’une série de bons conseils et d’avertissements de la part de leurs ministres.
En prélude à la rencontre, le premier ministre français, Manuel Valls, a appelé l’Europe – et donc l’Allemagne – à fermer sa porte aux migrants. « L’Europe doit dire qu’elle ne peut plus accueillir autant de migrants, ce n’est pas possible », a expliqué le premier ministre lors d’une rencontre avec la presse européenne, retranscrite notamment par la Süddeutsche Zeitung. « Le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne est essentiel pour le futur de l’UE. Si nous ne le faisons pas, alors les peuples vont dire : ça suffit l’Europe ! », a-t-il ajouté, dans des propos qui marquent un durcissement de la position française, déjà réputée pour son extrême réserve à l’égard des migrants.
Par ailleurs, la ministre de la défense allemande, Ursula von der Leyen, a confirmé que son pays s’apprêtait à envoyer au Mali jusqu’à 650 soldats, afin de participer à la lutte contre les mouvements djihadistes dans cette partie de l’Afrique, après l’attentat de Bamako, vendredi 20 novembre. Une façon d’alléger l’engagement de la France dans la région, à l’heure où celle-ci doit concentrer ses efforts sur la lutte contre l’organisation Etat islamique.
En réalité, si Angela Merkel et François Hollande devaient tenter mercredi de coordonner leurs réponses aux défis du moment, chacun poursuit des priorités différentes : l’accueil des réfugiés pour la chancelière allemande ; la guerre contre le terrorisme pour le chef de l’Etat français.
Proposition surprise
C’est d’ailleurs pour éviter que le fossé ne se creuse entre les deux pays que le vice-chancelier allemand, chef du parti social-démocrate, et ministre de l’économie Sigmar Gabriel, et son homologue français, Emmanuel Macron, ont proposé mardi de lancer un fonds de dix milliards d’euros sur trois ans afin de… lutter contre le terrorisme et aider les réfugiés.
Les deux hommes, qui ont émis cette proposition à Berlin à l’occasion d’une rencontre annuelle du BDA, le patronat allemand, devaient la formaliser dans une lettre qu’ils entendaient faire parvenir dans la soirée au président François Hollande et à la chancelière Angela Merkel, à la veille de leur dîner informel.
« Il y a un risque politique que nos peuples et nos gouvernements traitent ces sujets séparément », a expliqué Emmanuel Macron pour justifier cette proposition surprise : la France mènerait l’essentiel de la lutte contre le terrorisme et l’Allemagne s’occuperait des réfugiés, chacun reprochant aux autres de ne pas faire preuve de plus de solidarité.
Cette initiative « est une contribution au débat », précise une source à l’Elysée. En Allemagne, la proposition pourrait susciter de vives réactions au sein du gouvernement. Rien ne dit que le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, soit prêt à s’y rallier. En tout cas, cet appel à l’engagement financier des autres pays membres de l’UE arrive à un moment délicat, alors que ces derniers sont déjà très sollicités par la crise des migrants.
Outre les centaines de millions (voire les milliards) que l’Allemagne, l’Autriche, la Grèce ou l’Italie doivent consacrer, nationalement, pour gérer l’afflux des réfugiés, ils viennent en outre d’être officiellement invités par la Commission européenne, mardi, à verser 3 milliards d’euros à la Turquie.
L’institution communautaire, qui a déjà mis 500 millions d’euros sur la table, provenant du budget de l’Union européenne, attend des engagements concrets des pays membres, avant un sommet UE/Turquie prévu à Bruxelles dimanche 29 novembre. Cela fait plusieurs semaines que Bruxelles travaille à un plan d’action avec Ankara, pour convaincre le pays, qui a recueilli plus de 2 millions de réfugiés syriens, de les garder au maximum sur son sol, ou, a minima, d’en limiter le flux vers l’Europe. Ankara avait exigé au moins 3 milliards d’euros pour construire des écoles, améliorer l’offre sanitaire, etc., dans ses camps de réfugiés. Mais avait aussi demandé une libéralisation de la délivrance des visas européens pour les Turcs et la relance du processus d’adhésion du pays à l’UE.
Pour l’instant, du côté des capitales, seule Londres a mis de l’argent sur la table (400 millions d’euros). Les autres pays sont pour le moins réticents. Certains refusant de s’engager sur des montants avant d’avoir des assurances plus précises quant à la bonne volonté turque de collaborer pour limiter le flux de réfugiés. La France devrait, selon nos informations, plaider pour que le budget de l’UE soit encore plus sollicité afin d’atteindre les 3 milliards d’euros réclamés par la Turquie.
Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)
journaliste
Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Correspondante à Bruxelles
* « Manuel Valls appelle l’Europe à fermer sa porte aux migrants ». LE MONDE | 25.11.2015 à 11h00 • Mis à jour le 25.11.2015 à 12h47 :
lemonde.fr/europe/article/2015/11/25/manuel-valls-appelle-l-europe-a-fermer-sa-porte-aux-migrants_4817050_3214.html
Pour Valls, l’Union européenne ne peut plus accueillir autant de migrants
« L’Europe doit trouver des solutions pour que les migrants soient pris en charge dans les pays voisins de la Syrie. Sinon, l’Europe met en question sa capacité de contrôler efficacement ses frontières », explique Manuel Valls.
Après les attentats de Paris et de Saint-Denis, Manuel Valls, le premier ministre français, a rencontré informellement à Matignon des journalistes de plusieurs médias européens. Le Guardian et le Süddeutsche Zeitung, entre autres, publient mercredi 25 novembre des extraits de cet échange. Matignon a toutefois précisé qu’il ne s’agissait pas d’interviews.
« La guerre sera longue et va durer, rapporte le Guardian. Mais nous la gagnerons sur tous les fronts : à l’extérieur, contre l’Etat islamique ; et à l’intérieur, contre les jeunes radicalisés qui prennent les armes contre leurs concitoyens. »
L’Union européenne (UE) doit dire qu’elle ne peut plus accueillir autant de migrants, explique encore le premier ministre :
« Le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne est essentiel pour le futur de l’UE. Si nous ne le faisons pas, alors les peuples vont dire : “Ça suffit l’Europe !” L’Europe doit trouver des solutions pour que les migrants soient pris en charge dans les pays voisins de la Syrie. Sinon, l’Europe met en question sa capacité de contrôler efficacement ses frontières. »
Au cours de cette rencontre à Matignon, M. Valls a aussi souligné que l’Allemagne et l’Italie étaient également menacées par l’organisation Etat islamique (EI), alors que la France cherche à former une coalition unique, ou du moins une coordination, contre l’EI en Syrie.
Aboutir rapidement sur un PNR européen
Aboutir à un PNR européen est également une « nécessité », et sa mise en place doit se faire « rapidement », a encore affirmé M. Valls, selon des propos rapportés par son entourage. La France, lors d’une réunion des ministres de l’intérieur de l’UE vendredi à Bruxelles, a présenté un plan, dans la foulée des attentats du 13 novembre, qui défend notamment des contrôles renforcés aux frontières de l’Union et la création d’un registre intraeuropéen des passagers aériens (PNR).
La Commission européenne a adopté mardi un cadre juridique pour financer une aide de l’UE à la Turquie, visant à freiner le flux migratoire vers l’Europe, mais les discussions entre Etats européens s’annoncent difficiles pour réunir les 3 milliards d’euros promis, selon des sources européennes.
Le président français, François Hollande, reçoit mercredi soir à l’Elysée la chancelière allemande, Angela Merkel, et jeudi matin le président du conseil italien, Matteo Renzi, avant de s’envoler pour Moscou pour rencontrer le président russe, Vladimir Poutine.
* Le Monde.fr avec AFP | 25.11.2015 à 09h27 • Mis à jour le 25.11.2015 à 12h18 :
http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/11/25/pour-manuel-valls-le-controle-des-frontieres-exterieures-est-essentiel-au-futur-de-l-union-europeenne_4816918_4809495.htm