En novembre dernier, la coalition du droit au logement et à la ville s’est réunie en Pologne pour poursuivre le travail entamé lors des rencontres de Cannes, Londres et Athènes. Au menu, échange de pratiques, compilation de législation, création de campagnes communes, bref le développement de synergies.
La Coalition Européenne du Droit au Logement et à la Ville existe depuis seulement 18 mois et fédère des associations et des mouvements qui luttent au quotidien aux côtés de celles et ceux qui sont lésés à travers toute l’Europe. Elle réunit des mouvements ou associations de toutes tailles qui travaillent à la défense des habitant·e·s dans leurs localités.
Certaines associations sont très grandes comme l’Unione Inquilini [Union des voisins] et son million de membres en Italie, d’autres sont beaucoup plus modestes, comme celle qui œuvre sur un seul quartier particulier de Roumanie. Mais toutes ont pris conscience que développer des synergies pouvaient leur permettre d’être des interlocutrices plus crédibles. En quelques mois, plus de quarante groupements ont rejoint la Coalition, venant de toute l’Europe.
Le logo qui signale des maisons inoccupées
Un lieu d’échange de pratiques
Les 45 organisations participantes, provenant de toute l’Europe, cherchent à ne plus être seulement dans une posture réactive face à l’adversité, mais à anticiper, à construire le futur en partant d’actions locales et concrètes sur le terrain. Ainsi en est-il de la question de trêve hivernale, période durant laquelle les expulsions sont interdites dans certains pays, que la Coalition tente d’élargir à la législation de tous les pays
La coalition est aussi le lieu d’élaboration de campagnes communes. La dernière, lancée en octobre dernier, entend lutter contre les immeubles vides. Un logo a été créé pour être apposé sur les immeubles vides afin de forcer des propriétaires à sortir du bois, alors que le besoin de logements se fait cruellement sentir. Cette opération sera réitérée chaque année avec ce symbole commun à travers toutes l’Europe. De plus, une carte interactive mentionnant les logements inoccupés est en cours d’élaboration.
Logement et migrants
La Coalition a lancé des recherches sur plusieurs thèmes, en particulier sur le logement des migrant·e·s, des requérant·e·s d’asiles et des réfugié·e·s. Un des constats important est que les logement fournis par les Etats aux migrant·e·s révèlent la conception que se font les autorités du phénomène migratoire. Bien qu’ancestraux, on continue à nier la durabilité de ces mouvements de populations en les traitant de façon précaire, dans des logements marginaux, provisoires et éphémères.
De la solidarité avec les camarades en luttes
Des actions de solidarité ont aussi été initiées au sein de la coalition. Les organisations se sont engagées à appuyer le combat de certaines d’entre elles notamment en Grèce. La lutte pour le gel des saisies immobilières est un enjeu essentiel pour que de nombreux grecs ne se retrouvent pas à la rue. La solidarité sera priomordiale pour réussir à élargir le plus possible ce gel des saisies que le parlement veut maintenir relativement restreint, sans aucune considération pour les 150 000 personnes qui se retrouveraient sans toits, selon Le Parisien.
La lutte contre les agences anti-squats
La précarité de nouveaux contrats de locations qui se multiplient à travers des agences anti-squats a aussi été abordée. Profitant de la crise du logement, et en même temps de la peur des propriétaires de voir leurs biens inoccupés devenir des squats, des agences transnationales proposent des contrats qui, à l’image du monde du travail, sont temporaires, précaires et sans garanties pour l’occupant.
Ces sociétés fournissent, avec l’accord du propriétaire, des espaces vacants à destination de personnes qui occupent ces propriétés pour une durée temporaire, afin d’éviter leur dégradation et surtout empêcher leur occupation. Mais, au lieu d’être rémunérés pour cette fonction de gardien, les résidents paient un « loyer » à l’agence, et ont un contrat de bail extrêmement précaire : durée du contrat floue, résiliation facilitée et préavis très court. De plus, les résidents ne peuvent quitter la propriété sans en informer l’agence, et des visites sont régulièrement faites, que les résidents soient présents ou non.
Ces logements provisoires sont peu à peu officialisés par les gouvernements européens, entérinant ainsi une catégorie de locataires toujours plus sans droits, sans certitude et sans avenir. Les membres de la Coalition Européenne du Droit au Logement et à la ville ont décidé de mettre en commun leurs informations respectives et de faire de la lutte contre ces nouvelles pratiques une priorité.
Le chemin est encore long
Même si la Coalition Européenne du Droit au Logement et à la Ville est encore récente, et que tout consensus est toujours ardu à obtenir démocratiquement, elle cherche à acquérir sa place dans le débat politique. Elle veut faire entendre sa voix et prépare une offensive auprès du parlement européen, en présentant des cas concrets d’injustices sociales imputables au capitalisme. Des actions communes de lutte, d’occupation, ou de communication vont jalonner son activité et crépiter sur notre continent durant les prochains mois. Il est important de renforcer la représentation suisse à la coalition, puisque seul le Tribunal des Evictions de Genève y siège actuellement.
Ce n’est qu’en unissant tous les combats et en développant la solidarité internationale que nous pourrons lutter efficacement contre la marchandisation d’un droit essentiel, celui au logement.
Abdul Dance