Même si Daech se finance partiellement avec les mêmes méthodes qu’al-Quaïda (dont il est en partie issu), ce type de ressources est surpassé par celles provenant de sa mainmise sur un territoire.
Al-Qaïda
Al-Qaïda a été initialement financé par ses fondateurs, dont le milliardaire saoudien Osama Ben Laden, ainsi que par de riches donateurs des pays du Golfe.
S’y sont ajoutés :
– Le soutien d’un grand nombre de gouvernements pendant la guerre d’Afghanistan (1980-1989). Les attentats du 11 septembre 2001 ont mis un terme à cette opulence, à une époque où les ressources financières de ce mouvement dépassaient parfois le budget de certains États.
– L’aide des régimes baathistes irakien et syrien lors de la naissance de plusieurs groupes djihadistes.
– Des mouvements de capitaux informels par le biais d’hommes d’affaires, agissant sous leur couverture professionnelle. Parmi eux, des membres de l’Association des hommes d’affaires turcs musulmans (ISIAD), et/ou d’hommes d’affaires ayant participé au contournement de l’embargo imposé par l’ONU à l’Irak entre 1991 et 2003.
– Des fonds transitant par des associations caritatives turques et ou quataries.
– Des rançons versées en échange de la libération d’étrangers capturés dans ce but. Al Qaida a opté pour cette stratégie en Afrique du Nord, au Sahel et en Somalie, et s’est ainsi procuré d’importantes ressources financières.
Daech
Disposer d’un territoire a permis à Daech de franchir un saut qualitatif. L’Etat islamique dispose désormais d’une autonomie de décision, y compris à l’égard des financiers salafistes pétro-monarchiques.
Ses ressources annuelles se situeraient entre un et trois milliards de dollars, ce qui en fait l’organisation terroriste financièrement la plus puissante du monde.
Ressources de Daech
* Donateurs étrangers : 40 millions de dollars (environ 3 % des ressources)
– Les riches donateurs sont essentiellement situés en Arabie Saoudite, au Qatar et au Koweït,
– De manière croissante, l’Etat islamique organise des campagnes de financement international par l’intermédiaire des réseaux sociaux et d’un logiciel inaccessible par les moteurs de recherche traditionnels comme Google.
* Transferts de fonds
– Transferts d’argent électroniques, utilisés habituellement par les diasporas pour de petits montants,
– Transport de cash par des courriers.
– Mouvements internationaux de capitaux par des filiales de sociétés ayant leur maison-mère à Damas. Il serait étonnant que les paradis fiscaux ne participent pas à ces réseaux.
– Corruption d’employés de banques locaux pour obtenir de faux prêts, crédités sur des comptes ouverts avec de fausses identités, l’argent étant ensuite retiré n’importe où dans le monde. Les autorités britanniques ont avoué que la City « est un exportateur net de finance terroriste », les djihadistes arrivant à utiliser le premier centre financier mondial pour obtenir de l’argent plus que pour le placer.
* Kidnappings : 40 millions (environ 3 % des ressources)
Les rançons liées à des kidnappings auraient rapporté une quarantaine de millions de dollars en 2014, dont18 millions auraient été payés par la France pour libérer quatre de ses journalistes.
* Trafic d’antiquités : 100 millions (environ 7 % des ressources)
Celles-ci proviennent soit de pillages de musées et de collections privées, soit de nouvelles fouilles car un tiers des sites archéologiques irakiens sont sous le contrôle de Daech. Des permis d’exploitation sont vendus, les produits trouvés sont estimés et taxés entre 20 % et 50 % du prix de vente avant de passer en contrebande dans les pays voisins, puis vers l’Europe. On a retrouvé des pièces byzantines et des poteries romaines vendues à Londres.
* Vente de bijoux volés
* Produits agricoles : 200 millions (13 % des ressources)
Environ 40 % de la production irakienne de blé et d’orge est aux mains des djihadistes qui la vendent au marché noir et en retirerait 200 millions. Les fermiers verraient également leur matériel agricole confisqué avant d’être obligé de le louer pour continuer à travailler.
* Pétrole : 200 à 300 millions (17 % des ressources)
La possession du pétrole, de l’électricité et du gaz a constitué un objectif stratégique de Daech depuis sa création.
Le cycle de commercialisation emprunte un circuit indirect englobant les autorités syriennes en tant qu’acheteur, des hommes d’affaires irakiens – arabes, kurdes et turkmènes – et des intermédiaires syriens. Un réseau turc parallèle se charge de faciliter le transport et la commercialisation des produits.
– Le pétrole brut est vendu, contre du cash, à un prix équivalent à environ 20 % du prix mondial. Le brut est vendu en partie au régime syrien ou bien est amené par des intermédiaires sur le marché international via la Turquie, avec la caution de l’Union européenne
– Le raffinage s’effectue par des installations mobiles que les bombardements alliés tentent régulièrement de détruire. Il faut alors une dizaine de jours et dépenser 230 000 dollars pour chaque reconstruction d’usine.
* Ciment, phosphate, coton, etc.
* Produits prohibés par la religion musulmane, y compris les stupéfiants.
* Vente de femmes et d’enfants (voir points 1.2 et 1.3 du document de travail sur Daech).
* Vente d’organes humains
Les fatwas 61-62 et 64-68, datées du début de l’année 2015 permettent de retirer des tissus ou des organes sur un prisonnier ou un apostat, même si cette opération conduit à la mort de ce dernier.1
* Confiscation d’avoirs bancaires
Daech a mis la main sur une centaine de filiales de banques en Irak. La prise de Mossoul aurait rapporté 500 millions de dollars en cash, et une vingtaine aurait été saisi en Syrie.
* Impôt : 300 millions
Le prélèvement de celui-ci se fait sur le mode mafieux :
– sur des hommes d’affaires en contrepartie de la « protection » de Daech,
– sur des entreprises situées dans des localités tombées sous son contrôle (8 millions de dollars par mois à Mossoul), dont des pharmacies ou des opérateurs téléphoniques,
– sur des intermédiaires faisant circuler les marchandises (péages, droits de douanes sur les produits importés),
– sur des étudiants ou des groupes chrétiens.
Dépenses de Daech
L’Etat islamique contrôle un territoire à peu près grand comme le Royaume-Uni qu’il gère avec une administration en charge de la police, des écoles et des tribunaux.
Les dirigeants fournissent aux populations l’accès à l’eau, à l’électricité (fourniture de groupes électrogènes) et à la nourriture (pain subventionné…).
Les soldats seraient payés entre 300 et 500 dollars par mois, une fortune localement. Ils reçoivent des allocations familiales pour leurs femmes et leurs enfants, qui continuent à être aidés en cas de mort dans les combats.
Les sommes d’argent que reçoivent les membres de Daech sont infiniment supérieures aux prestations fournies par les autres organisations djihadistes et, naturellement, par les forces gouvernementales régulières. De sorte que la notion de djihad se dilue dans celle de mercenariat.
Gracieusement et généreusement, Daech distribue à ses membres une partie des biens, maisons, voitures et commerces provenant des personnes assassinées ou contraintes à l’exil.
Peuvent également en bénéficier les partisans de Daech du monde entier appelés par le calife al-Baghdadi à venir s’installer sur le territoire de l’Etat islamique, sur le modèle sioniste de la migration en Palestine
Sources :
– Haytham Manna (septembre 2014) : Dossier sur le Califat de Daech http://www.madaniya.info
– MC Ebrari (avril 2015) : Islamic state framework text https://ebrari.wordpress.com/english/
– Christian Chavagneux : L’argent de Daech (Altereco, 18 novembre 2015)
http://www.alterecoplus.fr/international/le-difficile-combat-contre-largent-de-daech-201511181120-00002528.html