Paris, le 13 mai 2016
Communiqué de presse
50 organisations demandent aux chefs d’Etats européens de ne pas valider la directive Secret des Affaires
50 organisations françaises et européennes adressent ce jour une lettre ouverte aux chefs d’Etats et de gouvernement européens leur demandant de ne de ne pas valider la directive secret des affaires en l’état. En France, une interpellation est adressée à François Hollande.
Le 14 avril dernier, le parlement européen a voté en faveur du projet de directive sur la protection du secret des affaires. Pour être adoptée, cette directive doit encore être approuvée, le 17 mai prochain par le Conseil de l’Union Européenne, institution représentant les Etats européens.
Cette directive suscite l’inquiétude et l’opposition des ONG, organisations syndicales et citoyens européens. En effet, destinée à protéger les entreprises contre l’espionnage industriel, elle a un champ d’application potentiel beaucoup trop large et risque de permettre l’ouverture de poursuites judiciaires contre des personnes qui ne sont en aucun cas des criminels : journalistes, syndicalistes, lanceurs d’alertes obtenant ou publiant des informations internes d’une entreprise, ou salariés utilisant chez un nouvel employeur des informations acquises sur leur lieu de travail précédent.
Le procès d’Antoine Deltour, Raphaël Halet (les lanceurs d’alerte) et d’Edouard Perrin (le journaliste) dans l’affaire LuxLeaks est la parfaite illustration des dangers de cette directive. Le procureur a requis des amendes pour les trois prévenus et 18 mois de prison ferme en sus pour les deux lanceurs d’alerte en se référant entre autres à « la directive européenne sur le secret des affaires largement votée il y a deux semaines au Parlement Européen ». Contrairement aux dénégations des partisans du texte, voici, déjà, un cas où l’argument de protection des secrets d’affaires est utilisé pour poursuivre des journalistes et des lanceurs d’alerte en justice.
Avec plus de 580.000 citoyens européens , les 50 organisations appellent à ne pas valider cette directive en l’état. Elles exigent notamment
– Une définition du secret des affaires plus précise et limitée.
– Que l’illégalité de l’obtention, de l’usage ou de la publication d’un secret d’affaires soit limitée aux fins financières, commerciales ou concurrentielles.
– Le renforcement des exceptions et des dispositions protégeant la liberté de la presse et les libertés syndicales, et les lanceurs d’alerte.
– L’adoption d’une directive européenne protégeant les lanceurs d’alerte.
Contact presse : Melody Tonolli, UGICT-CGT, communication ugict.cgt.fr
Lettre ouverte à François Hollande
Paris, le 13 mai 2016
Monsieur le Président,
Le 14 avril dernier, le Parlement européen a voté en faveur du projet de directive sur la protection du secret des affaires. Pour être adoptée, cette directive doit encore être approuvée, le 17 mai prochain, par le Conseil de l’Union Européenne, institution représentant les États européens, donc la France. Nous vous demandons de ne pas adopter cette directive en l’état.
Elaborée en toute opacité à la demande et avec l’aide de quelques multinationales françaises et américaines [1], cette directive suscite l’inquiétude et l’opposition des ONG, organisations syndicales et citoyens européens. En effet, destinée à protéger les entreprises contre l’espionnage industriel, elle a un champ d’application potentiel beaucoup trop large et risque de permettre l’ouverture de poursuites judiciaires contre des personnes qui ne sont en aucun cas des criminels : journalistes, syndicalistes, lanceurs d’alertes obtenant ou publiant des informations internes d’une entreprise, ou salariés utilisant chez un nouvel employeur des informations acquises sur leur lieu de travail précédent.
Les exceptions supposées protéger les libertés, introduites à la suite de notre campagne de mobilisation, sont bienvenues et nécessaires mais demeurent insuffisantes pour obtenir un texte équilibré. Leur adaptation en droit national variera en fonction des États, mais surtout le texte est structuré de telle sorte qu’il reviendra dans tous les cas, au juge de faire la part des choses entre protection des libertés d’une part et défense des intérêts économiques de l’autre… Le principe même d’une telle mise en équivalence n’est pas acceptable. La charge de la preuve est inversée : les entreprises devront seulement prouver qu’elles n’ont pas autorisé l’obtention, l’usage ou la publication du secret d’affaire concerné tandis que les personnes poursuivies devront démontrer au juge qu’elles ont agi de façon compatible avec une des exceptions prévues. La simple perspective des poursuites sera une intimidation permanente pour tous les enquêteurs ou lanceurs d’alerte potentiels, sans parler de l’effet au quotidien sur la mobilité des salariés et de la possibilité d’accéder à des informations d’intérêt général (comme la toxicité des produits sur le marché).
Affaire suivie par l’Ugict-CGT
Pièce jointe : Note d’analyse de la directive sur le secret des affaires réalisée par 54 ONG et organisations syndicales européennes [2].