La même qui avait qualifié l’homosexualité d’abomination en avril 2014 a twitté sa compassion et ce entre un tweet de la déclaration du pape et un post sur un policier survivant de cette tuerie. Amen.
Pas de panique le tweet de la figure de proue de la ‘manif pour tous’ et du combat contre les droits des LGBT*I (Lesbiennes Gays BiEs Trans Intersexes ) n’attribue pas le massacre à l’homophobie, mais à la « Barbarie ».
« Horreur à #Orlando : compassion pour les victimes, les blessés et leur famille . Ce monde devient barbare. »
— christine Boutinن (@christineboutin) 12 juin 2016
Donc l’homophobie est une barbarie …
Contradiction,vous avez dit ?!
Et quand il s’agit de brandir des cadavres pour récolter quelque voix, Marine le Pen n’est jamais bien loin. Sa déclaration sur Facebook aussi nauséabonde qu’opportuniste était prévisible.
« Une nouvelle fois, le terrorisme a tué. Cette fois, les personnes visées l’ont été car homosexuelles, alors qu’on sait à quel point l’homosexualité est attaquée dans les pays qui vivent sous le joug islamiste. Nous devons combattre de toutes nos forces cette obscure barbarie. »
Le point commun de ces déclarations est l’utilisation du terme « barbare » et l’absence de celui d’homophobie. Pour l’extrême-droite et les réactionnaires, le mot barbarie est bien utilisé avec une connotation. « Barbare » est ce qui s’oppose à « civilisé ».
La théorisation raciste et impérialiste du « choc des civilisations » oppose la « culture occidentale », présentée comme championne de l’égalité de genre et de la tolérance sexuelle, à la « culture musulmane » présentée comme arriérée, misogyne et homophobe. Et c’est là qu’entre en jeu l’homonationalisme. Une stratégie politique d’utilisation des identités LGBTI a des fins nationalistes et racistes.
De ce fait, le tireur Omar Mateen, un citoyen américain de 29 ans, sort comme par magie de la catégorie « américain homophobe » pour rentrer dans la famille des « terroristes islamistes ». N’est pas terroriste qui veut, on sait que l’activiste d’extrême droite retrouvé en Ukraine le 3 juin dernier avec un véritable arsenal de guerre et qui projetait 15 attentats pendant l’Euro de foot est présenté sur le site de France Télé comme un Lorrain « très agréable » et « fou de vaches », sur le Figaro comme un salarié « irréprochable ». Le parquet antiterroriste de Paris n’est pas saisi, la DGSI non plus, c’est le parquet de Nancy qui le jugera. Deux poids, deux mesures.
Evidemment, de la part des réactionnaires, ces déclaration ne sont pas une surprise. On sait qu’ils préfèrent parler civilisation, d’islamistes ou de terroristes plutôt que de l’homophobie américaine, de la vente libre d’armes aux USA ou des guerres impérialistes, de la misère, des inégalités et du racisme dans le premier pays capitaliste du monde ou encore de la situation particulière des personnes LGBTI en général : discrimination, santé, éducation, travail… Trop occupés certainement à les insulter ou, pour le FN, à couper les aides aux associations dans les municipalités.
Pas de nationalisme dans nos fiertés
Et puis il y a les réactions des collègues, des amiEs, de la famille, des contacts Facebook ; qui par l’injonction à la solidarité sur les réseaux sociaux publie des photos de soutien bienveillantes.
Or une des photos les plus partagées se trouve être un drapeau américain sur lequel les bandes rouge et blanches sont remplacés par le rainbow flag, symbole de la communauté LGBTI. La question s’était déjà posé lors des attaques à Paris alors que Facebook proposait à ses utilisateurs de transformer leurs photo de profile en drapeau Français. Le chercheur en neurosciences Romain Ligneul dit sur le sujet que les personnes qui, par ces pressions de conformité sociale, ont changés leurs photo de profile devront également justifier ce choix, pour eux-mêmes et vis-à-vis des autres ; de sorte qu’après avoir arboré les couleurs bleu-blanc-rouge ou le drapeau américain, chacun aura tendance à être – en moyenne – un peu plus patriote qu’avant.
De plus, est-il utile de rappeler que la bannière étoilée est aussi le drapeau planté au Vietnam, en Irak et aux quatres coins de la planète ? Que c’est le drapeau qui était peint sur les ailes des avions qui ont bombardés Hiroshima et Nagasaki. Que c’est aussi le drapeau de l’esclavagisme. Que c’est le drapeau du Camp de Guantánamo. Que c’est le drapeau de Wall Street. Que c’est le drapeau d’un pays qui n’autorise pas les homos a donner leurs sang pour les blessés du PULSE. Que c’est aussi le drapeau de Donald Trump.
Alors oui, pour nous ce sera toujours le Rainbow Flag et le drapeau rouge : nos identités sont internationales !
Tarik Safraoui