Quand on lit les réactions sur Orlando de l’UOIF ou de la Mosquée de Paris incapables de dire que le public martyrisé était LGBT, ou quand on lit celles de Mme Boutin qui vient afficher sa “compassion” avec des victimes dont elle traite urbi et orbi l’orientation “d’abomination”, sans parler d’horreurs entendues de la part de fondamentalistes évangéliques ou de la campagne des hindhouistes en Inde contre la décriminalisation, on se dit que les religions ne sauraient être exonérées de ce qui s’est produit à Orlando.
Ce pourquoi d’ailleurs il faut saluer l’attitude de l’Imam de cette ville venu apporter son soutien explicite et en personne à la cérémonie des associations LGBT de la ville avant hier soir en des termes de solidarité aussi émouvants que dignes.
Cet exemple salutaire mis à part, on ne peut pas tenir les religions pour innocentes des violences homophobes. Elles en sont de par le monde les principales pourvoyeuses de justifications aussi odieuses, oiseuses que potentiellement criminogènes. On n’en prend pas assez la mesure et ce n’est pas assez dit ou alors commodément mis sur le seul dos d’une seule religion commodément stigmatisée par les temps qui courent, à cause des folies de ses branches intégristes. Cela ne signifie pas que les relisions en sont les seules responsables mais qu’elles en sont aussi responsables, coupables, pas qu’un peu et donc comptables !
On doit certes en ce qui concerne Orlando, refuser l’utilisation de l’horreur et de la folie meurtrière justifiée par l’Islam de Daesh, en vue de stigmatiser toute une population de croyants, et d’attiser ainsi un racisme anti musulman qui est un cancer contemporain. Mais on ne peut pas non plus éviter, au nom de ce refus, d’interpeller ces croyants sur l’homophobie qui est, aujourd’hui, consubstancielle à leur credo en particulier depuis un bon siècle, et nourrit une peur, une haine et potentiellement des violences inhumaines que l’obscurantisme de ce credo entretient et promeut. Les principaux Etats qui utilisent la peine de mort (ils sont dix au monde) ou appliquent des peines de prison (70) le font au nom de l’Islam. Et nous soutenons comme nous pouvons (pas assez) ces héros de la résistance que sont les militant/es LGBT de ces pays.
Pour ne prendre que le cas le plus “bénin” si l’on ose dire, la Tunisie en lutte pour sa démocratisation, c’est le parti désormais “démocrate-musulman” Ennahdha qui bloque la dépénalisation des actes homosexuels soumis à une législation issue d’ailleurs de la colonisation, qui les voue à quelque trois ans de prison après des “tests anaux” dégradants pratiqués par des médecins indignes et, bien évidemment, brise une réputation, une carrière ou des études sans parler des déchaînements de brutalités familiales jusqu’à la menace physique.
On ne peut, par ailleurs et encore plus près de nous, qu’imaginer avec effroi, ce que serait la venue au pouvoir d’un parti démocrate chrétien comme celui de Mme Boutin, qui a dans son corpus idéologique ce qualificatif « d’abomination » à l’égard des millions de LGBT de ce pays. Ce n’est pas faire un procès d’intention que de penser que non seulement les droits acquis seraient retirés vite fait, mais que les droits fondamentaux d’expression, de réunion, d’association, de presse seraient mis en danger. Plus globalement on appréhende sans grand effort d’imagination ce que serait l’insécurité des vies psychique, personnelle, sociale, professionnelle des LGBT alors mis au ban de la société par une telle idéologie au pouvoir.
Et cela amène à penser politique… est-il acceptable politiquement, socialement que de telles idéologies prospèrent impunément ?
Certes la question de l’homophobie relève de ce qu’on peut appeler le “débat social”, celui qui se déroule au sein des famille, dans les cours d’école, les ateliers, les bureaux, les bistrots, les stades… y évolue, explose, échange les arguments, les confrontations… Certes c’est là que ça se joue entre groupes et personnes, mais la loi doit néanmoins savoir y intervenir. Elle doit prendre sa part dans l’indispensable prohibition de phraséologies diffusant ces préjugés haineux, discriminants, potentiellement violents jusqu’ici proférés quasi impunément quand il s’agit de religieux. Or la parole de la plupart des religions (hormis le protestantisme luthéro-réformé, certains courants juifs libéraux, une ou deux mosquées indépendantes) est bel et bien en matière d’homosexualité une parole haineuse, discriminante, donc potentiellement justificatrice de violences qu’on ne saurait pour tenir étrangère à des passages à l’acte comme celui d’Orlando.
Lorsqu’un gouvernement réellement progressiste et décidé à en donner les preuves sans finasserie ni faux semblant, sera aux affaires en France, ce qu’on peut quand même espérer un jour, il devra s’attaquer à un grand dialogue interpellatif avec les obédiences religieuses de ce pays, catholique romaine, islamique, protestante évangélique, orthodoxe, israélite. Des sortes d’états généraux contre l’homophobie religieuse, d’abolition du privilège homophobe religieux. Il devra en sortir une déclaration sans ambiguité ni échappatoire de respect envers les orientations LGBT et les personnes (pas seulement les personnes sur le mode jésuitique de l’ineffable Boutin) qui soit adoptée, rendue clairement publique et sincèrement relayée dans les communautés de croyants.
Faute de quoi ce sont les droits auxquels ces cultes ont accès dans le cadre de l’état de droit qui devront leur être retirés, ni plus ni moins. Il n’y a pas de droits pour les uns sans droit pour les autres. Il ne doit pas y avoir d’impunité ni d’excuse ni de relativisation des responsabilités, pour ceux par qui les violences homophobes (comme d’autres) de près ou de loin, arrivent.
Jacques Fortin