Il y a 2 ans au large des côtes bretonnes sombrait le pétrolier Erika, navire affrété par le groupe TotalFinaElf, âgé de 25 ans et battant pavillon maltais. Après un long parcours législatif, l’Europe s’apprête enfin à adopter un premier paquet de mesures concernant les contrôles, les inspections et un échéancier pour l’instauration des doubles coques pour les pétroliers. Quant à TotalFinaElf, il est mis en examen depuis le 7 novembre 01 dans l’enquête sur le naufrage de l’Erika. Des premiers pas timides dans la lutte contre l’impunité dans le transport maritime.
1 – TotalFinaElf, mis en examen
Le groupe pétrolier français TotalFinaElf est mis en examen depuis le 7 novembre 2001 en tant que personne morale dans l’enquête sur le naufrage de l’Erika sous les griefs de « pollution maritime » et de « complicité de mise en danger de la vie d’autrui ». Ces poursuites portent sur le choix du navire affrété par le groupe français mais également sur la gestion de la crise entre le premier message d’alerte envoyé le 11 décembre et le moment où le pétrolier a sombré, en se cassant en deux, le lendemain, provoquant une marée noire le long des côtes françaises. Le groupe a été placé sous contrôle judiciaire. Il devra verser une caution de 50 millions de francs et se voit retirer l’autorisation d’affréter des navires de plus de 15 ans. A la clé du verdict se trouve le règlement de l’indemnisation des victimes. Plus globalement, cette décision de justice devrait être le moment pour dénoncer le système de complaisance régnant dans le transport maritime au mépris des conditions de vie et de travail des marins et du non respect de l’environnement et des populations côtières.
2- le paquet législatif Erika 1
2 ans jour pour jour après le naufrage de l’Erika, l’Europe s’apprête à adopter le paquet Erika 1. Mais de l’aveu même de la Commission de Bruxelles « même après l’adoption du premier paquet de mesures, des navires sous-normes pourront échapper aux contrôles au sein de l’Union européenne ». La route est encore longue pour mettre hors la loi le très libéral ordre maritime international. De plus renforcer la législation est une chose, mais faire appliquer les règles existantes à l’échelle de l’Europe par chaque Etat en est une autre. Quoiqu’il en soit, le paquet Erika 1 comprenant 2 directives et un règlement marque quelques avancées contre l’insécurité maritime. La mobilisation des populations littorales et des opinions publiques relayée par des parlementaires (comme Roseline Vachetta rapporteur pour avis) commence à porter leurs fruits.
La directive sur le contrôle des navires par l’État du port en Europe renforce la législation (inspections plus nombreuses et plus strictes) et oblige à effectuer une inspection annuelle des navires à risque. Elle permet le bannissement des ports européens des navires sous-normes dont la liste est rendue publique et obtient un engagement des États européens de recruter des inspecteurs en nombre suffisant. Elle demande aux compagnies pétrolières de ne plus utiliser de leur fait, de navires de plus de 15 ans. Le Conseil a finalement accepté le principe de voir certaines catégories de navires entrant dans les ports de l’Union européenne être dans l’obligation, dans un proche avenir d’avoir à leur bord un enregistreur des données du voyages (VDR ou « boîte noire »). Le cas échéant, il sera possible d’immobiliser un navire s’il n’est pas équipé d’une « boîte noire » en état de marche.
La directive sur les sociétés de classification (organismes chargés d’inspecter les navires) interdit à ces organismes d’être sous le contrôle des propriétaires ou des constructeurs de navires ou encore d’autres acteurs commercialement impliqués dans la construction, l’armement, la réparation ou l’exploitation de navires. Elle donne par ailleurs des possibilités de les sanctionner (suspension d’un an ou retrait de l’agrément) en cas de négligence. Mais la question de leur responsabilité financière en cas de décès, dommages corporels et matériels a quant à elle était repoussée. La directive prévoit également la mise en place de la base de données EQUASIS (information sur les navires).
Le règlement constitue la troisième proposition de la Commission dans le cadre du paquet Erika 1. Il prévoit l’adoption d’un échéancier pour le retrait accéléré des navires-citernes à simple coque. Cette mesure concerne directement et selon les cas des bâtiments dont la moyenne d’âge s’étale entre 23 ans et 30 ans. Les dates limites de retrait s’échelonnent entre 2005 et 2015.