Ces affrontements font suite à ceux commencés trois ans plus tôt entre les deux dirigeants du pays, le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar. Cette guerre civile a causé la mort de plus de cinquante mille personnes, la plupart civiles, et une crise alimentaire qui désormais touche la moitié de la population.
Le Sud Soudan est né d’une lutte armée de longue haleine contre les dirigeants islamistes du Soudan d’abord, Gaafar Nimeiry puis Omar al-Bashir, qui ont systématiquement marginalisé toutes les régions du pays non arabophones. Cette lutte a été menée par le SPLA (Sudan People’s Liberation Army) dirigée par John Garang qui se battait pour un Soudan fédéral ouvert à tous, contrairement à Salva Kiir et Riek Machar qui défendaient l’option de la séparation du Sud Soudan. La mort de Garang a permis aux séparatistes de prendre le dessus.
Si le référendum d’indépendance a recueilli une écrasante majorité de plus de 98 % des votants, conséquence de l’exaspération des populations en butte au racisme des dirigeants islamistes du Soudan, le nouveau pays va connaître dès le début un gouvernement corrompu, dont les élites vont s’affronter entre elles pour s’emparer du pouvoir.
Lutte fratricide
Deux après l’indépendance, le président Salva Kiir va limoger son vice-président Riek Machar, lui reprochant ses velléités de se présenter aux prochaines élections présidentielles. Ces deux dirigeants vont se livrer une guerre sans merci et plonger ainsi le pays dans le désarroi, attisant les divisions ethniques entre Dinka et Nuer. Des deux côtés, des crimes effroyables vont être commis contre les civils.
Cette division entre communautés dinka et nuer existe depuis longtemps et fut aggravée par la politique colonialiste des Britanniques qui ont figé ces ethnies. À l’époque même de la lutte contre Khartoum, au début des années 1990, une scission s’était opérée sur cette ligne ethnique à l’intérieur du SPLA.
Malgré les conséquences désastreuses pour les populations, ces deux dirigeants n’ont pas hésité à utiliser leur ethnie respective dans une guerre sanglante. Le but, avoir la main mise sur les richesses du pays, notamment le pétrole. En cinq ans de pouvoir, des milliards de dollars ont ainsi été détournés [1].
L’accord de paix entre les deux belligérants signé en août 2015 prévoyait que Riek Machar retrouve son poste de vice-président et puisse revenir dans la capitale avec ses hommes, ce qui fut effectif huit mois plus tard en avril. De nouveau, les deux troupes se sont affrontées provoquant en quatre jours la fuite de dizaines de milliers de personnes.
Les deux dirigeants ont appelé à un cessez-le-feu immédiat qui reste des plus précaires au vu des affaiblissements des chaînes de commandement, notamment du côté de Riek Machar. Tant que ces dirigeants resteront au gouvernement et bénéficieront de l’impunité malgré leurs crimes, l’avenir des populations du Sud Soudan restera bien sombre.
Paul Martial