Un prêtre octogénaire a été tué, mardi 26 juillet, lors d’une prise d’otages dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans l’agglomération de Rouen. L’attaque, commise par deux hommes tués par la police, a été revendiquée par l’organisation djihadiste Etat islamique (EI), moins de deux semaines après la tuerie de Nice. François Hollande réunira mercredi matin à l’Elysée un conseil de sécurité et de défense, après avoir reçu les représentants des différents cultes.
Que s’est-il passé ?
Deux hommes sont arrivés dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, en Seine-Maritime dans l’agglomération de Rouen, à l’heure de la messe matinale vers 9 h 25. Six personnes se trouvaient à l’intérieur : le prêtre auxiliaire, qui a été tué ; trois religieuses, dont l’une a réussi à s’échapper et à donner l’alerte ; et un couple de paroissiens, selon le procureur de la République, François Molins.
Les policiers de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Rouen ont essayé de négocier avec les attaquants, retranchés dans l’église avec les cinq otages. Puis ils ont tenté une incursion, sans succès du fait des otages placés à l’entrée de l’église. Trois otages sont ensuite sortis, suivis par les deux attaquants munis d’armes à poing qui ont crié « Allah Akbar ». Ils se sont retrouvés face à face avec les policiers de la BRI, qui les ont tués. L’un disposait d’un faux engin explosif et de trois couteaux, l’autre d’un minuteur de cuisine entouré d’aluminium et d’un sac à dos avec un faux engin explosif, selon M. Molins.
Mardi dans la journée, Saint-Etienne-du-Rouvray semblait comme en état de siège. Un vaste périmètre de sécurité barrait tout accès au centre de cette commune populaire de 29 000 habitants, fief traditionnellement communiste. Les habitants ont été invités à rester cloîtrés chez eux.
Vers 16 heures, la police nationale a annoncé que l’opération de déminage et de sécurisation de la zone était terminée. Aucun explosif n’a été découvert. « La police technique et scientifique est maintenant au travail », selon le porte-parole du ministère de l’intérieur, Pierre-Henry Brandet.
Qui sont les attaquants ?
Adel Kermiche, 19 ans, a été formellement identifié comme l’un des deux auteurs de l’attentat. L’identification du second assaillant est toujours en cours, selon François Molins. Adel Kermiche n’avait aucune condamnation sur son casier judiciaire, mais était connu des services antiterroristes pour avoir tenté de se rendre en Syrie à deux reprises, en mars 2015 puis en mai 2015.
Après sa seconde tentative, il est incarcéré le 22 mai 2015 pendant dix mois. Le 18 mars 2016, il est de nouveau placé sous contrôle judiciaire, avec assignation à résidence sous surveillance électronique. L’attaque contre l’église s’est déroulée durant les heures où sa sortie était autorisée, entre 8 h 30 et 12 h 30 du lundi au vendredi.
Par ailleurs, un mineur, qui n’est pas soupçonné de faire partie des meurtriers, a été placé en garde à vue dans le cadre de l’enquête. Il est le frère d’un individu faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, qui est parti en Syrie avec les papiers d’identité d’Adel Kermiche, selon M. Molins. La section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie d’une enquête en flagrance confiée à la sous-direction antiterroriste (SDAT) et à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Qui sont les victimes ?
Le prêtre auxiliaire de la paroisse Saint-Etienne-du-Rouvray, Jacques Hamel, 86 ans, a été tué, frappé à l’arme blanche à la gorge et au thorax, selon M. Molins. Selon le site Internet du diocèse de Rouen, il était né en 1930 à Darnétal, en Seine-Maritime, a été ordonné prêtre en 1958, et a fêté son jubilé d’or en 2008. Il était très apprécié dans cette paroisse, où il officiait depuis dix ans.
Le président du Conseil régional du culte musulman de Haute-Normandie, chargé de la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray, inaugurée en 2000 sur une parcelle de terrain offerte par la paroisse catholique, s’est dit « effaré par le décès de [son] ami ». « C’est quelqu’un qui a donné sa vie aux autres. On est abasourdis à la mosquée », a-t-il ajouté. Le prêtre et l’imam faisaient partie d’un comité interconfessionnel depuis dix-huit mois. « Nous discutions de religion et de savoir-vivre ensemble », a précisé Mohammed Karabila.
Une autre victime, un des paroissiens présents à la messe, a été grièvement blessée à l’arme blanche, mais son pronostic vital n’est pas engagé, selon le procureur de la République. Trois autres personnes ont été blessées. L’archevêque de Rouen a évoqué une communauté paroissiale « très choquée ». La mairie de Saint-Etienne-du-Rouvray a ouvert une cellule psychologique.
L’EI revendique
L’organisation Etat islamique a revendiqué l’attaque par son organe de communication Aamaq : « Les auteurs de l’attaque contre une église en Normandie sont deux soldats de l’Etat islamique », qui répondaient selon elle aux appels à cibler les pays de la coalition internationale la combattant en Irak et en Syrie.
Dans une courte déclaration, le président François Hollande avait auparavant qualifié les deux preneurs d’otages de « terroristes se réclamant de Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique] ». « Nous sommes face à un groupe, Daech, qui nous a déclaré la guerre. Nous devons mener cette guerre par tous les moyens, dans le respect du droit, ce qui fait que nous sommes une démocratie », a-t-il ajouté. « Faisons bloc, c’est ainsi que nous gagnerons la guerre contre la haine et le fanatisme », a-t-il encore affirmé.
Hollande va recevoir les représentants des cultes
François Hollande recevra mardi soir à l’Elysée l’archevêque de Rouen, avant de réunir mercredi matin la Conférence des représentants des cultes en France (CRCF, composée des Eglises catholique, orthodoxe et protestante, et de représentants de l’islam, du judaïsme et du bouddhisme), « parce que nous devons être ensemble », a expliqué le président.
Le Monde.fr avec AFP et Reuters