Selon Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille d’Adama Traoré, qui confirme une information de L’Obs, les gendarmes qui ont interpellé le jeune homme ont assuré devant les enquêteurs ne pas lui avoir porté de coup, et avoir « employé la force strictement nécessaire pour le maîtriser ». Et de préciser : « Il a pris le poids de nos corps à tous les trois au moment de son interpellation. »
Pour Me Bouzrou, « on a la cause de sa mort, l’asphyxie. Etant donné les déclarations des gendarmes, j’émets l’hypothèse que celle-ci a été causée par compression thoracique. Les gendarmes ce sont mis à trois sur lui pour l’écraser, ça peut faire un poids autour de 240 kilos. »
L’avocat note aussi la mention, dans les expertises, de lésions au visage, notamment au front, et au cou. Celles-ci sont superficielles. « La contre-expertise ne fait état d’aucune trace de violences susceptible d’expliquer le décès », a annoncé Yves Jannier, procureur de la République de Pontoise. Elles dénotent toutefois, selon l’avocat, « un contexte de violence, d’altercation lors de [l’]interpellation ».
Deux autopsies et un rapport
Deux autopsies ont déjà été faites. La première, réalisée par un médecin légiste de l’institut médico-légal de Garches, a révélé, le 21 juillet, des lésions « d’allure infectieuse » sur plusieurs organes. M. Jannier avait alors parlé d’« une grave infection touchant les poumons, le foie et la trachée ».
Un rapport anatomopathologique intermédiaire a ensuite émis l’hypothèse d’une pathologie cardiaque. M. Jannier a évoqué à ce moment des « lésions compatibles avec une cardiomyopathie hypertrophique », une « pathologie cardiaque, pour laquelle il peut n’y avoir aucun signe avant-coureur », et qui pourrait être selon lui « potentiellement la cause directe de la mort ». Les résultats finaux de ces analyses – « bactériologie, toxicologie, anatomopathologie » –, sont attendus « dans le courant du mois d’août », a fait savoir le procureur.
Une contre-expertise, par l’institut médico-légal de Paris, a révélé le 28 juillet une absence de pathologie cardiaque, une absence d’infection, et « un état de santé normal », selon Me Bouzrou, qui décrit « un garçon sportif, avec un corps entretenu ». La contre-expertise a conclu à une mort par syndrome asphyxique.
La famille accuse les gendarmes de « bavure »
La famille a demandé une nouvelle expertise médico-légale, mais la juge d’instruction chargée de l’affaire a rejeté vendredi cette requête. « Manifestement, les actes demandés n’étaient pas de nature à apporter des éléments de réponse » supplémentaires sur les raisons de la mort d’Adama Traoré, a déclaré M. Jannier. « Et la question du respect du corps se pose », a-t-il ajouté.
Après ces analyses médicales, seule l’enquête pourra déterminer les causes et les mécanismes de l’asphyxie. Deux enquêtes sont menées parallèlement par la section de recherches et l’inspection générale de la gendarmerie. La famille d’Adama Traoré a appelé à un rassemblement samedi à 16 heures, devant la gare du Nord à Paris, pour réclamer « la vérité ».
La famille du jeune homme accuse de « bavure » les gendarmes qui ont procédé à son interpellation. « D’abord une crise cardiaque, après une infection et maintenant une asphyxie… Que nous cache-t-on ? Que s’est-il passé ? Depuis le début, les jeunes du quartier évoquent une interpellation qui s’est déroulée de manière violente », ont réagi dans un communiqué les proches du jeune homme. « Mon frère est mort depuis plus d’une semaine et nous ne savons toujours pas ce qui a provoqué son décès. C’est très difficile de faire son deuil dans ces conditions », écrit Lassana Traoré.
Sa mort a entraîné plusieurs nuits de violences dans la petite ville de Beaumont-sur-Oise, où a eu lieu son interpellation, et dans les communes voisines. Aux cris de « Justice pour Adama ! », entre 1 500 (selon la police) et 5 000 personnes (selon le service d’ordre) ont participé le 22 juillet à Beaumont-sur-Oise à une marche blanche qui a pris des allures de manifestation.