Le gouvernement sud-coréen veut liquider une fois pour toutes la tradition syndicale militante qui plonge ses racines historiques dans la résistance à la dictature Park Chung-hee (1961-1979), puis Chun Doo-hwan (1980-1987). Le Conseil national des syndicats (NCTU, fondé en 1990), puis Confédération des syndicats coréens (KCTU qui lui succède en 1995) ont incarné cette tradition. Non sans difficulté et crises, cette dernière a tenté de s’adapter à des conditions de lutte changeantes.
Depuis décembre 2012, le pays est présidé par Park Geun-hye, la propre fille du dictateur ; gouvernant par décrets, son régime est de plus en plus autoritaire. Quant aux conglomérats coréens (Chaebols), ils sont activement engagés dans l’offensive contre les droits syndicaux.
La répression récurrente contre la KCTU connaît aujourd’hui un nouveau pic. La grève du secteur public engagée contre la réforme régressive du travail et le système de rémunération basé sur la performance a été déclarée « illégale ». Neuf dirigeants du Syndicat coréen des Chemins de fer (KRWU) sont victimes de l’accusation infâme d’« entrave à l’activité économique ». Pour casser la grève, le gouvernement projette un « arbitrage d’urgence », une pratique dénoncée par l’OIT comme une violation de la liberté d’association. Les chauffeurs routiers indépendants, qui prévoyaient aussi une grève, font également face à des accusations criminelles et civiles.
Plus de vingt dirigeants et militants syndicaux sont emprisonnés, alors que leur seul crime est d’avoir défendu les droits des travailleurs. Il s’agit notamment du président de la KCTU, Han Sang-gyun ; du Vice-président de la KPTU (Transports), Cho Sung-deok ; et du président de la KPCWU (Construction d’usines), Lee Jong-hwa.
Le 4 juillet dernier, Han Sang-gyun a été condamné à cinq ans de prison pour son rôle dans l’organisation de treize manifestations contre le gouvernement Park Geun-hye, de 2012 à 2015. La police avait lancé des mandats d’amener contre plus de 1500 syndicalistes ayant participé à ces manifestations. Des procédures judiciaires avaient été ouvertes contre 585 dirigeants et membres de la KCTU. Les autorités avaient même envisagé d’utiliser contre Han le chef d’accusation de « sédition », ce qui n’a jamais été fait depuis la chute du régime dictatorial, voilà plus de trente ans.
De nombreux secteurs ont subi au fil des ans de sévères attaques contre leurs droits d’organisation. Ainsi, en 2013, le gouvernement a voulu forcer la fédération enseignante KTU (membre de la KCTU) de modifier ses statuts autorisant du personnel licencié à rester membre du syndicat. Pour cette même raison, il a refusé d’enregistrer la fédération des employés des services gouvernementaux (KGEU). En 2012, les travailleurs migrants se sont vus interdire de rechercher eux-mêmes un autre emploi que celui qu’ils occupent, les plaçant ainsi à la merci des patrons. Pendant des années, les autorités ont réprimé le MTU, syndicat de migrants fondé en 2005, dont des dirigeants ont été arrêtés et déportés.
L’offensive contre les droits syndicaux ne cesse de s’élargir, au point que la conservatrice Fédération des syndicats coréens (FKTU) a mené campagne conjointe avec la confédération progressiste KCTU. Le gouvernement Park Geun-hye a notamment publié de nouveaux « principes directeurs administratifs », en vertu desquels les entreprises peuvent renvoyer des travailleurs jugés “sous-performants” et modifier arbitrairement les conditions d’emploi sans le consentement des salariés.
La politique antisyndicale en Corée a été très largement condamnée sur le plan international, y compris par des organisations de défense des droits humains comme Amnesty International, ou l’OIT.
Aujourd’hui, face à la nouvelle vague d’arrestation, un appel intersyndical à la solidarité internationale a été lancé avec l’appui de la Fédération internationale des transports (ITF).
Pierre Rousset
Pour signer la lettre en défense des syndicalistes sud-coréens, rendez-vous sur le site :
https://www.labourstartcampaigns.net/show_campaign.cgi?c=3194