COMMUNIQUÉ DE PRESSE Du mardi 27 septembre 2016 (version actualisée le 3/10/2016)
RÉVISION DES NORMES APPLICABLES en cas d’accident ou d’attentat sur une installation nucléaire
La France choisit les niveaux de risque les plus élevés possibles pour la gestion des urgences radiologiques et de leurs conséquences
La France est en train de transposer en droit national les dispositions de la directive 2013/59/Euratom [1]. Pour la gestion des situations accidentelles et post-accidentelles, la directive européenne demande aux États de fixer des niveaux de référence. Il s’agit de déterminer quel niveau d’exposition aux rayonnements ionisants sera pris en référence pour décider de la nécessité d’engager (ou pas) telle ou telle action pour protéger la population. Par exemple, à partir de quel niveau de risque, les habitants des zones contaminées pourront espérer être indemnisés et relogés dans un environnement sain ? Et donc, en deçà de quelle valeur seront-ils condamnés à vivre en zone contaminée... ou à partir en abandonnant tous leurs biens et sans bénéficier d’aucune aide ?
Ces niveaux de référence sont exprimés en milliSieverts (dose efficace) et doivent être choisis dans les intervalles définis par la directive sur la base des recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) : entre 20 mSv et 100 mSv maximum pour la phase d’urgence (qui peut durer typiquement de quelques jours à quelques mois) ; entre 1 mSv/an et 20 mSv/an maximum pour la phase post-accidentelle (qui commence à la fin de la phase d’urgence et peut persister sur des dizaines ou des centaines d’années, voire indéfiniment à l’échelle humaine).
Pour chacune de ces phases, les autorités françaises ont retenu la borne supérieure de l’intervalle : 100 mSv pour la phase d’urgence et 20 mSv pour les 12 mois suivants (et pour les années suivantes rien ne garantit que ce niveau de référence ne sera pas reconduit). Ces valeurs s’appliquent à tous, y compris les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes ! Rappelons qu’en situation normale, la limite maximale de dose applicable au public est de 1 mSv/an et que cette valeur correspond déjà à un niveau de risque élevé : si 66 millions de Français recevaient une dose de 1 mSv, cette exposition provoquerait en effet, à terme, plus de 11 000 cas de cancer (sur la base du facteur de risque de la CIPR) et probablement plus de 22 000 cancers radio-induits (sur la base du facteur de risque non pondéré de la CIPR) [2], sans compter toutes les pathologies non cancéreuses, les malformations et les maladies génétiques.
Si l’on multiplie ces chiffres par 20 ou par 100, les niveaux de risque retenus par les autorités donnent le vertige. Et il faut ajouter que ces valeurs ne sont pas des limites de dose, c’est-à-dire des valeurs à ne pas dépasser, mais de simples références de dose, beaucoup moins contraignantes : une partie de la population pourra être exposée à des doses supérieures sans que cela constitue une infraction.
Protéger l’industrie nucléaire plutôt que la population
Plus les niveaux de références sont élevés et plus s’allègent les dépenses liées aux mesures de protection des personnes et à l’indemnisation des dommages. Le choix des autorités est tout à fait cohérent avec le plafonnement des indemnités pour les victimes d’un accident nucléaire majeur [3]. Rappelons en effet que l’industrie nucléaire est dispensée de l’application du principe pollueur-payeur : pour l’essentiel, les conséquences sanitaires et économiques de la catastrophe seront supportées par ses victimes.
La décision de fixer des niveaux de référence aussi élevés n’arrive pas par hasard. Elle est le fruit de 20 ans d’efforts du lobby nucléaire, et plus précisément du lobby nucléaire français, via son cheval de Troie, le CEPN [4]. L’idée clef est de convaincre les populations qu’elles peuvent très bien vivre en zone contaminée : il suffit de les équiper de radiamètres et de dosimètres, de leur apprend à contrôler leur environnement et leurs aliments, à gérer jour après jour leur exposition à la radioactivité. Le programme Ethos a d’abord été testé dans les territoires biélorusses contaminés par Tchernobyl où les responsables se sont efforcés de gommer la question centrale de la dégradation de leur état de santé. Il a ensuite été intégré aux recom- mandations de la CIPR, puis mis en œuvre depuis dans les zones contaminées par les retombées de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Plutôt que de proposer des indemnisations permettant de commencer une nouvelle vie dans un environnement sain, on enjoint aux victimes d’être résilientes et de s’adapter à la nouvelle réalité : celle d’un environnement contaminé. C’est évidemment tout bénéfice pour l’industrie nucléaire. Les accidents nucléaires majeurs ne sont plus des catastrophes mais des aléas gérables.
Consultation publique sur le projet de décret
Après avoir sévi dans les pays frappés par un accident nucléaire majeur, le programme « préserver l’industrie nucléaire et faire payer aux victimes le prix de la catastrophe nucléaire », revient aujourd’hui dans le pays qui l’a conçu. Il est sur le point de s’inscrire dans la réglementation française. Le décret est rédigé mais pas encore adopté : il fait l’objet d’une consultation en ligne sur le site du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer.
Les citoyens doivent saisir cette occasion pour défendre leurs droits, leur santé et celle de leurs enfants.
Compte tenu de la localisation et de l’âge des réacteurs, la probabilité qu’un accident ou un attentat affecte une installation nucléaire implantée en Europe est en effet élevée.
L’appel à mobilisation de la CRIIRAD
Si vous êtes choqués par la vue de ces enfants japonais qui portent autour du cou un dosimètre en guise de pendentif, si ce n’est pas l’avenir que vous souhaitez pour vos enfants, agissez !
Participez à la consultation publique et
dites NON à l’obligation de vivre en zone contaminée
Mise à jour du 3/10/2016 : À l’appel de la CRIIRAD, de très nombreuses personnes ont laissé un commentaire sur le site du Ministère pour dire leur refus des niveaux de référence que la France s’apprête à adopter. A la date de clôture de la consultation publique, le 30 septembre 2016, le site du ministère recensait 3 314 commentaires.
Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la radioactivité
29 cours Manuel de Falla / 26000 Valence FRANCE - Tel. 33 (0)4 75 41 82 50
2013-59-Euratom / Transposition CRIIRAD / CASTANIER