La « réconciliation économique et financière » occupe à nouveau le devant de la scène. Le président de la république y a consacré une partie de l’entrevue qu’il a accordée à la télévision nationale le 20 Mars.
Les partis de Nidaa Tounès et du mouvement En-Nahdha l’ont aussi abordée dans leurs communiqués à l’occasion de l’anniversaire de la proclamation de l’indépendance.
Le parti Projet de Tunisie y a consacré une conférence entière à la veille de cet anniversaire.
Ces prises de positions coïncident avec la représentation du projet de loi sur la réconciliation.
Ce projet de loi avait été proposé par le président de la république pendant l’été 2015, il avait rencontré l’opposition de la majorité des forces démocratiques, partis, associations, organisations et personnalités, ce qui l’avait contraint à le retirer et réviser certaines de ses dispositions.
L’intervention du président de la république au sujet de la loi sur la réconciliation, tout comme les déclarations des partis qui la défendent, tendent à faire croire que la résolution de la crise économique et sociale dans le pays dépend de la promulgation de cette loi et donc de l’amnistie des hommes d’affaires, des rentiers et des hauts fonctionnaires coupables de tyrannie, de corruption et de vols sous l’ère de la dictature de Ben Ali.
Ils veulent faire croire qu’ils sont animés par l’amour de la patrie, le désir d’unir les tunisiennes et les tunisiens pour faire face aux difficultés que vit le pays, et que ce n’est aucunement pour un quelconque intérêt partisan qu’ils se mobilisent pour « la réconciliation » !
Mais la réalité est bien loin de ce qu’ils prétendent !
Ceux qui défendent « la réconciliation » veulent sauver leurs peaux, sauver leurs proches, ces hommes d’affaires et hauts fonctionnaires englués dans la corruption et l’arbitraire sous la dictature.
Ils veulent les épargner avant qu’ils ne soient rattrapés par le processus de la justice transitionnelle, avant qu’ils ne soient poursuivis et jugés.
Les partis Nidaa Tounès, En-Nahdha et Projet de Tunisie ont tous soit recruté parmi ces corrompus, profité de leurs largesses lors des élections, ou alors sont assoiffés à bénéficier encore plus de leur générosité lors des prochaines élections municipales.
Il s’agit bien d’une amnistie sous couvert de « réconciliation nationale ». Se concilier avec la corruption, les corrompus, avec la contre-révolution et baliser le chemin pour le retour de l’ancien régime.
Quant à la crise économique et sociale, celle-ci résulte des politiques anti-patriotiques et anti-populaires de la coalition dirigeante.
Elle a renforcé la domination néo-coloniale, amplifié la destruction des secteurs industriels et agricoles, et soumis entièrement l’économie du pays aux desiderata des institutions monétaires internationales.
Ces choix ont aggravé le chômage, la misère, l’exclusion et les disparités entre les classes et les régions, ils ont aussi permis la prolifération de la corruption et du pillage.
Il est certain que la loi de réconciliation présentée par la présidence de la république ne pourra nullement sortir le pays de cette crise, car la situation exige de nouveaux choix en rupture totale avec ceux mis en œuvre actuellement.
Les difficultés économiques et financières mises en avant ne sont qu’un prétexte pour faire admettre la réconciliation avec la corruption, les corrompus et les tyrans d’hier, tout en faisant croire aux victimes qui en pâtissent, que cette réconciliation leur sera profitable et qu’elle relancera l’économie.
Le Front Populaire a assuré, à de nombreuses reprises, qu’il ne s’oppose pas à l’idée de la réconciliation, seulement, elle doit être inscrite dans le cadre de la justice transitionnelle, ce qui exige, des poursuites, des jugements, pour établir les responsabilités et pour que toute la vérité soit dévoilée.
Les victimes doivent aussi obtenir réparation.
Ce sont des étapes indispensables pour rendre justice aux victimes, déconstruire le système de tyrannie et de corruption et éviter son retour.
Quand les partisans du projet de « réconciliation » ont prétexté la lenteur de la justice transitionnelle -une lenteur dont le gouvernement de coalition assume l’entière responsabilité, car il veut la retarder voire même l’enterrer- le Front populaire à présenté un projet de loi visant l’amendement de la loi de justice transitionnelle, notamment en préconisant la mise en place d’une commission dédiée aux dossiers économiques et financiers, pour permettre de les traiter rapidement.
Seulement, leur objectif n’est pas de résoudre les dossiers en suspens, ils veulent saboter le processus de la justice transitionnelle, qui est une des exigences de la révolution. Ils veulent remettre à la manœuvre les visages de l’ancien régime et ses hommes de main, ils veulent bénéficier de leur savoir-faire dans la répression et dans la gestion des affaires de la bourgeoisie corrompue.
Ils ont refusé de discuter du projet du Front Populaire, et ont remis sur la table leur premier projet dans l’objectif de le faire adopter par le parlement.
A cette occasion, les visites, les délégations et les rencontres se sont succédé dans l’attente de la décision du parlement.
Cette situation exige des forces démocratiques - partis, associations, organisations et personnalités- de se mobiliser pour contrecarrer ce projet et dévoiler ses visées réelles, car il constitue bien une étape très dangereuse parmi toutes celles engagées pour le détournement de la révolution.
Il veut blanchir le régime de Ben Ali, refermer la page de ses crimes politiques, économiques et financiers.
Il veut remettre ses suppôts au travail, non pour faire face à la crise sociale et économique, mais bien pour faire taire les mobilisations sociales et politiques qui s’opposent aux choix de la coalition dirigeante.