Nous tenons tout d’abord à saluer l’engagement d’associations humanitaires qui poursuivent leurs activités dans des zones de conflits et de guerres.
Nous n’avons pas oublié le bombardement de l’hôpital de Médecins sans frontières à Kunduz (nord-est de l’Afghanistan), le samedi 3 octobre 2015, par la coalition regroupant les Etats-Unis, l’OTAN et le gouvernement afghan – faisant vingt-deux morts, dont douze employés de l’ONG et dix civils, dont trois enfants. Le Pentagone, l’Alliance atlantique, le gouverneur de Kunduz ont tous tenté, dans un premier temps, de justifier ou d’excuser ces frappes meurtrières et très ciblées sur des bâtiments dont le caractère humanitaire était parfaitement connu .
Ces « explications » officielles ont en fait confirmé le fait que l’hôpital était visé. Sans cela, d’ailleurs, comment comprendre pourquoi les bombardements se sont poursuivis longtemps après que MSF a directement alerté les autorités ? Comme l’a souligné MSF, voilà qui semble bien constituer un crime de guerre.
De notre point de vue, l’Etat français doit :
1. Aider au financement d’activités humanitaires dans des zones de conflit comme l’Afghanistan ; et cela sans imposer de conditions politiques. Rappelons qu’il ne s’agit pas de l’argent du gouvernement, mais de fonds publics dont il n’est pas le propriétaire.
2. Respecter l’indépendance des organisations humanitaires et les principes élémentaires de l’action humanitaire qu’elles mènent.
3. Respecter tout particulièrement ce qu’il y a de protecteur dans le droit de la guerre et le droit humanitaire.
Ce dernier point est très important. En effet, ironie des formules, la proclamation (par George Bush notamment) de la « guerre humanitaire » (du Bien contre le Mal) a été utilisé par bon nombre de gouvernements pour se libérer du droit de la guerre et du droit humanitaire !
Après le scandale du bombardement de l’hôpital de Kunduz, Françoise Bouchet-Saulnier, directrice juridique à Médecins sans frontières, en avait clairement souligné l’enjeu : « Comme toute organisation médicale humanitaire, MSF traite tous les patients, malades ou blessés. Dans le droit humanitaire, écrit par des juristes des forces armées il faut le souligner, le statut de blessé ou de malade efface tous les autres, y compris celui de combattant. […]. Il prévoit les soins aux blessés, quelle que soit leur nationalité, la neutralisation ou inviolabilité des personnels et établissements. Il n’y a pas lieu de distinguer les blessés selon qu’ils sont civils ou militaires. Or, dans des situations de conflit, les Etats sont très tentés de considérer tous les hommes en âge de se battre comme des combattants.
De plus, dans ce type de contexte, ce même droit humanitaire considère que le refus délibéré de soins de la part d’un médecin constitue un crime de guerre. Il existe des pressions sur les soignants de la part des militaires. Il n’est pas question d’accepter qu’un médecin soit envoyé en prison pour avoir porté des soins à un blessé. Le droit humanitaire nous dit : vous devez soigner tous les blessés.
L’enjeu est de neutraliser les personnels soignants et les hôpitaux. Refuser de soigner des patients sur des critères autres que médicaux revient à permettre aux belligérants de venir les achever et transforme l’hôpital en champ de bataille. […] La guerre doit s’arrêter à l’entrée de l’hôpital. (Le Monde du 8 octobre 2005. nous soulignons).
Dans leurs propres domaines d’intervention, l’Afrane et les ONG membres du COFA sont confrontés à des exigences similaires : aider les populations sans être instrumentalisées ou bridées par les pouvoirs établis.
Par ailleurs, un bilan réel de la politique de guerre menée par la coalition atlantique doit être tiré. Non seulement les populations civiles ont payé pour elle un très lourd tribut, mais aucun des objectifs affichés n’a été atteint, bien au contraire. La montée en puissance des courants fondamentalistes islamiques remonte certes à la conquête du pouvoir par Khomeini en Iran (1979) ; mais les interventions en Afghanistan puis en Irak ont donné un coup de fouet à leur développement et à leur extension géographique. Le Pakistan sombre toujours plus dans un état de guerre et de terreur. La Syrie est à feu et à sang. Les soulèvements populaires de 2011 dans la région arabe se sont vu attaquer de toutes parts – et n’ont reçu que bien peu de soutiens.
Il ne s’agit pas d’infléchir les politiques menées depuis des années par nos gouvernements. Elles ont rendu les populations otages des logiques et des conflits de puissances, d’une conception de la « sécurité internationale » où priment les intérêts des puissances (dont la France). Il faut opposer à cette dernière une conception de la sécurité internationale élaborée du point de vue des populations. Très concrètement, cela voulait dire : aider les forces démocratiques et populaires à mener leur propre combat – ce qui n’a pas été fait. La situation est malheureusement maintenant très dégradée au Proche et Moyen-Orient. Cependant, ce changement radical d’orientation reste tout autant nécessaire.
L’équipe de campagne de Philippe Poutou
Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA)
La lettre-questionnaire de l’AFRANE