De Jean-Marie à Marine Le Pen : les positions de Jean-Luc Mélenchon face au FN
D’une opposition ferme en 2002 à une position plus molle ces derniers temps, le candidat de La France insoumise a progressivement changé son attitude face au Front national.
Le candidat de La France insoumise, arrivé en quatrième position du premier tour de la présidentielle du 23 avril, a refusé de donner une consigne de vote à ses soutiens et à ses électeurs. Jean-Luc Mélenchon s’en remet à ces derniers pour décider de la position du parti :
« Je n’ai reçu aucun mandat des 450 000 personnes qui ont décidé de présenter ma candidature pour m’exprimer à leur place sur la suite. Elles seront donc appelées à se prononcer sur la plate-forme et le résultat de leur expression sera rendu public. »
Le FN au second tour de la présidentielle
Le ton était radicalement différent, dans le même contexte, il y a quinze ans. En avril 2002, alors que le premier tour de la présidentielle voit Jean-Marie Le Pen se qualifier au second tour face au président sortant Jacques Chirac, Jean-Luc Mélenchon, alors membre du Parti socialiste (PS), prend fermement position contre le Front national (FN). Dans une tribune au Monde, le ministre de l’enseignement professionnel en fin de mandat parle d’une affiche de second tour « indécente ».
« J’affirme clairement que tout atermoiement dans les rangs de gauche nous expose au minimum à une nouvelle avancée de l’extrême droite qui dégradera davantage le rapport de force social et politique de la gauche aux législatives. »
A quelques jours du second tour, Jean-Luc Mélenchon développe alors une stratégie de recomposition de la gauche. Le message est sans ambiguïté :
« Plus nous aurons réduit Le Pen avec le bulletin de vote Chirac, plus forts nous serons pour débarrasser ensuite le pays de ce dernier aux législatives (…) ; nous pouvons inverser la course à l’abîme qui menace le pays à cette heure. »
La défaite de Lionel Jospin au premier tour et la qualification de Jean-Marie Le Pen constituent un moment historique. C’est la première fois que l’extrême droite française accède au second tour de la présidentielle. Il n’est pas étonnant que M. Mélenchon, dans ce contexte, ait appelé à voter Chirac, étant lui-même issu du gouvernement.
Mélenchon à Hénin-Beaumont
Pour faire face à Marine Le Pen dans son fief d’Hénin-Beaumont lors des législatives de 2012, Jean-Luc Mélenchon se présente dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais. La défaite sera dure. Marine Le Pen arrive première avec 42,36 % des voix, suivie de Philippe Kemel (PS). Mélenchon arrive, lui, sur la troisième marche du podium avec 21,48 % des suffrages.
Emu, le candidat du Front de gauche appellera à voter pour le candidat du PS, comme le rapporte Le Figaro : « J’exprime mon soutien à la candidature de M. Kemel pour le deuxième tour et je lui souhaite bonne chance face à Madame Le Pen. »
Le ton se veut moins dur face au FN en 2015, lors des élections départementales et régionales. A l’issue des départementales de mars, le Parti de gauche ne donne aucune consigne de vote pour le second tour. Le parti d’extrême gauche pointe la responsabilité des partis au pouvoir. « La droite est menaçante, mais la seule responsabilité est du côté de l’Elysée et de Matignon », explique Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche dans Le Figaro.
Avant même le résultat du premier tour de cette élection de mars 2015, Jean-Luc Mélenchon avait demandé à ses soutiens de « se mêler le moins possible du débat arrangé d’avance sur le front républicain, union des grenouilles et des moustiques pour se protéger du héron », rapporte Libération.
« Faire confiance à l’intelligence du peuple souverain »
Le scénario se répète, quelques mois plus tard, en décembre 2015 lors des élections régionales. Jean-Luc Mélenchon se refuse à donner des consignes de vote pour les circonscriptions où la gauche n’est pas représentée et où le FN a donc une chance de l’emporter : « Plutôt la droite que le FN ? A condition qu’il y ait une différence ! (…) Faire barrage à l’extrême droite sans aucune exigence ni engagement préalable sur les principes essentiels est un blanc-seing très dangereux. Le seul choix honorable en démocratie, c’est d’assumer le combat d’idées en faisant confiance à l’intelligence du peuple souverain. »
A cette époque, Jean-Luc Mélenchon, qui a souvent eu des relations conflictuelles avec les médias, accuse certains d’entre eux d’être responsables de la montée du FN : ce dernier bénéficierait, selon lui, de trop de temps médiatique.
Maxime Delrue
* LE MONDE | 24.04.2017 à 17h29 • Mis à jour le 24.04.2017 à 18h21 :
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/04/24/de-jean-marie-a-marine-les-positions-de-jean-luc-melenchon-face-au-fn_5116716_4355770.html
Présidentielle : les soutiens de Mélenchon appelés à se positionner en vue du second tour
La consultation des soutiens du leader de La France insoumise a débuté mardi. L’option d’un vote pour Marine Le Pen n’est pas proposée.
La consultation des soutiens de Jean-Luc Mélenchon en vue du second tour de la présidentielle a commencé mardi 25 avril sur la plate-forme d’appui à la candidature du leader du mouvement La France insoumise.
Faute de donner une consigne de vote en vue du second tour de la présidentielle, le candidat arrivé en quatrième position du scrutin (19,58 % des voix) avait choisi de se retrancher derrière la position de ses soutiens dimanche soir. Il avait ainsi annoncé que les 440 000 personnes qui avaient « appuyé » sa candidature à l’élection présidentielle sur la plateforme jlm2017.fr seraient « appelées » à se prononcer sur la position à adopter avant le second tour, et notamment s’il fallait, ou non appeler à voter pour Emmanuel Macron.
« Savoir le choix qu’ils vont faire »
La consultation, ouverte à ceux qui ont adhéré à la plate-forme (d’un simple clic, en laissant ses coordonnées, sans cotisation ni engagement sur la durée), durera jusqu’au mardi 2 mai à midi. Les résultats seront rendus publics dans la foulée, a fait savoir au Monde Manuel Bompard, ancien directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon.
« Nous étions convenus depuis le début de notre campagne que les votes du premier tour ne seraient pas récupérés pour quelqu’un d’autre au second tour. Notre candidat, Jean-Luc Mélenchon, a loyalement respecté son engagement à ce sujet », explique le texte d’introduction à la consultation en ligne qui ajoute :
« Nous organisons ce jour la prise de parole des insoumis à propos de la position qu’ils adoptent personnellement sur le second tour de l’élection présidentielle. »
« Il ne s’agit pas de leur demander une consigne de vote mais de savoir le choix qu’ils vont faire », précise M. Bompard.
Trois options sont proposées : vote blanc ou nul, abstention ou vote Macron. Le vote pour Marine Le Pen n’est pas proposé car, toujours selon le texte mis en ligne, « le mouvement de La France insoumise est, par définition, lié aux principes de notre devise républicaine “Liberté, égalité, fraternité”. Le vote pour la candidate d’extrême droite ne saurait donc représenter une option. »
Selon M. Bompard, M. Mélenchon a par ailleurs prévu de s’exprimer dans une « revue de la semaine », ce rendez-vous hebdomadaire qu’il a instauré sur YouTube, mercredi ou jeudi.
« Qui peut douter un instant de notre envie de battre le FN ? »
La décision de M. Mélenchon de ne pas appeler dès le soir du premier tour à faire barrage au Front national, alors qu’il l’avait fait en 2002, a été vertement critiquée notamment par des membres du Parti socialiste.
Les proches du candidat de La France insoumise avaient, eux, défendu sa décision. « Nous allons nous battre pour qu’aucune voix ne se porte sur la candidature de Marine Le Pen et pour battre l’extrême droite qui menace », avait expliqué, dimanche soir, Clémentine Autain, conseillère régionale d’Ile-de-France et membre du mouvement Ensemble qui soutenait La France insoumise.
« Qui peut douter un instant de notre envie de battre le FN ?, avait renchéri Sophia Chikirou, la directrice de communication de M. Mélenchon. La France insoumise sera la première force d’opposition si Macron est élu le 7 mai. » Chez les militants, cette décision fait aussi débat, entre ceux qui sont tentés par l’abstention et ceux qui iront faire barrage au Front national.
Service politique
Journaliste au Monde
* LE MONDE | 26.04.2017 à 09h07 • Mis à jour le 26.04.2017 à 09h15 :
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/26/presidentielle-les-soutiens-de-melenchon-appeles-a-dire-s-ils-s-abstiendront-voteront-blanc-nul-ou-macron_5117575_4854003.html
Macron « à contrecœur », vote blanc ou pour Le Pen, pour le « choc » : les électeurs de Mélenchon tiraillés
Alors qu’ils sont consultés par le chef de file de La France insoumise, les électeurs de Mélenchon racontent leurs choix et leurs hésitations.
Voter Emmanuel Macron pour faire barrage au Front national (FN), « à contrecœur » ou « sans hésitation ». Voter blanc ou s’abstenir. Voire, pour certains, choisir Marine Le Pen, la candidate du FN. Les électeurs qui ont choisi Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle se retrouvent d’autant plus tiraillés pour le second que leur candidat – arrivé en quatrième position du scrutin, avec 19,58 % des voix – n’a pas donné de consigne de vote, renvoyant cette décision à une consultation des électeurs, qui a débuté mardi 25 avril.
Répondant à un appel à témoignages du Monde.fr, de nombreux électeurs de La France insoumise ont expliqué leurs choix et leurs hésitations pour le second tour.
Emmanuel Macron, « la mort dans l’âme »
« Tout sauf Le Pen. » C’est « à contrecœur », « la mort dans l’âme », ou « en se bouchant le nez » que certains électeurs de M. Mélenchon se résigneront à glisser un bulletin Macron dans l’urne, dimanche 7 mai. Loin d’adhérer, voire farouchement opposés, à la politique qu’ils jugent trop libérale du leader d’En marche !, ils se sentent un « devoir » de faire barrage au FN.
« Je ne soutiens pas cet homme, ses idées, ses projets. […] Il ne me représente pas. Mais Marine Le Pen, et tout ce qu’elle représente, est à l’opposé complet de ce que je suis et de mes valeurs », témoigne Marion G., 23 ans, étudiante à Tours (Indre-et-Loire). La jeune femme fera partie « de ce front républicain pour faire barrage au FN », mais elle prévient : « Ce sera la seule fois », parce que cela va lui « coûter de voter Macron ». Et si une situation similaire se représente dans cinq ans, on ne l’y reprendra pas.
Programmeur de 29 ans, Thomas, lui, se sent « pris en otage ». Mais il « préfère combattre l’extrême droite aujourd’hui où le risque est réel, plutôt que de laisser faire en votant blanc ». Etudiante en cinéma à Montreuil (Seine-Saint-Denis), Marie F., 21 ans, s’inquiète de voir « de nombreuses personnes qui s’apprêtent à s’abstenir », cela lui semble « irresponsable » : « Prendre ses responsabilités, c’est aller voter et faire barrage au FN. Les Le Pen ont-il si bien réussi leur dédiabolisation (...) ? Où est passé le mouvement anti-FN qui avait suivi le premier tour de la présidentielle de 2002 ? ».
« La seule idée de participer à cette supercherie me répugne déjà, mais j’imagine que comme beaucoup, je finirai par rentrer dans le rang et insérer un bulletin Macron dans l’urne », abonde Sullyvan, 23 ans, étudiant à Tours. Pour d’autres, comme Thomas D., Parisien de 26 ans, moins d’hésitation : « Même si je ne suis pas en accord avec le programme de Macron, je n’hésiterai pas une seule seconde dans l’isoloir. (…) S’abstenir ou voter blanc reviendrait à cautionner un peu plus le vote FN. »
Refus de choisir « entre la peste et le choléra »
Nombreux sont celles et ceux qui, au contraire, expliquent pourquoi ils refusent de choisir et opteront pour le vote blanc ou l’abstention. Certains d’entre eux restent marqués par leur vote de barrage à Jean-Marie Le Pen en 2002, voire le regrettent. Pour Geoffrey B., menuisier-isoleur de 34 ans, pour qui c’était le premier scrutin à l’époque, « plus question » de « mettre un mouchoir » sur ses convictions. Pas de choix possible « entre la peste et le choléra », résume Sylvain M., trentenaire de Fougères (Ille-et-Vilaine), reprenant le slogan de 2002, à l’instar de nombreux témoignages.
Pour ce dernier, ce sera « blanc ou abstention », car il juge les deux aspirants à l’Elysée « aussi dangereux l’un que l’autre » : « Un ultralibéral convaincu et revendiqué, une xénophobe de bas étage et nationaliste. » « Je ne peux pas donner mon suffrage au Medef, je ne peux pas non plus le donner à la peste brune », dit Pierre B., 42 ans, fondateur d’une galerie d’art contemporain associative à Lyon. « Ni dictature fasciste ni dictature financière », renchérit J., 63 ans, compositeur en Bourgogne.
Pour Abel R., 25 ans, ingénieur en sciences des matériaux et doctorant en métallurgie à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), « entre l’extrémisme libéral et l’extrême droite » ce sera « un ni-ni » : « Si le FN est un parti qui a le droit de concourir, alors je ne vois pas pourquoi il faudrait faire front républicain. »
Ce front républicain, Julie, 23 ans, estime que « la France l’a assez pratiqué, sans autre résultat qu’une montée toujours plus forte du FN ». L’étudiante habite Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), fief du parti d’extrême droite. Dans dix jours elle ira voter blanc, pour pouvoir affirmer que « oui », elle a voté, mais que « ce deuxième tour n’est pas le [s] ien ». Et parce que ce vote « aura au moins le mérite de montrer le manque de légitimité du futur président ».
Argument proche pour Philippe T., 30 ans, autoentrepreneur dans les métiers de la culture à Marseille, qui ne se déplacera pas pour le second tour. S’il ne se sent « pas capable » d’apporter sa voix à M. Macron, il espère que ce dernier sera élu, « mais mal élu ».
Pour Yves D., 60 ans, « voter Macron, c’est porter Le Pen à 30 % au premier tour de la présidentielle de 2022. »
« Macron = Le Pen dans cinq ans »
Parmi les électeurs qui voteront blanc ou s’abstiendront, plusieurs justifient leur choix par le fait que voter pour M. Macron reviendrait, selon eux, à « faire le lit du FN demain ». « Voter Macron, c’est porter Le Pen à 30 % au premier tour de la présidentielle de 2022 ! », calcule Yves D., 60 ans, directeur de recherche au CNRS, pour qui la politique « néolibérale » qu’entend mener M. Macron est « celle qui a conduit à l’affaiblissement de notre pays, à sa désindustrialisation, et in fine à l’émergence du vote Le Pen ».
Analyse partagée par Francis R., 41 ans, développeur à Paris : « Le choix se résume entre voter pour Macron, l’extrême marché, qui favorisera la montée de l’extrême droite, ou voter directement pour l’extrême droite. Je ne peux pas choisir et je vais donc voter blanc. » Le quadragénaire juge qu’« il restera les législatives pour mettre en place une opposition ». Et estime que « si le FN passe, au moins il ne servira plus d’épouvantail pour nous imposer des politiques libérales dont on ne veut pas ».
« Après Mélenchon, Le Pen »
Quelques électeurs de M. Mélenchon se disent prêts à choisir la candidate du Front national. Par opposition au leader d’En marche !, parce qu’ils veulent « du changement » ou un « choc violent »… Ainsi de Camille L., 24 ans, étudiant en droit à Lyon, qui a opté pour « la méthode dure » et votera Le Pen, « parce que Macron représente quelque chose qu’[il] déteste plus que la xénophobie de Le Pen : la vieille symbiose du PS et LR qu’on ne veut plus ». Pour le jeune homme, « hors de question de donner un nouveau souffle au système politique en place. Même Le Pen propose le référendum d’initiative populaire (…) [et] me donne l’occasion de la contester », argumente-t-il.
Lycéen à Amiens (Sommes), Vincent P., 18 ans, votera « Marine, uniquement pour faire barrage à Macron » qui est, pour lui, « la copie conforme de François Hollande ». Raison identique avancée par Fabrice C., 35 ans, chef de cuisine à Alès (Gard), qui parie sur le fait que Marine Le Pen, élue, « n’aura jamais une majorité à l’Assemblée », où elle « ne pourra rien faire passer ». « Le gouvernement sera complètement bloqué, il y aura une instabilité politique. Si on ajoute à ça les manifestations anti-FN, la France sera ingouvernable, dans le chaos le plus total », anticipe le restaurateur, selon qui « c’est un choc violent comme ça qu’il faut pour faire changer les choses totalement ».
« Les changements que veut établir le FN » ne sont pas ceux que souhaite Victor V., 22 ans, étudiant en philosophie, mais il juge « bien plus intéressant de voter pour un parti qui souhaite du changement que pour un candidat qui ne cherche que le statu quo ».
Au soir du premier tour, Jacques J., lui, n’a « pas dormi de la nuit », « avec la conviction grandissante d’être vraiment pris pour un con ». Ce fonctionnaire parisien de 60 ans, « après avoir toujours voté communiste, y compris sous l’avatar Front de gauche et Mélenchon », votera Le Pen, « une grande première ». « Avec la curieuse certitude d’être encore du côté du peuple et de mes origines », assure-t-il.
Tempête sous les crânes
Mais pour nombre d’électeurs de M. Mélenchon, le choix est encore loin d’être tranché et l’heure est à la tempête sous les crânes. François M., 29 ans, bibliothécaire à Paris, se dit « tiraillé par des sentiments contraires ». Comédien de 37 ans à Oullins (Rhône), Benoît L., qui s’interroge « sur la pertinence même du front républicain », se « laisse le temps de discuter, d’écouter, de lire ». Avec une « ligne de conduite » : « Quelle est la meilleure manière de barrer durablement la route à l’extrême droite ? »
Dans ce contexte, l’absence de consigne de vote de Jean-Luc Mélenchon, certains la comprennent et la soutiennent, d’autres la trouvent « inacceptable ». « Ne pas faire la différence entre un républicain, même de droite, et l’extrême droite… Serait-il devenu un irresponsable, ou l’allié (…) de Marine Le Pen ? », s’emporte Gérard C., qui dit regretter son vote pour M. Mélenchon et fera barrage au FN. Gilles M. y voit une « erreur politique et morale ». Au contraire, Valentin P., 24 ans, comme plusieurs autres, « remercie » le candidat « d’estimer que [s]a voix [lui] appartient ».
Camille Bordenet
Journaliste au Monde
* LE MONDE | 26.04.2017 à 14h52 • Mis à jour le 26.04.2017 à 20h09 :
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/26/macron-a-contrec-ur-vote-blanc-ou-le-pen-pour-le-choc-les-electeurs-de-melenchon-tirailles_5117940_4854003.html
La France insoumise : « Pas une voix ne doit aller au FN », estime Alexis Corbière
Les représentants du mouvement de Jean-Luc Mélenchon ont réuni la presse mercredi pour préciser leur position concernant le second tour.
La conférence de presse de la clarification. Critiqués à droite et à gauche pour ne pas avoir pris position pour le second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, les représentants de La France insoumise ont réuni la presse, mercredi 26 avril, pour préciser leur position.
Pour le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière, « il est clair qu’à aucun moment le choix du Front national n’est posé. Il s’agit de notre ADN politique. Pas une voix ne doit aller vers le FN, pas une ». Il a également évoqué la consultation lancée mardi soir par La France insoumise auprès des 440 000 personnes qui ont « appuyé » la candidature de M. Mélenchon à l’élection présidentielle.
« Parmi les trois options (vote Macron, vote blanc ou abstention), il n’y en a aucune qui soit immorale », a défendu M. Corbière. Et, selon lui, les électeurs de La France insoumise qui s’apprêtent à voter pour la candidate d’extrême droite au second tour sont « minoritaires » :
« Ils ont tort, personne ne doit voter Front national. Ils ne le doivent pas. Cette option n’existe pas, du moins nous sommes en radical désaccord avec l’idée que ce soit une option. »
Les représentants de La France insoumise n’appellent pas non plus à l’abstention. « Ce n’est pas une option que l’on privilégie à titre personnel, car la révolution citoyenne passe par le vote, mais c’est une option que l’on respecte », a avancé Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon. Et, concernant la position de ce dernier pour le second tour, il « ne dira pas pour qui il va voter », a annoncé M. Bompard.
« Un vieux monde est mort »
Les représentants du mouvement de la gauche radicale se sont également félicités d’avoir « fait concrètement reculer le FN » au cours de cette campagne. « Nous avons fait déjouer le scénario d’un FN à parfois 28 %, a affirmé Alexis Corbière. Nous avons mobilisé des gens qui ne votaient plus, notamment dans les quartiers populaires. Nous sommes fiers de ce bilan. »
Et, concernant l’analyse des résultats du premier tour, le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon estime qu’une « vieille scène politique est morte, un vieux monde est mort ».
« La seule force politique humaniste, c’est nous. C’est l’événement fondamental. C’est un tournant historique dans l’histoire politique de la France. »
De son côté, Charlotte Girard a estimé que « cet entre-deux-tours met en scène le scénario idéal pour l’oligarchie, avec d’un côté Emmanuel Macron, l’élu d’avance, versus Marine Le Pen, l’épouvantail ».
Et l’élection le 7 mai du candidat d’En marche ! ou de celle du Front national « ne réglera rien des grandes problématiques que nous avons mises en lumière », a regretté la coresponsable de l’élaboration du programme de La France insoumise.
* LE MONDE | 26.04.2017 à 13h36 • Mis à jour le 26.04.2017 à 16h55 :
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/26/pour-alexis-corbiere-la-france-insoumise-pas-une-voix-ne-doit-aller-au-front-national_5117898_4854003.html
A Lille, les partisans de Mélenchon entre barrage au FN et abstention
Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête à Lille lors du premier tour de la présidentielle. Ses partisans, eux, réagissaient dimanche soir à l’absence de consigne de leur candidat.
« Allez, s’il te plaît, appelle à voter Macron. » Debout, bière à la main, un homme sermonne la télévision sans avoir pris le temps d’ôter son manteau. Il est 22 heures et quelques miettes à La Boulangerie, dimanche 23 avril. Les fumeurs sont rentrés promptement dans le bar lillois, ajoutant leur dépit aux grimaces se tenant déjà les coudes au comptoir. La pression ambrée ne coule plus, suspendue à la voix du favori de ses habitués. « Le voilà ! » Jean-Luc Mélenchon prend la parole.
Arrivé en tête du premier tour de la présidentielle à Lille, avec près de 30 % des suffrages, il termine quatrième au niveau national. Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteront au second tour pour prendre la tête du pays. Alors, le leader de La France insoumise appellera-t-il à faire barrage au Front national ? Son discours s’achève, sans consigne de vote.
La colère réveille les accents du Nord alors que le visage de Jean-Luc Mélenchon s’efface de l’écran télévisé. « C’est grave, fallait qu’il le fasse ! », gronde l’homme au manteau. « Pas moyen », peste Marie à grands coups de « ni peste ni choléra ». A 26 ans, l’assistante sociale en a déjà bien assez de « cette histoire de faire barrage ». Elle s’abstiendra.
Pas « ce jeu-là »
Il faut la suivre, Marie, et oser l’affronter. Comme si elle avait attendu ce débat depuis toujours, elle débite son raisonnement à tout berzingue. Derrière de lourdes lunettes, ses yeux clairs étincellent de défi envers quiconque s’avisera de penser qu’elle devrait se sentir coupable. La jeune Lilloise a eu le temps de répéter dans les coulisses familiales, affûtant ses arguments depuis quinze ans. Depuis le traumatisme paternel de 2002.
Elle raconte ce père de gauche, qui ne se remet pas d’avoir voté à l’époque pour « un petit » au premier tour, et se répète que « s’il avait voté Jospin, peut-être… » Peut-être que sa voix aurait empêché un second tour entre Le Pen (père) et Chirac. Depuis, il vote « utile », souvent, et répète à sa fille qu’elle ne peut pas comprendre. Qu’elle n’a pas vécu le FN au second tour. « Eh ben si, ça y est », lâche Marie, un rien bravache. « N’empêche », elle n’entrera pas dans « ce jeu-là ». Rien, pas même la présence du parti d’extrême droite, ne la poussera à voter « pour quelqu’un qui ne [lui] correspond pas ».
« Sauf qu’il y a quelqu’un qui ne te correspond pas, et quelqu’un qui ne te correspond vraiment, vraiment pas. » Au bout de la longue tablée – quatre « insoumis », quatre abstentionnistes, et un saucisson offert par le patron –, une petite voix fluette s’aventure à l’interrompre. Anna Duvauchelle est la future colocataire de Marie. A 20 ans, l’étudiante en paysage vit sa première présidentielle « d’adulte ». Elle votera Emmanuel Macron dans quinze jours, sans ciller. Et sans hésiter. « C’est le petit truc que je peux faire, pour être utile. Pour éviter le pire. »
« Je vais en faire de l’urticaire »
« Devoir citoyen, vote contestataire… Appelez ça comme vous voulez », résume Fethi Guennadi, 39 ans, le gérant du bar. Après avoir soutenu Jean-Luc Mélenchon, lui aussi ira voter Emmanuel Macron. Il écoute calmement ceux qui hésitent. Ceux qui lui expliquent que, même si elle passe, « après tout », Marine Le Pen ne pourra pas faire tout ce qu’elle annonce – « Regarde Trump ». Ceux qui comptent sur les législatives, « derrière ». Fethi Guennadi les laisse aller au bout de leur pensée en souriant. Au premier silence, il assène que « la logique n’est pas là ». Pour lui, une victoire du FN lâchera une violence « qu’on n’imagine même pas chez les gens ».
« Tous ceux qui votent Le Pen et qui ne le disent pas encore vont sortir et dire : “On est chez nous, maintenant on a le droit, on va casser du bougnoule”. »
Amandine Locquet acquiesce. Elle n’a besoin d’aucun appel pour savoir qu’elle ne s’abstiendra pas, dans deux semaines. « C’est horrible, je vais voter Macron. Je vais en faire de l’urticaire », glisse l’étudiante en sociologie à son amie. Elles s’étaient donné rendez-vous à La Boulangerie, pour « célébrer la victoire attendue », comme l’avait écrit le bar sur son événement Facebook. « Ah, ben regarde qui m’appelle… » Les joues rosies par la deuxième tournée, levée aux « cinq années de merde qui nous attendent », l’amie d’Amandine Locquet brandit son téléphone, avant de le ranger, sans répondre, dans sa poche. C’était sa sœur. « Elle veut sûrement jubiler, elle a voté Macron. » Elle aussi le fera au second tour, parce que « oh là là Le Pen ». Mais dimanche soir, elle n’avait le courage d’entendre personne crier victoire.
La consultation des militants de La France insoumise pour le second tour
Quand la consultation des militants aura-t-elle lieu ?
Selon Eric Coquerel, coordinateur du Parti de gauche, la consultation des sympathisants de Jean-Luc Mélenchon commencera mardi et sera rendue publique « en fin de semaine », probablement vendredi.
Cette consultation a-t-elle valeur de consigne de vote ?
Elle n’est en tout cas pas envisagée ainsi par les responsables du mouvement. « C’est un avis qui sera demandé, ce n’est pas une consigne mais le positionnement des insoumis », précise Eric Coquerel.
Quels sont les choix possibles ?
Plusieurs options seront possibles sauf « une pour des raisons que chacun comprendra : pas une voix pour le FN », indique M. Coquerel. La formulation n’est pas encore finalisée mais dimanche plusieurs choix étaient évoqués : voter pour Emmanuel Macron, voter blanc, s’abstenir ou ne pas donner de consigne de vote.
Qui pourra participer ?
Pourront participer les 440 000 internautes qui ont « appuyé » la candidature de M. Mélenchon sur sa plate-forme Internet, jlm2017.fr. Une adhésion qui se faisait d’un simple clic, en laissant ses coordonnées, sans cotisation ni engagement sur la durée.
Lucie Soullier (Lille, envoyée spéciale)
Journaliste au Monde
* LE MONDE | 24.04.2017 à 16h55 • Mis à jour le 25.04.2017 à 09h47 :
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/24/a-lille-les-partisans-de-melenchon-entre-barrage-au-fn-et-abstention_5116688_4854003.html