Universitaire agrégé de droit public, directeur depuis plusieurs années de la prestigieuse école de commerce ’’Essec’’, Jean-Michel Blanquer a mené en effet une carrière éclair dans la haute hiérarchie de l’Education nationale. De 2004 à 2012, il a été recteur de Guyane, directeur adjoint de cabinet au ministère de l’Education nationale, recteur de l’académie de Créteil, et enfin DGESCO (directeur général de l’enseignement scolaire). Il n’a jamais été immergé dans différentes strates de l’Education nationale, contrairement à son successeur Jean-Paul Delahaye (d’abord professeur dans un collège, puis IEN, directeur d’école normale, inspecteur d’académie, inspecteur général et finalement DGESCO). On voit la différence. Et pas la ’’société civile’’ (pour autant que cela peut avoir un sens quelque peu précis).
C’est sans doute surtout l’effet d’un choix ’’petit bras’’ (au moins pour le moment) du nouveau président de la République en matière de politique scolaire. On en a quelques indices. Durant l’entre-deux-tours, « le chantier de l’éducation et de la culture » a rétrogradé de la première à la deuxième place dans les tracts d’Emmanuel Macron. Dans l’ordre protocolaire de la liste de la composition du gouvernement, le ministère de l’Education nationale est passé de la troisième place (en ne comptant pas le Premier ministre) à la onzième (sur 17).
Par ailleurs, le périmètre du ministère de l’Education nationale ne comprend plus les enseignements supérieurs. Or, si l’on veut mettre sérieusement en place la réforme des baccalauréats (et des entrées dans les enseignements supérieurs) esquissée dans le programme d’Emmanuel Macron, il faut l’inscrire dans une réflexion et des décisions concernant l’ensemble des années scolaires ou universitaires allant de bac- 3 à bac +3. Et le mieux, alors, est qu’il y ait un ministère de l’Education nationale incluant les enseignement supérieurs. Et le mieux aurait été le choix d’un politique qui s’est tout particulièrement préparé à cette perspective, à savoir Benoist Apparu.
A cet égard, le choix de Jean-Michel Blanquer apparaît comme un ’’choix par défaut’’, politique, (mais pas de ’’société civile’’). Certes Jean-Michel Blanquer s’est déjà prononcé publiquement pour un baccalauréat resserré sur quatre épreuves. Mais il n’est pas allé au-delà. Or le projet présidentiel d’Emmanuel Macron allait bien au-delà potentiellement (même s’il était - ou est – encore à débroussailler)
Lors de la présentation de son programme, le 2 mars dernier, le candidat d’« En marche ! » a proposé un baccalauréat avec seulement 4 épreuves obligatoires, le reste étant composé d’un contrôle continu, en évoquant sa volonté de réduire le coût de l’examen jugé trop important à cause du nombre des épreuves .
Sur le site d’« En marche ! » (même si la proposition est identique) il s’agissait « au lycée, de revoir la forme du baccalauréat (4 matières obligatoires à l’examen final et le reste en contrôle continu) afin de rendre possible de nouvelles formes d’organisation du temps scolaire et de nouveaux parcours, qui prépareront mieux à la poursuite d’études et à l’insertion professionnelle ».
Il s’agissait aussi de « libérer » les universités : la possibilité d’afficher des prérequis à l’entrée de la licence (alors que la sélection est aujourd’hui exclue, en principe, à l’entrée du premier cycle universitaire) : « Pour une licence en sciences, ces prérequis pourront être des acquis minimaux en mathématiques, en sciences physiques ou en sciences de la vie et de la terre. Un lycéen ne disposant pas de ces prérequis pourra s’inscrire après avoir comblé ses lacunes, par des cours d’été ou par la validation de modules universitaires. ». Quid ? A plus tard ?
Claude Lelièvre
Historien de l’éducation