Emmanuel Macron est libéral. Son projet est de transformer en profondeur la société française en misant sur la liberté de l’individu qui va, selon lui, de pair avec sa responsabilité.
Lorsqu’il a commencé à émerger sous la présidence de François Hollande, les socialistes l’ont banni en l’accusant de vouloir mettre à bas les acquis sociaux. La droite n’a pas voulu le prendre au sérieux, en lui reprochant de ne pas aller assez loin dans le démantèlement du modèle social français.
Seuls les libéraux, ceux qui avaient tenté de faire vivre l’héritage de Valéry Giscard d’Estaing après l’échec de 1981, l’ont tout de suite applaudi. Emmanuel Macron était des leurs, il était celui qui allait réhabiliter le libéralisme en France. Enfin !
Mais ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que cette réhabilitation se ferait sous les traits du bonapartisme, soit l’exacte antithèse de leur philosophie politique. Car, politiquement, le libéralisme revendique la limitation du pouvoir du souverain.
Or, c’est tout le contraire qui se produit depuis qu’Emmanuel Macron a remporté la présidentielle. Depuis sa victoire, le 7 mai, face à Marine Le Pen, sa prise de pouvoir ressemble à une marche consulaire. De lui tout découle, rien ne lui résiste. A 39 ans, il s’est glissé avec une facilité déconcertante dans les habits du monarque républicain.
Phase autoritaire
Puis, il a recomposé à sa façon la majorité parlementaire qui, au terme des élections législatives, s’est révélée non seulement boursouflée mais entièrement à sa main puisque c’est sur son effigie que les candidats de La République en marche (LRM) se sont fait élire.
Dans la foulée, il a remanié son gouvernement en éliminant, au nom de la moralisation de la vie politique, les gêneurs qui, à l’instar de François Bayrou, prétendaient cogérer avec lui.
Enfin, il a désigné celui qui allait diriger le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale : Richard Ferrand, son fidèle, son grognard, contre lequel personne n’a osé se présenter, ce qui aurait permis de simuler un semblant de liberté et rappeler qu’en temps normal ce sont les députés qui élisent leur patron.
La presse vit quant à elle des heures difficiles, non qu’elle soit muselée mais parce qu’elle est à peine informée, ce qui est une autre façon de la contenir.
Depuis la rue de Solférino où le Parti socialiste se meurt, Jean-Christophe Cambadélis qualifie cette nouvelle ère de « bonapartisme social-libéral ». Le patron du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, n’est pas loin de partager cette analyse puisque, se souvenant de Montesquieu, il invoque la nécessaire « séparation des pouvoirs » pour donner à l’opposition une petite chance d’exister.
Comme personne n’avait anticipé que le macronisme ressemblerait à cela, tout le monde se perd en conjectures : cette phase autoritaire est-elle un épisode transitoire destiné à imposer le libéralisme aux récalcitrants ou un état appelé à durer ? A voir la mine déterminée du premier consul, le doute est permis.
Françoise Fressoz (éditorialiste au « Monde »)