Assassinats et terrorismes islamophobes
Les attaques les plus choquantes ont été par exemple perpétrées par des individus au volant de voitures béliers ciblant des lieux de cultes musulmans et des fidèles. A la mi juin, une camionnette a foncé sur des passants à la sortie d’une mosquée au Nord de Londres, tuant un individu et en blessant au moins dix. L’auteur de l’acte terroriste avait hurlé avant de faucher les passants qu’il voulait « tuer tous les musulmans ». En France, le 30 juin, un homme à bord d’un 4×4 a tenté de foncer sur la mosquée de Créteil, mais grâce à des barrières de protection, il n’a pas pu atteindre son but évitant le pire. Ce n’était pas la première attaques contre la mosquée. Après les attentats du 13 novembre 2015 [1], à l’heure de la première prière, des fidèles avaient découvert une dizaine de croix et marques réalisées à la peinture rouge sang, sur le sol, les murs et des panneaux.
Aux Etats-Unis, à la mi-juin, Nabra Hassanen, une jeune musulmane de 17 ans, a été assassiné à coups de barre de fer par un homme de 22 ans alors qu’elle sortait de la mosquée All Dulles Area Muslim Society pour rentrer chez elle. Un mois auparavant, deux hommes dans la ville de Portland avaient été poignardés à mort par un homme dans un train après avoir voulu défendre deux jeunes filles musulmanes qui se faisaient harceler. Ce genre de crimes et actes violents n’ont cessé d’augmenter depuis l’arrivée au pouvoir du président Donald Trump, dont les discours haineux et ses politiques discriminatoires semblent légitimer ce type d’acte.
Islamophobie niée !
Les autorités étatiques parfois nient le caractère islamophobe des ces attaques. Le ministre de l’Intérieur en France, Gérard Collomb, a par exemple indiqué que les « motivations exactes » de l’auteur de l’attaque contre la mosquée de Créteil devraient être déterminées par l’enquête, tandis que la police a déclaré que l’auteur du crime souffre de troubles psychologiques, tout en sachant que l’homme a fait « référence aux attentats » qui ont touché la France. Le Collectif contre l’islamophobie en France a d’ailleurs regretté « l’euphémisation de ces agissements terroristes ». « La qualification d’attentat ou de tentative d’attentat terroriste échoit-elle uniquement aux groupes violents se prétendant de référence islamique ? », interroge le CCIF. [2]
De manière similaire en Angleterre, récemment, lors d’une attaque à l’acide contre deux personnes de confession musulmane, la police a déclaré qu’il n’y avait pas de motivation raciste, même si l’agresseur sur les réseaux sociaux affichait publiquement ses sympathies pour des mouvements d’extrême droite et pronazis. D’autres attaques à caractères islamophobes ont également lieu comme le meurtre d’un homme de confession musulmane, Muhsin Ahmed agé de 81 ans, [3] par deux jeunes personnes qui l’ont poignardé à plusieurs reprises ou l’assassinat par un néo Nazi de Mohammed Saleem, agé de 82 ans. [4]
Même si le caractère islamophobe de certaines de ces attaques par les autorités est niées, elle ne peut cacher une réalité de plus en plus hostile aux populations musulmanes. En Angleterre, le nombre d’attaques islamophobes a en effet été multiplié par cinq au lendemain de l’attentat suicide à l’aréna de Manchester le 22 mai. Entre mars 2016 et mars 2017, il y a eu 143 920 Tweets anti-musulmans ou anti-islamiques envoyés depuis le Royaume-Uni – c’est une moyenne de 393 par jour. D’autres études montrent que les personnes de confession musulmanes sont généralement payées 13-21 % de moins que d’autres ayant des qualifications égales, tandis que les demandeurs d’emploi musulmans étaient trois fois moins susceptibles d’être offerts une entrevue. [5]
Aux Etats Unis, selon un rapport de 2017, entre 2014 et 2016 les incidents antimusulmans ont grimpés de 65% – et, durant la même période, les crimes racistes ciblant des musulmans ont augmenté de 584%.
Les médias dominants contribuent souvent à la diabolisation des musulmans. Une étude aux Etats Unis a d’ailleurs montré “lorsque l’agresseur est musulman, vous pouvez vous attendre à ce que cette attaque recevra environ quatre fois et demi plus de couverture médiatique que si l’auteur n’était pas musulman”.
Extreme droite… mais pas seulement
Ces attaques islamophobes s’inscrivent dans des atmosphères politiques toujours plus agressives et hostiles contre les populations musulmanes, tandis que les mouvements fascistes et d’extrême droite se mobilisent toujours davantage sur ces questions.
En Angleterre, deux groupes fascistes (Britain First et l’English Defense League (EDL) ont d’ailleurs multiplié les agressions islamophobes.. Les dirigeants de Britain Frist sont d’ailleurs interdits de se rendre à toutes les mosquées après une série de tentatives d’intimidation des musulmans dans leurs lieux de culte. De l’autre côté, le chef de l’EDL, Tommy Robinson, a récemment appelé à la formation de « milices » pour « régler » la question de l’islam en Grande-Bretagne. Une manifestation organisée par l’EDL a d’ailleurs rassemblé 1000 personnes à Manchester en juin et plusieurs attaques racistes ont été perpétrées par les manifestants durant la marche, par exemple contres des individus Sikhs qui faisaient une collecte d’habits pour des sans-abris. Dans la semaine qui a suivi l’incendie de la Grenfell Tower, alors que des membres d’une mosquée de Londres recueillaient des dons pour les victimes, quelques membres de ces partis nauséabonds ont manifesté proche du bâtiment en hurlant des slogans du type : “Ce sont tous des terroristes musulmans”.
Le gouvernement britannique de son côté stigmatise les personnes de confessions musulmanes par différentes politiques notamment dîtes « sécuritaires » comme le programme « Prevent » qui a commencé à s’appliquer en 2005. Le programme sécuritaire « Prevent », remodelé par les Conservateurs en 2011, mais lancé tout d’abord par le New Labour de Tony Blair en 2007, a pour objectif de « lutter contre le terrorisme » et « l’extrémisme ». Ce programme permet aux autorités britanniques de mettre sous surveillances tout personne étant en désaccord avec la politique gouvernementale et les actions de l’Etat britannique, comme par exemple opposition aux guerres en Iraq et en Afghanistan, et les bombardements de la Lybie ou bien le soutien à la cause palestinienne, et des « valeurs fondamentales britanniques ». Les étudiant-es musulman-es, ont été particulièrement visé dans cette campagne. Le programme « Prevent » demandait aussi aux enseignant-es de dénoncer les signes « de radicalisations » des jeunes musulmans… Selon une étude récente publiée 2017, la grande majorité d’enseignant-es et employés scolaires ont affirmé leur préoccupation par la stigmatisation des étudiants musulmans dans la stratégie du programme « Prevent » et au contraire sape les efforts d’inclusion dans les écoles, tout en étant inefficace contre l’extrémisme religieux. [6]
Aux Etats Unis, le problème ne s’arrête pas simplement à l’administration américaine actuelle, mais est beaucoup plus profond. D’ailleurs le 26 juin, les juges de la Cour suprême des États-Unis ont voté dans leur totalité pour réintroduire l’interdiction d’entrée aux personnes de confessions musulmanes de six pays (l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie, et le Yémen), avec une exception que l’interdiction de voyager « ne peut être appliquée contre des ressortissants étrangers qui ont une revendication crédible d’une relation de bonne foi avec une personne ou une entité aux États-Unis », tels ceux qui ont des membres de leur famille, des liens professionnels ou académiques aux États-Unis. Toutefois, la Cour suprême a statué que l’interdiction pouvait être appliquée à l’égard de tous les « autres ressortissants étrangers ». La décision étant laissé aux autorités américaines et dès lors soumis un arbitraire total…
Trump d’ailleurs s’est rapidement réjoui sur Twitter en publiant : « Très reconnaissant quant à la décision 9 à 0 de la Cour suprême des États-Unis. Nous devons garder l’Amérique EN SÉCURITÉ ! ». Pour rappel, au cours de sa campagne présidentielle de 2016, Trump avait déclaré qu’il imposerait un « arrêt total et entier de l’entrée des musulmans aux États-Unis » ou qu’il fallait procéder à un « filtrage extrême » des musulmans.
La décision unanime, prononcée « per curiam », c’est-à-dire sommairement par l’ensemble de la Cour, repose sur le « besoin impérieux de voir à la sécurité nationale ». La légalité de l’ensemble de l’ordonnance présidentielle sera examinée par la Cour suprême à l’automne – si elle est toujours controversée, sa validité étant prévue pour 90 jours.
La complicité des juges nommés par le parti démocrate démontre que ces politiques islamophobes ne s’arrêtent pas à Trump ou aux républicains. Le Parti démocrate a d’ailleurs refusé de faire quelque campagne publique d’importance que ce soit contre Trump sur cette question au cours des six derniers mois. L’administration Trump s’était d’ailleurs inspirée par la liste effectuée pour “le Muslim Ban” des “pays à risques” par l’administration précédente présidée par Obama.
En France, lors de son rapport annuel pour l’année 2016, les dirigeants du CCIF en France avaient accusé à nouveau l’Etat français et les pouvoirs publics de participer, par leur action, à la diffusion de l’islamophobie. La mise en œuvre de l’état d’urgence et plus largement la politique antiterroriste conduite depuis 2015 aurait conduit selon le CCIF à « l’émergence d’une islamophobie sécuritaire ». [7]
Ni RacismeS ! Ni Fondamentalisme religieux !
Ces nouvelles explosions d’actes islamophobes ne se limitent pas à une simple réaction aux attentats terroristes de Daesh comme les médias dominants et gouvernements le disent, mais sont surtout le résultat de propagandes et de politiques sécuritaires, autoritaires et islamophobes de ces gouvernements. Les populations musulmanes ont été diabolisées et présentées comme une menace pour les pays occidentaux, targuées de mettre en danger « notre mode de vie occidental » et nos « libertés ». N’oublions pas que Daesh et consorts se nourrissent d’ailleurs également en partie des politiques racistes, antisociales et impérialistes des gouvernements occidentaux.
Luttons à la fois contre toutes les formes de racismes et de fondamentalismes religieux. Luttons pour une alternative socialiste et inclusive pour et par toutes et tous sans discriminations aucune.
Joseph Daher, 5 juillet, 2017