Nous avons reçu deux appels à la solidarité après le passage, le 23 décembre dernier, du typhon Temblin/Vinta [1], puis un troisième alertant sur les conséquences des conflits armés [2]. Nous les avons soutenus puis, le 7 janvier, nous avons lancé notre propre appel international à la solidarité financière en prenant en compte l’ensemble des causes de l’état de crise humanitaire et toutes ses victimes [3]. Cette campagne prolonge celle que nous avions menée en 2017 en soutien aux familles ayant dû fuir dans l’urgence, en mai, la ville de Marawi du fait de la violence des combats entre l’armée et les groupes djihadistes.
Depuis décembre, nous avons transféré aux Philippines 10300 € dont 3300 via la coalition Mihands et 7000 € via l’association Tripod [4].
Mihands [5] et Tripod remercient les donatrices et donateurs. Dans cette première période, les fonds reçus ont largement contribué à développer les activités initiales sans lesquelles il est impossible d’intervenir efficacement : distributions de l’aide dans les zones les plus faciles d’accès, mais aussi réunions de coordination, enquêtes et collectes d’information, lobbying auprès des agences gouvernementales, campagnes de solidarité aux Philippines même (dons en nature ou en argent), etc. Progressivement, les activités passeront à une étape suivante, avec l’auto-organisation des communautés pour qu’elles soient à même de reprendre le contrôle de leur présent et de leur avenir, quand ce n’est pas déjà le cas.
Les réseaux militants auxquels nous apportons notre soutien sont engagés dans l’aide humanitaire et la protection des victimes sur un vaste territoire au nord et au centre de Mindanao. Toutes leurs forces sont mobilisées pour faire face à un état de crise d’une ampleur exceptionnelle. Ils n’ont pas la disponibilité requise pour faire un bilan d’ensemble de la situation et de leur action. Nous avons cependant reçu un certain nombre d’informations que nous résumons ici.
Ils interviennent notamment dans les provinces Lanao (nord et sud), la péninsule de Zamboanga, Maguindano, Cotabao Nord, Sultan Kudarat.
La réponse au typhon Temblin/Vinta et les populations déplacées
Il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences matérielles et humaines du typhon, car l’état des routes ne permet pas d’accéder à nombre de localités et les municipalités manquent d’engins adéquats pour les dégager (arbres…) et les réparer (crevasses…) - pour opérer dans l’arrière-pays, ces engins doivent être légers, de petite taille. Dans une même zone, les dégâts peuvent être très différents s’il y a eu, ou pas, un glissement de terrain. Les destructions concernent notamment les infrastructures, les terres agricoles et l’aquaculture, les habitations, les équipements et services (eau, électricité…), les biens, etc.
Dans la province de Lanao de Norte [6], dès la fin décembre, de l’aide d’urgence a été fournie à des villages de paysans et pêcheurs (nourriture, vêtements, produits d’hygiène…) via les mouvements sociaux locaux (DKMP et LAFCCOD), puis une évaluation des besoins médicaux a été menée. Une équipe médicale est intervenue pendant trois jours avec 14 volontaires dans la municipalité de Lala avec leur partenaire « santé », NADA Philippines (dans un site informel d’évacuation et dans une localité). Il a, comme d’habitude, fallu convaincre les survivant.e.s du typhon de l’efficacité des traitements alternatifs (acuponcture…) et de la façon dont la communauté elle-même pouvait à l’avenir se les approprier. Les résultats de cette mission sont jugés très positifs sur divers plans : maladies physiques, traumas psychologiques et états dépressifs... Cinq volontaires se sont engagés à animer sur place un Centre médical alternatif de Mihands pour assurer le suivi.
Mihands est sollicité pour envoyer des missions médicales ailleurs, à Lanao del Sur dans un centre d’évacuation et à l’Université d’Etat de Mindanao, dans la cité de Marawi.
Mihands coordonne ses activités avec les autorités locales et les agences concernées afin qu’elles soient incluses dans le bilan général des activités humanitaires. Le type de désastre provoqué par le typhon est assez inhabituel à Lanao (inondations massives dans l’arrière-pays, crues soudaines des rivières…) et les unités gouvernementales locales comme les associations de terrain doivent apprendre à y répondre efficacement.
Les conflits militaires et les communautés montagnardes
La multiplication des conflits militaires affecte tous particulièrement les lumads - les tribus ou groupes ethnolinguistiques montagnards [7]. Des forces armées de toutes natures occupent régulièrement leurs territoires pour y chercher refuge, pour opérer à partir des hauteurs dans plusieurs provinces avoisinantes, pour ouvrir leur accès à des lobbies économiques… L’imposition de la loi martiale ne fait qu’aggraver la situation des peuples indigènes [8]. Le gouvernement les accuse de servir de base d’appui à la guérilla du PCP (la Nouvelle Armée du Peuple - NPA) et Duterte a été jusqu’à menacer de faire bombarder leurs écoles par mesure de rétorsion [9]. En fait, les lumads ont leur propre gouvernance interne [10], affichée ou secrète, et visent avant tout à protéger leurs communautés des exactions, à préserver leurs domaines ancestraux, à éviter d’être chassés de leurs terres et forêts au risque de se retrouver pauvres parmi les pauvres urbains (ce qui signifie leur mort culturelle).). Si leurs territoires sont devenus des zones de guerre, ce n’est pas de leur fait [11]. Ils souffrent d’un long passé de de colonialisme, d’exclusion, de marginalisation et de dépossession. Ils ne font, en règle générale, que défendre leurs droits.
Le 24 décembre 2017, les BIFF ont attaqué au mortier des communautés lumads dans la province de Maguindanao [12]. Les Combattants de libération islamique Bangsamoro (Bangsamoro Islamic Freedom Fighters - BIFF) sont une fraction plus ou moins autonome du MILF – ce dernier est actuellement en négociation avec le gouvernement pour conclure un accord sur la création d’une entité administrative moro. Les BIFF ont voulu se positionner dans la zone du Mt Firis [13] à l’occasion d’un violent conflit avec l’armée.
Le 9 janvier, Mihands et Tripod ont évalué la situation dans la zone Maguindanao-Cotabato touchée et ont lancé un appel à la solidarité. 61 maisons de lumads ont été brûlées, au moins 7 personnes tuées et le contact a été établi avec 203 familles déplacées (mais il n’a pas encore été possible de se rendre dans la majorité des localités affectées). Le travail d’investigation se poursuivait. Les communautés montagnardes concernées sont les Teduray, Lambagnians et Manobo Arumanon ; il y a aussi parmi les personnes déplacées des moros musulmans et des chrétiens.
Dans les provinces de Cotabato (nord et sud), les lumads sont menacés par les combats entre la guérilla du PCP, les forces gouvernementales, les groupes paramilitaires des grandes entreprises. Un membre de Conseil IPVoice (La Voix des peuples indigènes [14].) a été tué en Arakan. IPVoice a organisé un rituel auquel ont participé 21 tribus montagnardes et veulent engager, début février, un dialogue avec l’armée et le PCP-NDF-NPA.
On peut espérer que certaines zones au moins soient protégées des multiples conflits armés qui contribuent à alimenter la crise humanitaire (déplacements forcés de population, destruction de leurs biens et leurs ressources…), mais le sort des familles qui ont fui les combats dans la cité musulmane de Marawi montre que les stigmates de la guerre ne disparaissent pas naturellement. La bataille de Marawi a duré 5 mois (mai-octobre 2017), mais la plupart d’entre elles n’ont pas encore pu retourner vivre à Marawi - et elles subissent maintenant les contrecoups du typhon Temblin/Vinta.
Soutenir l’activité des réseaux militants
Répondre à la crise humanitaire ne se conçoit que dans la durée. Elle exige un combat constant pour une paix durable, comme celui que poursuit le Mouvement pour la Paix des Peuples de Mindanao (Mindanao Peoples’ Peace Movement - MPPM [15]) et donc une coordination effective entre les organisations qui interviennent sur un ensemble de terrains : réponse aux catastrophes plus ou moins naturelles, défense des droits des communautés et des populations sinistrées, protection face aux conflits militaires, engagement dans la réhabilitation et la reconstruction au-delà de l’urgence, soutien à l’auto-organisation des victimes et respect de leurs décisions....
Le fonctionnement en réseaux reliant des dizaines d’associations de terrain permet de conjuguer les efforts, échanger les savoir-faire, créer des passerelles entre mouvements, couvrir une vaste région, s’entre-aider pour maintenir l’action sur le long terme. C’est pourquoi ESSF appuie ces réseaux (en l’occurrence Mihands), plutôt que de se contenter de financer des projets très spécifiques (ce qui peut évidemment être aussi très utile). A Mindanao, ces associations interviennent dans des conditions éprouvantes et dangereuses. Nous tenons à saluer ici la qualité de leur engagement.
Pierre Rousset
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Nous vous tenons régulièrement informés via notre site de la situation et de l’utilisation du fonds de solidarité.