Enjeu diplomatique
La Corée du Nord, enjeu diplomatique des JO de Pyeongchang
La participation d’athlètes nord-coréens soulève le timide espoir d’un dialogue durable entre les deux Corées, sans faire oublier les vives tensions en Asie de l’Est.
La participation de la Corée du Nord aux Jeux olympiques de Pyeongchang fait déjà de l’événement un certain succès. Elle soulève le timide espoir d’un dialogue durable, sans faire oublier les vives tensions en Asie de l’Est. Evoquée par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un dans son discours du Nouvel An, la participation d’une délégation de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC) a été confirmée le 9 janvier lors d’une rencontre intercoréenne.
Depuis, les deux voisins ont décidé de faire défiler leurs délégations sous la bannière de la réunification lors de la cérémonie d’ouverture du 9 février, ce qui n’était pas arrivé depuis les Jeux d’hiver asiatiques de Chongchun (Chine) en 2007, au crépuscule de la politique dite du « rayon de soleil » qui avait fait régner un climat de détente dans la péninsule.
PLUSIEURS ÉVÉNEMENTS CULTURELS, DONT DES DÉMONSTRATIONS DE TAEKWONDO ET DES CONCERTS DE GROUPES DU NORD, SONT PRÉVUS AVANT LE DÉBUT DES JEUX
Au total, le Comité international olympique (CIO) a autorisé 22 athlètes du Nord, dont des hockeyeuses qui intègrent une équipe unifiée, à participer aux JO. Parmi eux, seuls deux, le couple de danse sur glace Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik, s’étaient qualifiés sportivement. La délégation sportive de 46 personnes sera entièrement financée par le CIO.
Les autres composantes de la délégation du Nord, notamment les « pom-pom girls » et un groupe d’artistes, devraient bénéficier de financements du gouvernement sud-coréen. Séoul et Pyongyang ont organisé un entraînement commun des skieurs des deux Corées, les 31 janvier et 1er février, en Corée du Nord. Plusieurs événements culturels, dont des démonstrations de taekwondo et des concerts de groupes du Nord, sont prévus avant le début des Jeux à Pyeongchang. La multiplication des événements ne saurait faire oublier le climat dans lequel cette embellie survient.
Défilé militaire d’ampleur
L’année 2017 reste marquée par quatre essais de missiles balistiques intercontinentaux et un essai nucléaire, présumé de bombe à hydrogène, par la Corée du Nord. Les invectives entre le président américain Donald Trump et le dirigeant de Pyongyang et le durcissement des sanctions économiques ont exacerbé les tensions et fait oublier les appels du président sud-coréen Moon Jae-in, élu en mai, à la relance d’un dialogue intercoréen, au point mort depuis 2007.
De ce fait, l’apparent réchauffement reste fragile. Désireux de consolider les bases d’un dialogue durable, Séoul doit aussi ménager l’allié américain. La Corée du Sud a obtenu de Washington le report d’importantes manœuvres annuelles conjointes qui devaient coïncider avec les JO. Elle affirme dans le même temps que l’alliance militaire reste indéfectible avec les Etats-Unis, dont l’objectif, réaffirmé le 26 janvier, à Hawaï, par le secrétaire à la défense, Jim Mattis, demeure « le maintien déterminé des pressions économiques pour dénucléariser la péninsule coréenne ».
LE FINANCEMENT DE LA DÉLÉGATION NORD-CORÉENNE SUSCITE DES DÉBATS AU SUD
De même, la Corée du Sud doit éviter d’agir en contradiction avec les sanctions onusiennes, qu’elle a appuyées. Le financement de la délégation nord-coréenne suscite des débats au Sud. Le gouverneur de la province du Gangwon (où se trouve Pyeongchang), Choi Moon-soon, par ailleurs très engagé en faveur de la participation du Nord aux JO, a proposé d’utiliser le fonds de coopération intercoréen, créé par le gouvernement en 1991 pour les échanges culturels et l’aide sociale. Mais les critiques redoutent de voir l’argent détourné par les autorités nord-coréennes au profit de ses programmes nucléaires et de développement de missiles.
Côté nord-coréen, le message d’ouverture pourrait être brouillé par l’organisation envisagée, le 8 février, jour de commémoration de la création de l’Armée du peuple, de ce que le ministre sud-coréen de l’unification, Cho Myoung-gyon, a qualifié, le 27 janvier, de défilé militaire d’une ampleur « menaçante », mobilisant « quasiment l’ensemble des forces et armements » de la RPDC. L’événement pourrait constituer un défi à la veille de l’ouverture des Jeux que le président Moon aimerait faire entrer dans l’histoire comme les « Jeux olympiques de la paix ».
Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
* LE MONDE | 08.02.2018 à 14h00 :
http://www.lemonde.fr/jeux-olympiques-pyeongchang-2018/article/2018/02/08/la-coree-du-nord-enjeu-diplomatique-des-jo-de-pyeongchang_5253826_5193626.html
Nouvelles sanctions
Avant l’ouverture des JO d’hiver, Washington annonce des sanctions contre Pyongyang
En visite au Japon et en Corée du Sud, Mike Pence cherche à rassurer et à recentrer les alliés américains sur la menace nucléaire grandissante de la Corée du Nord.
« Nous allons continuer à intensifier notre campagne de pression maximale tant que la Corée du Nord ne fera pas de pas concrets dans la direction d’une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible », a déclaré Mike Pence, le vice-président américain, le 7 février 2018, depuis Tokyo.
Avant l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver, vendredi 9 février, à Pyeongchang, en Corée du Sud, le vice-président américain, Mike Pence, a déclaré que les Etats-Unis s’apprêtaient à annoncer « les sanctions économiques les plus dures et les plus offensives jamais prises contre la Corée du Nord ».
M. Pence a fait cette déclaration, mercredi 7 février, aux côtés du premier ministre japonais, Shinzo Abe, à l’issue de discussions sur la menace nord-coréenne. Lors d’un voyage de six jours au Japon et en Corée du Sud, Pence cherche à rassurer et à recentrer les alliés américains sur la menace nucléaire grandissante de la Corée du Nord.
« Que le monde sache bien cela : nous allons continuer à intensifier notre campagne de pression maximale tant que la Corée du Nord ne fera pas de pas concrets dans la direction d’une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible. »
M. Abe, qui se rendra lui aussi à Pyeongchang pour les Jeux d’hiver, a réitéré que le Japon ne pourrait « jamais accepter une Corée du Nord équipée de l’arme nucléaire ».
« Nous ne permettrons pas à la propagande de la Corée du Nord de prendre en otage le message et l’image des Jeux olympiques », a aussi déclaré M. Pence alors que la Corée du Nord va participer aux compétitions au sein d’une délégation commune avec la Corée du Sud.
Kim Yo-jong, sœur de Kim Jong-un, sera présente
Kim Yo-jong, la sœur du dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, se rendra en Corée du Sud pour les Jeux olymiques d’hiver de Pyeongchang, a annoncé mercredi le ministère de l’unification sud-coréen.
Kim Yo-jong fera partie d’une délégation attendue vendredi au Sud et emmenée par le chef d’Etat honorifique de la Corée du Nord. La sœur du dirigeant nord-coréen, qui approcherait la trentaine, a été promue en octobre au bureau politique du Parti des travailleurs de Corée, l’instance de prise de décision présidée par son frère.
Lire aussi : Kim Jong-un, le dictateur le plus énigmatique de la planète
On l’a souvent vue accompagner son frère en « visite d’orientation sur le terrain » et elle était chargée des opérations de propagande du parti au pouvoir. Kim Jong-un et Kim Yo-jong sont nés de l’union de Kim Jong-il et de sa troisième conjointe, Ko Yong-hui, une ancienne danseuse.
Le Monde.fr avec AFP et AP
* Le Monde.fr | 07.02.2018 à 10h52 • Mis à jour le 07.02.2018 à 11h22 :
http://www.lemonde.fr/international/article/2018/02/07/avant-l-ouverture-des-jo-d-hiver-washington-annonce-des-sanctions-contre-pyongyang_5252988_3210.html
Les deux Corées amorcent une timide tentative de rapprochement
Analyse. Pour le journaliste du service international Philippe Pons, la reprise du dialogue intercoréen complexifie l’équation géostratégique en rappelant que l’avenir de la péninsule dépend aussi – sinon d’abord – des Coréens.
L’accalmie qui se dessine en Corée à la faveur des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, auxquels participera une équipe nord-coréenne, amorce-t-elle une détente durable, une fois éteints les feux de l’événement, ou bien la péninsule retombera-t-elle dans une tension non exempte de risques de conflit ? Les déclarations à Pyongyang et à Séoul donnent à penser que la première hypothèse n’est pas à exclure, les deux pays essayant de reprendre la main dans un jeu qui risque de les entraîner dans un nouveau conflit fratricide.nseil de sécurité de l’ONU salue la rencontre
Plus que le rétablissement des communications officielles intercoréennes, suspendues depuis deux ans et rétablies depuis le 9 janvier, c’est l’amorce d’une dynamique de rapprochement entre Pyongyang et Séoul qui peut faire évoluer la donne. Un tel rapprochement est, lui, interrompu depuis dix ans.
LES TENANTS DU RAPPROCHEMENT INTERCORÉEN CHERCHAIENT SURTOUT À CRÉER UN CLIMAT DE CONFIANCE AFIN DE DÉSAMORCER UNE HOSTILITÉ D’UN DEMI-SIÈCLE
Les projets de coopération décidés lors du second sommet intercoréen à Pyongyang en octobre 2007 ont été balayés par le conservateur Lee Myung-bak, arrivé au pouvoir l’année suivante. Ce dernier reprochait à la « politique du rayon de soleil » de ses prédécesseurs de ne pas avoir empêché la République populaire démocratique de Corée (RPDC) de poursuivre ses ambitions nucléaires et d’avoir au contraire favorisé ses avancées par de généreux financements.
Sans faire preuve d’angélisme à l’égard du régime nordiste, les tenants du rapprochement intercoréen cherchaient surtout à créer un climat de confiance afin de désamorcer une hostilité d’un demi-siècle. L’administration Bush, qui, à partir de 2002, plaça la RPDC dans l’« axe du Mal », s’employa à torpiller cette politique qui n’a atteint que partiellement ses objectifs et demeure frappée d’anathème pour la droite sud-coréenne, dont la présidente, Park Geun-hye, arrêtée pour abus de pouvoir en mars 2017, était une figure.
L’étau des sanctions
Aujourd’hui, la RPDC dispose de capacités atomiques et balistiques qui en font, de facto, une puissance nucléaire. Bien que des doutes subsistent sur la capacité de ses missiles de longue portée à rentrer dans l’atmosphère, le danger est suffisant pour que Washington n’écarte pas l’hypothèse d’une frappe préventive. Une menace pesant sur l’existence même de la RPDC, qui renforce la mentalité d’assiégé entretenue dans la population et justifie une force de dissuasion.
Au Sud, le risque de guerre accentue la conscience d’être en première ligne dans un conflit déclenché, délibérément ou par accident, à Washington. Séoul est à portée de l’artillerie nord-coréenne : selon le Pentagone, une attaque ferait, en quelques heures, 20 000 morts sans avoir à recourir à l’arme nucléaire.
POUR DES ANALYSTES AUX ÉTATS-UNIS, LA CORÉE DU SUD EST « LE MAILLON LE PLUS FAIBLE DU “FRONT” FACE À LA RPDC »
La reprise du dialogue entre Pyongyang et Séoul, qui vise à enrayer un processus dans lequel le destin de la péninsule échappe aux principaux intéressés (75 millions de Coréens), n’est certes pas sans arrière-pensées. Pour des analystes aux Etats-Unis, la Corée du Sud est « le maillon le plus faible du “front” face à la RPDC », estime Nicholas Eberstadt (American Enterprise Institute), et le geste de « bonne volonté » de Kim Jong-un en renouant un dialogue – au demeurant proposé par le président Moon Jae-in dès son arrivée au pouvoir en mai 2017 – est une manœuvre pour affaiblir l’alliance avec les Etats-Unis et contraindre Séoul à des concessions (Scott Snyder, Council on Foreign Relations), tout en gagnant du temps afin de procéder à d’autres essais, ajoute Robert Litwak (Wilson Center)…
Des supputations sur les intentions de Pyongyang, reprises par la droite sud-coréenne, qui ne sont pas à exclure. Pyongyang peut effectivement juger opportun de reprendre langue avec Séoul pour essayer de desserrer l’étau des sanctions, se soustraire à la vindicte américaine, voire éroder l’alliance entre Séoul et Washington. Mais le régime nord-coréen n’est pas le seul à vouloir reprendre le dialogue. C’est aussi la volonté du Sud.
Un avenir obscurci
Le président Moon a pour priorité d’assurer le succès des JO en évitant toute action intempestive de Pyongyang (tir de missile et autres). Et il a obtenu pour garantir cette trêve l’ajournement des manœuvres militaires conjointes avec les Etats-Unis prévues pendant les Jeux et perçues à Pyongyang comme une préparation à une invasion. Mais il craint surtout un conflit armé dans la péninsule qu’il cherche à éviter en renouant les contacts avec Pyongyang. La reprise du dialogue intercoréen complexifie l’équation géostratégique en rappelant que l’avenir de la péninsule dépend également – sinon d’abord – des Coréens.
LE RÉCHAUFFEMENT DES RELATIONS NORD-SUD A FAIT RETOMBER (MOMENTANÉMENT) LA RHÉTORIQUE BELLIQUEUSE DE DONALD TRUMP
Fruit de laborieuses négociations en coulisses, le réchauffement des relations Nord-Sud a fait retomber (momentanément) la rhétorique belliqueuse de Donald Trump, qui voit dans cette désescalade un effet bénéfique de sa fermeté. Flatteur, le président Moon lui a exprimé sa « gratitude pour sa contribution à cette détente »… Tant qu’il se poursuivra, le dialogue intercoréen réduira le risque d’une action militaire, mais le problème de fond reste entier : une RPDC disposant d’une force nucléaire. M. Moon y est opposé, mais prône une approche moins frontale que celle de Washington.
Le scepticisme, sinon l’hostilité de la droite sud-coréenne à tout fléchissement face à Pyongyang, l’irritation de Tokyo, qui prône la fermeté et, marchant sur les brisées de Washington, n’écarte pas l’option militaire, conjugués à l’impulsivité belliqueuse de Donald Trump, obscurcissent l’avenir. Le président sud-coréen doit aller vite pour amorcer un processus de détente crédible avec le Nord afin d’éviter de se retrouver pris en tenaille entre Pyongyang et Washington, avec le risque de voir s’accentuer les divergences, jusqu’à présent feutrées, avec le mentor américain et d’attiser l’opposition interne.
Philippe Pons (Tokyo, correspondant)
* LE MONDE | 17.01.2018 à 08h59 • Mis à jour le 17.01.2018 à 09h08 :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/17/les-deux-corees-tentent-de-reprendre-la-main_5242758_3232.html#FEAkudHw8ki56RMk.99
Les Jeux olympiques de la réconciliation entre les deux Corées ?
A un peu plus d’un mois du début des JO d’hiver, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a ouvert la porte à une éventuelle participation de ses athlètes.
« J’espère sincèrement que les Jeux olympiques d’hiver seront menés avec succès. Nous sommes disposés à prendre les mesures nécessaires, y compris à envoyer notre délégation à Pyeongchang. » Dans son allocution du Nouvel An, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a pour la première fois ouvert la porte à une participation de son pays aux 23es Jeux olympiques d’hiver, qui se dérouleront du 9 au 25 février, à 80 kilomètres de la zone démilitarisée (DMZ) entre les deux Corées. Puis, dans un fax transmis vendredi, la Corée du Nord a accepté la proposition de Séoul de tenir des discussions mardi 9 janvier dans le village de Panmunjom, dans la DMZ, sur les modalités de l’envoi d’une délégation nord-coréenne aux Jeux.
La participation de la Corée du Nord, absente des précédents JO d’hiver et qui avait refusé de prendre part aux Jeux olympiques de Séoul, en 1988, est, cette fois, espérée par les Sud-Coréens et le Comité international olympique (CIO), pour ce qu’ils ont érigé en « Jeux olympiques de la paix ». Et les villes organisatrices, Pyeongchang, Gangneung et Jeongseon, se disent prêtes à accueillir la délégation du Nord.
Puissance invitante, le CIO dispose de toute latitude pour convier un pays. « La charte olympique énonce qu’aux JO, c’est le CIO qui invite les athlètes à participer, pas le pays organisateur, ni les fédérations internationales », précise l’historien du sport Patrick Clastres, professeur à l’université de Lausanne (Suisse). Une fois les délégations nationales établies en fonction des minima sportifs, « le CIO se réserve le droit de les accepter ou non ». C’est grâce à ce dispositif que l’instance internationale a pu exclure certains athlètes – russes notamment – ayant contrevenu aux règles olympiques.
Le CIO satisfait
Ici, une telle décision dépend aussi, et surtout, des négociations politiques entre Séoul et Pyongyang. « Tant que nous serons dans une situation instable qui n’est ni la guerre ni la paix, le Nord et le Sud ne peuvent garantir le succès de leurs événements programmés, y compris des JO », a martelé Kim Jong-un dans son message de nouvelle année, appelant à « l’apaisement des fortes tensions militaires » entre les deux pays.
L’environnement politique sud-coréen est en tout cas favorable. Elu en mai 2017, le président Moon Jae-in n’a jamais caché son souhait de renouer le dialogue avec Pyongyang, et a toujours plaidé pour une participation de la Corée du Nord aux JO. Son annonce, jeudi 4 janvier, du report des manœuvres militaires annuelles prévues entre la Corée du Sud et les Etats-Unis lors les JO, « dans l’hypothèse où le Nord ne se livre pas à de nouvelles provocations », est une nouvelle main tendue au régime de Kim Jong-un. Chaque année, ces opérations entraînent le mécontentement de Pyongyang, qui les considère comme des préparatifs d’une invasion future.
« Le CIO se félicite de l’intention des gouvernements de Corée du Sud et du Nord d’entamer des conversations directes à propos de la participation d’athlètes nord-coréens aux Jeux olympiques », a annoncé l’organisme international dans un communiqué, précisant « poursuivre ses discussions avec le Comité olympique nord-coréen » et « maintenir leur invitation jusqu’à leur décision finale ».
Seuls Nord-Coréens qualifiés sportivement pour les Jeux olympiques, les patineurs Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik ne sont pas encore assurés franchir la frontière en février. Pourtant, le couple a obtenu son sésame, le 29 septembre à Oberstdorf, en Allemagne, suite à une performance remarquée en programme libre, sur l’air de Je ne suis qu’une chanson, de la chanteuse québécoise Ginette Reno. Issus du club sportif Taesongsan de Pyongyang mais s’étant entraîné tout l’été à Montréal, la patineuse de 18 ans et son partenaire de 25 ans se sont directement qualifiés pour la compétition, là où, en 2014, aucun athlète nord-coréen n’avait réalisé les minima pour les Jeux de Sotchi (Russie).
Mais le Comité olympique nord-coréen a omis de confirmer à temps la participation de ses athlètes auprès de Fédération internationale de patinage (ISU), les disqualifiant à moins d’une invitation du CIO. Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik restent tributaires de la décision du régime nord-coréen et de son leader de laisser – ou non – ses athlètes traverser la zone démilitarisée.
Si d’aventure les négociations aboutissaient à la venue d’une délégation nord-coréenne – pouvant inclure des athlètes non qualifiés sur le plan sportif –, des mesures exceptionnelles pourraient être mises en place. Traditionnellement, les athlètes du Nord se rendent au Sud par avion via Pékin. Mais en août, le président du comité organisateur, Lee Hee-beom, a évoqué un trajet par la route. Les athlètes traverseraient alors la frontière fortement militarisée longeant le 38e parallèle. « S’il y a des groupes de supporteurs, le gouvernement sud-coréen pourrait les laisser venir par bateaux. » Un bateau de croisière a également été envisagé pour acheminer les athlètes, entraîneurs et supporteurs de la délégation venue du Nord.
« Drapeau de l’unification »
La question du financement d’un tel déplacement est aussi posée. En 2014, lors des Jeux asiatiques (Asiad) organisés à Incheon, cité portuaire non loin de Séoul, 150 athlètes du Nord étaient présents. La Corée du Sud, qui avait pris en charge leur venue – comme lors de plusieurs éditions précédentes –, avait néanmoins refusé de financer celle des 350 pom-pom girls nord-coréennes, au grand mécontentement de Pyongyang.
Au tournant du XXIe siècle, les compétitions impliquant les deux pays se déroulaient dans une atmosphère de réconciliation. A l’instar de ce qu’il avait fait avec les deux Allemagnes dans les années 1960, le CIO a lancé des négociations en 1998 pour qu’une seule équipe de Corée participe aux Jeux de Sydney en 2000. Si les sportifs du Nord et du Sud ont finalement formé deux délégations, ils ont défilé lors de la cérémonie d’ouverture derrière le « drapeau de l’unification coréenne » représentant leur péninsule sans frontière en bleu ciel sur fond blanc. Pareille unité fut également affichée à Athènes en 2004, ainsi qu’aux Jeux d’hiver de 2006, à Turin.
La Corée du Sud était alors dirigée par des présidents progressistes, Kim Dae-jung de 1998 à 2003, puis Roh Moo-hyun jusqu’en 2008 ayant promu la politique dite « du rayon de soleil » de rapprochement avec le Nord. Entre 2008 et 2017, les présidents Lee Myung-bak et Park Geun-hye, du camp conservateur, avaient adopté une politique bien plus ferme envers Pyongyang. Le nouveau président, Moon Jae-in, aimerait profiter des Jeux pour sortir de la profonde crise actuelle.
Clément Martel et Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
* LE MONDE | 05.01.2018 à 15h03 :
http://www.lemonde.fr/jeux-olympiques-pyeongchang-2018/article/2018/01/05/les-jeux-olympiques-de-la-reconciliation-entre-les-deux-corees_5237998_5193626.html