Funambule
Le président sud-coréen Moon Jae-in joue les funambules avec Pyongyang
Le chef de l’Etat sud-coréen cherche à sortir de l’impasse à laquelle conduit la stratégie de « pression maximale » exercée sur la Corée du Nord par les Etats-Unis, sans s’en désolidariser.
Lorsque le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un annonça, dans son message de Nouvel An, qu’il était prêt à participer aux Jeux olympiques (JO) d’hiver de Pyeongchang et à reprendre le dialogue avec la Corée du Sud, les analystes étaient loin de penser que deux mois plus tard la donne dans la péninsule allait profondément changer. Non seulement la République populaire démocratique de Corée (RPDC) participe aux JO mais encore Kim Yo-jong, sœur cadette de Kim Jong-un et influente figure du cercle dirigeant, a transmis au président Moon Jae-in une invitation à se rendre à Pyongyang. Ce dernier n’a pas encore répondu mais le principe de cette visite semble acquis.
Washington n’a d’abord vu là qu’une offensive de charme de la RPDC destinée à fragiliser l’alliance entre la Corée du Sud et les Etats-Unis. Mais la position américaine semble en train d’évoluer. « Les Etats-Unis portent un jugement positif sur le rapprochement intercoréen et seraient disposés à des pourparlers avec la Corée du Nord », a annoncé, mardi 13 février, le porte-parole du président Moon, Kim Eui-kyeom. Le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson est plus réservé : il est selon lui « prématuré de parler d’un processus diplomatique ». Mais les lignes bougent.
Des négociations entre la RPDC et les Etats-Unis achoppent jusqu’à présent sur l’exigence de Washington qui veut que Pyongyang renonce à son arme nucléaire avant de commencer des pourparlers. Une condition inacceptable du point de vue nord-coréen. Désormais, les Etats-Unis semblent disposés à des pourparlers préliminaires sans préconditions. S’il est confirmé, l’infléchissement de la position américaine serait une victoire pour M. Moon.
Sans se désolidariser de la stratégie de « pression maximale » sur la RPDC des Etats-Unis et de leurs alliés, le président sud-coréen cherche à sortir de l’impasse à laquelle conduit une telle stratégie si elle n’est pas assortie d’un dialogue avec Pyongyang. L’annonce, lundi 12 février, d’une prochaine visite en RPDC du président du Comité international olympique, Thomas Bach, à une date qui reste à fixer, pourrait être une autre brèche dans la politique d’isolement de la RPDC.
La sécurité des JO d’abord
La rapidité du rapprochement entre les deux Corées a pris tout le monde de court, à commencer par le président sud-coréen, qui se retrouve dans une position de funambule entre Pyongyang et ses alliés américain et japonais. Au départ, Tokyo et Washington n’ont pas caché leur désapprobation. Si les Etats-Unis semblent nuancer leur position, le Japon reste figé dans son intransigeance.
Que Pyongyang cherche à entamer le « front » constitué par la Corée du Sud, les Etats-Unis et le Japon et à desserrer l’étau des sanctions internationales et que ce rapprochement, apparemment soudain, soit le fruit d’une stratégie calculée ne fait guère de doute. Le régime nord-coréen improvise rarement : il ouvre le dialogue avec Séoul après avoir renforcé sa position par les avancées réalisées en 2017 en matière nucléaire et balistique. Il reste que l’on aurait tort de voir la RPDC en manipulatrice d’une Corée du Sud faisant preuve d’une naïveté irresponsable. Le président Moon a aussi son agenda.
Il lui fallait d’abord assurer la sécurité des JO en faisant retomber la tension de ces derniers mois. Il a réussi. Au-delà de cette trêve, il entend dégager son pays de la situation déplaisante de cible d’une riposte du Nord à une attaque américaine. Se situant dans la ligne de ses prédécesseurs de centre gauche (Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun) au pouvoir entre 1998 et 2008, M. Moon entend tout faire pour que son pays ne soit pas le jouet des grandes puissances – ce qui a été le sort de la Corée avant et après la partition de 1945. Sans remettre en cause l’alliance avec les Etats-Unis, vitale pour la sécurité de son pays, il entend mener une « politique sud-coréenne » vis-à-vis du Nord.
La grande différence avec la politique de rapprochement dite du « rayon de soleil » de ses prédécesseurs tient au fait que la RPDC est aujourd’hui, sinon une puissance nucléaire (des doutes subsistent sur la technologie de rentrée dans l’atmosphère de ses missiles), du moins détentrice de capacités nucléaires désormais prises au sérieux.
Sursaut nationaliste
La « politique du rayon de soleil » visait à une réconciliation entre les deux Corées par une coopération économique et des échanges de personnes. Aujourd’hui, Séoul ne peut s’en tenir à cette approche compte tenu des avancées nucléaires et balistiques de la RPDC : la détente entre les deux Corées a pour but de faire retomber la tension dans la péninsule mais aussi de permettre d’amorcer une négociation entre Pyongyang et Washington.
Un rapprochement intercoréen peut favoriser une retombée de la tension dans la péninsule en rendant difficile, tant que le dialogue est en cours, une opération militaire américaine. Mais il n’est pas en soi un remède car cette tension tient à un facteur qui échappe à Séoul : l’hostilité entre les Etats-Unis et la RPDC.
Le premier test de l’habileté du président Moon à naviguer entre l’allié américain et la RPDC sera la reprise, au printemps, des exercices militaires conjoints américano-sud-coréens qui ont été ajournés pendant les JO. Il est peu vraisemblable qu’il puisse reporter à nouveau ces manœuvres mais il pourrait obtenir de Washington d’en réduire le caractère offensif pour ne pas braquer Pyongyang, tout en encourageant les dirigeants nord-coréens à annoncer un moratoire sur les essais nucléaires et balistiques qui pourrait être présenté comme une concession du régime attendue par Washington.
Le réchauffement des relations intercoréennes modifie profondément la donne de la crise dans la péninsule en faisant intervenir un nouvel élément : un sursaut nationaliste de Séoul. La Corée du Sud estime en effet avoir son mot à dire dans la recherche d’une solution, dont les Etats-Unis et leurs alliés devront tenir compte.
Philippe Pons (Tokyo, correspondant)
* LE MONDE | 14.02.2018 à 06h37 • Mis à jour le 14.02.2018 à 16h58 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/02/14/dialogue-avec-la-coree-du-nord-le-president-sud-coreen-moon-jae-in-joue-les-funambules_5256460_3216.html
JO d’hiver 2018 : le leadeur nord-coréen remercie Séoul pour l’accueil réservé à sa sœur
Kim Yo-yong faisait partie de la délégation officielle qui s’est rendue en Corée du Sud ce week-end pour le début des JO de Pyeongchang.
Le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a salué la qualité de l’accueil réservé par le Sud à sa sœur lors de sa visite historique à l’occasion des Jeux olympiques (JO) d’hiver 2018. Considérée comme une de ses plus proches confidentes, Kim Yo-yong faisait partie de la délégation officielle qui s’est rendue en Corée du Sud ce week-end pour le début des JO de Pyeongchang. Elle a remis samedi au président sud-coréen, Moon Jae-in, de la part de son frère, une invitation à un sommet à Pyongyang, la capitale nord-coréenne. Le président sud-coréen n’a pas immédiatement accepté, expliquant que « les bonnes conditions » devraient être réunies.
La Corée du Nord est la cible d’une série de sanctions prises par le Conseil de sécurité des Nations unies pour la forcer à renoncer à ses programmes nucléaire et balistique. Après deux années de montée des tensions sur la péninsule en raison de la course à l’arme atomique de Pyongyang et des échanges d’insultes et de menaces avec les Etats-Unis, les JO de Pyeongchang ont permis un spectaculaire rapprochement des deux Corées. Mais les analystes estiment que cette « détente » pourrait disparaître aussi vite qu’elle est née après les Jeux olympiques et paralympiques, quand Séoul et Washington lanceront de vastes exercices militaires qui provoquent chaque année la fureur de la Corée du Nord.
« Climat de dialogue »
Kim Jong-un a rencontré lundi la délégation à son retour à Pyongyang, a annoncé la Korean Central News Agency (KCNA – « Agence centrale de presse nord-coréenne »), l’agence de presse officielle nord-coréenne. KCNA a indirectement cité M. Kim, qui a déclaré qu’il était important de continuer à entretenir « le climat chaleureux de réconciliation et de dialogue » né des JO.
Le dirigeant nord-coréen a donné des instructions en vue de « mesures pratiques » permettant de garder cet élan, selon KCNA, qui ne donne aucune précision sur ce que peuvent être ces mesures. Les égards témoignés par le Sud à la présence nord-coréenne et l’accueil réservé par le Sud ont été « impressionnants », a ajouté M. Kim, qui a remercié Séoul pour ses « efforts sincères ».
Chaque détail scruté
Il s’agit de la première réaction officielle de Kim Jong-un au voyage de sa sœur, qui a été la première membre de la dynastie Kim à fouler le sol de la grande rivale du Sud.
Elle a à ce titre été un objet de fascination au Sud et pour les médias étrangers dès le moment où elle est apparue vendredi, entourée de gardes du corps, à l’aéroport international d’Incheon, en Corée du Sud. Elle a serré la main de M. Moon, encouragé avec lui l’équipe coréenne unifiée de hockey, et s’est même installée pour la cérémonie d’ouverture à quelques mètres seulement du vice-président américain, Mike Pence, avec lequel elle n’a eu aucun contact.
Chaque détail de sa visite a été scruté et interprété avec attention, qu’il s’agisse de ses vêtements, de l’expression de son visage où même de son écriture. Chef de l’Etat en titre –une fonction essentiellement honorifique – Kim Yong-nam, le plus haut dignitaire nord-coréen à s’être jamais rendu au Sud, faisait également partie de la délégation officielle.
Le Monde.fr avec AFP
* Le Monde.fr | 13.02.2018 à 09h45 • Mis à jour le 13.02.2018 à 12h24 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/02/13/jo-2018-le-leadeur-nord-coreen-remercie-seoul-pour-l-accueil-reserve-a-sa-s-ur_5255956_3216.html
JO : Kim Yo-jong, sœur et émissaire de confiance de Kim Jong-un
La cadette du dirigeant nord-coréen devient le visage de la politique d’apaisement avec Séoul en étant la première de sa famille à se rendre au Sud.
Pour la première fois depuis la fin de la guerre de Corée, un membre de la famille des Kim, au pouvoir en Corée du Nord – connue comme la « lignée du mont Paektu » –, se rend en visite au Sud. Kim Yo-jong, petite sœur de l’actuel dirigeant, Kim Jong-un, dont elle aurait toute la confiance, est arrivée vendredi 9 février autour de 13 h 30 heure locale à l’aéroport d’Incheon, non loin de Séoul, à bord d’un Iliouchine 62M, avion personnel de son frère.
Cible de l’insistante attention des médias sud-coréens, vêtue de noir, volontiers souriante, Kim Yo-jong a été accueillie par le ministre de l’unification, Cho Myoung-gyon. Elle accompagne Kim Yong-nam, président du présidium de l’Assemblée populaire suprême nord-coréenne qui dirige la délégation envoyée par Pyongyang, et a rencontré le chef de l’état sud-coréen, Moon Jae-in, vendredi, avant d’assister à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pyeongchang.
Avec le reste de la délégation, elle déjeunera samedi 10 février avec le président, Moon Jae-in. La venue de Mme Kim « démontre la volonté du Nord de réduire la tension sur la péninsule », estimait, le 7 février, la présidence sud-coréenne en annonçant sa présence. La question est de savoir quel message elle porte au nom de son frère et si une entrevue avec le vice-président américain, Mike Pence, présent lui aussi à Pyeongchang pour la cérémonie d’ouverture, aura lieu. M. Pence ne s’y est pas montré hostile.
« Visites sur le terrain »
Agée d’une trentaine d’années – elle serait née en 1987 selon les services sud-coréens, et en 1989 selon les Américains –, Mme Kim a connu une ascension rapide au sein de l’appareil nord-coréen. Nommée en octobre 2017 membre du bureau politique du Parti du travail, elle avait été auparavant promue au poste de directrice adjointe du département d’agitation et de propagande au sein du parti. Proche du dictateur, elle gère ses « visites sur le terrain pour donner des instructions », notamment le programme, les besoins logistiques et la sécurité. Elle entretient de ce fait des liens avec le puissant ministère de la sécurité d’Etat.
Ce parcours découle de ses liens particuliers avec Kim Jong-un. Elle est la plus jeune des trois enfants du dirigeant Kim Jong-il (1941-2011) et de sa quatrième épouse, Ko Yong-hui (1952-2004). Ses aînés sont Kim Jong-chol (né en 1981, sans fonction connue) et l’actuel dirigeant, né en 1983. Elle a suivi comme ses frères une scolarité en Suisse entre 1996 et 2000 à l’école publique Steinhölzli de Liebefeld, qui accueille les enfants de personnels diplomatiques, près de Berne. Sa mère venait de temps en temps rendre visite à ses enfants.
De retour à Pyongyang, elle a suivi des cours à l’université Kim Il-sung et, après la mort de sa mère, dans un établissement d’Europe occidentale. Elle semblait déjà manifester un intérêt pour les affaires d’Etat. Dès 2002, explique le site spécialisé North Korea Leadership Watch, « Kim Jong-il affirmait fièrement à ses interlocuteurs étrangers que sa plus jeune fille s’intéressait à la politique et voulait mener une carrière au sein de l’appareil de la RPDC ».
En 2007, elle aurait intégré le parti et travaillé sous la direction de Kim Jong-il et de sa tante, Kim Kyong-hui, dont elle s’inspirerait pour ses activités actuelles. Après l’attaque cérébrale subie en 2008 par son père et l’accélération des préparatifs de la succession, Kim Yo-jong est promue dans l’entourage direct de Kim Jong-il. Elle participe dès lors à ses déplacements sur le terrain, même si elle apparaît peu sur les photos officielles.
Selon la presse sud-coréenne citant les renseignements chinois, elle serait mariée au plus jeune fils de Choe Ryong-hae, actuellement directeur du département chargé de l’organisation du pouvoir. Son époux travaillerait au service des finances et de la comptabilité du parti. Il aurait des liens avec la Division 39, créée dans les années 1970 pour gérer les avoirs de la famille Kim.
Sa première mention officielle par des médias nord-coréens remonte à mars 2014, à l’occasion d’un vote de l’Assemblée populaire suprême. Depuis, ses apparitions se multiplient, en arrière-plan des photos officielles, souvent en tenue vert olive, celle des journalistes documentant les déplacements du dirigeant. « Elle ne s’affiche jamais vêtue de vêtements de luxe ou portant des accessoires voyants, note un expert de la Corée du Nord. Sans doute parce qu’elle est au service de l’image du dirigeant qui doit être seul dans la lumière. »
Philippe Mesmer (Séoul, envoyé spécial)
* LE MONDE | 09.02.2018 à 11h04 • Mis à jour le 09.02.2018 à 15h53 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/02/09/jo-kim-yo-jong-s-ur-et-emissaire-de-confiance-de-kim-jong-un_5254231_3216.htm
La délégation nord-coréenne arrive aux JO d’hiver
La sœur de Kim Jong-un accompagne les athlètes. C’est la première fois qu’un membre de la famille Kim, au pouvoir en Corée du Nord depuis Kim Il-sung, se rend dans le Sud depuis la fin de la guerre de 1950-1953.
L’avion transportant la sœur du dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, et le chef de l’Etat officiel de la Corée du Nord s’est posé sur l’aéroport d’Incheon, près de Séoul, en Corée du Sud, vendredi 9 février, une première historique à quelques heures de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver à Pyeongchang.
A bord se trouvait la délégation officielle mandatée par la République populaire démocratique de Corée pour les Jeux, et notamment Kim Yo-jong, la sœur de Kim Jong-un. Elle est la première membre de la dynastie qui règne depuis trois générations en Corée du Nord à fouler le sol sud-coréen depuis la fin de la guerre de Corée (1950-1953), qui n’a pas encore été conclue par un traité de paix.
La délégation compte également Kim Yong-nam, le chef de l’Etat officiel de la Corée du Nord selon le protocole nord-coréen, et à ce titre le plus haut dignitaire nord-coréen à s’être jamais rendu en Corée du Sud.
Rapprochement Nord-Sud
Cette visite, prévue pour durer trois jours, est le couronnement d’un spectaculaire rapprochement entre les deux pays, qui ont repris langue dans la perspective des JO, après deux années de très fortes tensions en raison des programmes balistique et nucléaire du Nord.
Le président sud-coréen, Moon Jae-in, partisan déclaré du dialogue avec le Nord, a tout fait pour que ces JO soient des « Jeux de la paix » et contribuent à apaiser la situation dans la péninsule.
La Corée du Nord est la cible de nombreux trains de sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU en représailles à sa course à l’arme atomique.
La délégation nord-coréenne devait prendre le chemin de Pyeongchang, où se tiendra en soirée la cérémonie d’ouverture des JO, à laquelle assisteront aussi le vice-président américain, Mike Pence, et le premier ministre japonais, Shinzo Abe.
Le Monde.fr avec AFP
* Le Monde.fr | 09.02.2018 à 06h23 • Mis à jour le 09.02.2018 à 07h14 :
http://www.lemonde.fr/jeux-olympiques-pyeongchang-2018/article/2018/02/09/la-delegation-nord-coreenne-arrive-aux-jo-d-hiver-au-sud_5254042_5193626.html
A la veille des JO, Pyongyang organise un défilé militaire et rejette tout contact avec les Américains
La Corée du Nord a affirmé, jeudi, qu’elle ne transformera pas les Jeux d’hiver en tribune politique, selon l’agence officielle de presse nord-coréenne KCNA.
La présence à la cérémonie d’ouverture des JO de la sœur cadette de Kim Jong-un, Kim Yo-jong, 28 ans, récemment promue au bureau politique du Parti des travailleurs, est une première. Sa venue « démontre la volonté du Nord de réduire la tension dans la péninsule nord-coréenne », a estimé la présidence sud-coréenne, mercredi 7 février.
On l’a souvent vue accompagner son frère en « visite d’orientation sur le terrain » et elle a été en charge des opérations de propagande du parti unique. Leur proximité daterait de leurs années d’études en Suisse. La presse sud-coréenne la compare à Ivanka Trump (la fille du président américain) pour l’influence qu’on lui prête auprès du dirigeant.
Elle sera le premier membre de la dynastie au pouvoir à Pyongyang à se rendre au sud de la ligne de démarcation depuis la guerre de Corée. Elle est attendue vendredi après-midi à l’aéroport international d’Incheon, qu’elle ralliera à bord d’un jet privé, a précisé jeudi le gouvernement sud-coréen.
Elle restera trois jours et deux nuits au sud du 38e parallèle. Autre fait inédit, sera également présent le président du Présidium de l’Assemblée suprême du peuple, Kim Yong-nam, chef d’Etat aux fonctions symboliques. Pyongyang a par ailleurs affirmé qu’il ne transformera pas les JO d’hiver en tribune politique, selon l’agence officielle de presse nord-coréenne KCNA.
Nouveau train de sanctions
Ce geste d’apaisement n’a guère ému Mike Pence qui, en visite à Tokyo, a promis de dévoiler sous peu de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord, « régime le plus tyrannique et le plus oppressif au monde ». Le vice-président des Etats-Unis a mis en garde le président sud-coréen Moon Jae-in sur la volonté de Pyongyang d’utiliser les JO à des fins de propagande. « Nous ne permettrons pas à la Corée du Nord de cacher derrière la bannière olympique la réalité de l’asservissement de son peuple et de sa menace pour la région tout entière », a-t-il martelé.
Pence n’a pas exclu la possibilité de s’entretenir avec des représentants de Pyongyang en marge des Jeux, mais le président Donald Trump, dont la fille Ivanka sera présente à la cérémonie de clôture, a émis un doute sur l’utilité de discussions avec les Nord-Coréens dans un proche avenir. « Nous n’avons jamais mendié un dialogue avec les Etats-Unis et cela va continuer ainsi », a déclaré le directeur général du département chargé de l’Amérique du Nord au ministère des affaires étrangères nord-coréen, cité jeudi par KCNA. « Pour être clair, nous n’avons aucune intention de rencontrer les Etats-Unis lors de notre visite en Corée du Sud », a ajouté Cho Yong-sam.
Et, en parallèle, la Corée du Nord a organisé, jeudi, à la veille de la cérémonie d’ouverture des JO une importante parade militaire pour célébrer la fondation de l’armée populaire, défilé que Washington considère comme une démonstration des intentions bellicistes de Pyongyang.
Le leader nord-coréen, Kim Jong-un, a déclaré, place Kim Il Sung, devant un auditoire en liesse : « Nous sommes devenus capables de faire la démonstration devant la planète de notre statut de puissance militaire de classe mondiale. »
Ouvrir une brèche
La RPDC a fait valoir que cette parade est une affaire interne et qu’elle a lieu chaque année. Toutefois, ce défilé se tenait auparavant le 25 avril, jour de la fondation, en 1932, de l’Armée révolutionnaire du peuple, guérilla qui lutta contre le colonisateur japonais. En janvier, le régime avait fait savoir que le défilé aurait désormais lieu le 8 février, date de la fondation, en 1948, de l’armée nationale du Nord.
Sur la scène intérieure, cette parade devait montrer au peuple nord-coréen que si le Sud a un net ascendant économique, le Nord peut être fier de sa puissance militaire. Au monde extérieur, elle souligne le statut de puissance nucléaire que ne veut pas lui reconnaître la communauté internationale. Et rappelle que Pyongyang ne renonce en rien à ses attributs de défense.
Pour Washington et la droite sud-coréenne, la RPDC cherche ainsi à ouvrir une brèche dans l’alliance entre les Etats-Unis, dont le président Donald Trump campe sur une ligne dure, et la Corée du Sud où les critiques du président Moon Jae-in craignent qu’il ne rompe le front d’isolement du Nord. De fait, le gouvernement de M. Moon a demandé mercredi à l’ONU de faire une exception en autorisant le président de la Commission nationale d’orientation des sports nord-coréenne, Choe Hwi, à se rendre au Sud avec la délégation alors qu’il est sous le coup de sanctions du Conseil de sécurité.
Philippe Pons (Tokyo, correspondant) et Harold Thibault
* LE MONDE | 08.02.2018 à 10h27 • Mis à jour le 08.02.2018 à 11h07 :
http://www.lemonde.fr/jeux-olympiques-pyeongchang-2018/article/2018/02/08/a-la-veille-des-jo-pyongyang-organise-un-defile-militaire-et-rejette-tout-contact-avec-les-americains_5253624_5193626.html