Les Etats-Unis vont-ils frapper la Corée du Nord ? Et comment la Chine réagirait-elle ? A ces questions diplomatiques incertaines, les investisseurs boursiers répondent avec leur portefeuille. Mardi 11 avril, quatre entreprises fournissant l’Armée populaire de libération se sont envolées à la Bourse de Shanghaï et de Shenzhen : AVIC et Jihua Group, Xian Tianhe Defense technology et Sichuan Nitrocell ont toutes gagné 10 %, la limite réglementaire de changement journalier en Chine. Jihua est un fabricant d’équipements légers, d’uniformes, de protections pour l’armée et la police, Xian Tianhe fait des radars et Sichuan Nitrocell des peintures et des revêtements de protection. Quant à AVIC, c’est le conglomérat qui domine l’aviation en Chine, fournissant principalement des avions et des hélicoptères militaires à l’armée chinoise.
La raison de leur soudain succès ? Si la tension entourant la Corée du Nord est élevée depuis plusieurs mois, Pyongyang multipliant les essais nucléaires et de missiles de longue portée, les choses se sont accélérées ces derniers jours. Les frappes américaines en Syrie, en plein dîner officiel des présidents américain et chinois, ont été interprétées comme un message de fermeté des Etats-Unis pouvant aussi s’appliquer à la Corée du Nord. Dimanche 9 avril, les Etats-Unis envoyaient une petite flotte menée par un porte-avions vers la péninsule de Corée.
Des valeurs sûres
D’après des médias sud-coréens, l’armée chinoise aurait déployé 150 000 soldats à proximité de sa frontière avec la Corée du Nord, se préparant à une éventuelle dégradation du conflit et à un afflux de réfugiés. Si Pékin a démenti l’information, le contexte n’en reste pas moins explosif à court terme.
Sur le long terme, les fournisseurs de l’armée chinoise apparaissent également comme des valeurs sûres, profitant de l’effort du pays pour renforcer et moderniser son armée. Cette année, le budget militaire chinois augmentera de 7 %, son niveau le plus modeste depuis 2010, reflétant le ralentissement de l’économie chinoise. Mais ce chiffre, relativement bas, par rapport à une croissance économique attendue à 6,5 % en 2017, cache d’importantes disparités. Si les forces chinoises restent dominées par l’armée de terre, le président Xi Jinping a engagé de vastes réformes de structures, visant à développer les capacités de projection de l’ensemble de son armée.
En 2016, la Chine a lancé la construction de sa première base navale à l’étranger, à Djibouti. Mais le pays s’affirme surtout en Asie, revendiquant des îlots de la mer de Chine du Sud. Pékin y installe des équipements militaires et renforce ses patrouilles dans les eaux qu’elle revendique. Les revendications territoriales de l’empire du Milieu suscitent des tensions avec les Philippines, Taïwan, la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam au sud, et le Japon à l’ouest. Mais elles nécessitent aussi un renforcement de la marine et de l’armée de l’air, qui fait le bonheur des entreprises chinoises d’armement.
Simon Leplâtre (Shanghaï, correpondance)