La vague #metoo a fini par submerger la Corée du Sud. Mardi 6 mars, le gouverneur de la province du Chungcheong du Sud, dans l’ouest du pays, An Hee-jung, a démissionné au lendemain d’une interview accordée à la chaîne JTBC par sa secrétaire, Kim Ji-eun. Elle l’a accusé de quatre viols, dont un le 25 février, alors que M. An l’avait convoquée tard dans son bureau pour s’excuser de son attitude, et de harcèlement sexuel pendant les huit mois passés à son service.
Sur sa page Facebook, M. An, 52 ans, politicien populaire et considéré jusqu’alors comme favori pour succéder au président Moon Jae-in à l’issue de son mandat, en 2022, a présenté ses excuses : « Tout est de ma faute. Je demande pardon pour mon comportement insensé. » Il a également été exclu du parti Minju au pouvoir. « En tant que dirigeante de parti et mère de famille, je veux m’engager pour un changement de culture des relations hommes-femmes », a déclaré Choo Mi-ae, la présidente de la formation.
« Monstre »
Les révélations de harcèlement et d’agressions s’enchaînent depuis le 28 janvier, quand la procureure, Seo Ji-hyeon, a révélé avoir été abusée par un supérieur en 2010. Son initiative a eu un effet déclencheur alors que la vague de révélations #metoo peinait à se propager en Corée. Lors de son interview, Mme Kim a reconnu que la vigueur du mouvement lancé aux Etats-Unis lui avait donné le courage de s’exprimer.
Aucun secteur de la société sud-coréenne n’est épargné. L’écrivain Ko Un, souvent présenté comme possible prix Nobel, est dans la tourmente depuis la publication, en février, d’un texte de la poétesse Choi Young-mi, titré Goemul (« monstre »). Mme Choi décrit, sans le nommer mais en multipliant les indices, comment un auteur connu abusait des jeunes écrivaines.
Le 19 février, l’auteur dramatique et metteur en scène Lee Young-taek a présenté ses excuses publiques et renoncé à ses activités après avoir été accusé d’abus par plusieurs femmes. Yoon Ho-jin, connu comme le « parrain » des comédies musicales en Corée, a aussi été mis en cause, tout comme l’acteur Cho Jae-hyun, le réalisateur Kim Ki-duk et le photographe Bae Bien-u.
Dimanche 4 mars, des centaines de personnes se sont réunies à Séoul, quelques jours avant la Journée internationale des droits des femmes. Brandissant des panneaux sur lesquels on pouvait lire « metoo » mais aussi « WithYou », le mouvement lancé par le monde sud-coréen du théâtre, les participants ont pu écouter des témoignages, notamment d’une étudiante victime d’un professeur ou d’une ancienne militante politique.
« Silence »
La Korean Women’s Association United, organisatrice de l’événement, estime qu’il est temps pour le gouvernement de « répondre aux appels de ces femmes ». Et l’association de dénoncer « la structure de discrimination, d’incitation et de silence qui rend possibles de tels crimes ». D’après le gouvernement, seules 1,9 % des victimes d’agressions sexuelles les signaleraient aux autorités.
« Avec le mouvement #metoo, notre société vit un changement crucial, a déclaré, le 4 mars, le président Moon Jae-in. Ce mouvement doit mener la Corée vers une société dans laquelle l’égalité sexuelle existera et les droits des femmes seront respectés. » Le gouvernement a déjà demandé de retirer des manuels scolaires les œuvres de personnalités au cœur de ces « controverses publiques ».
Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)