Les mardi 3 et mercredi 4 avril, la mobilisation des cheminotEs a été d’une ampleur rarement égalée avec 40 % de grévistes officiellement reconnus, dont la quasi-totalité des contrôleurEs et des aiguilleurEs et plus des trois quarts des conducteurEs.
Après des semaines de matraquage contre les cheminotEs nantis, le pouvoir et ses soutiens durcissent le ton. Pour le député LREM Gabriel Attal, « l’important serait peut-être de sortir de la gréviculture ». Pour Élisabeth Borne, ministre chargée des Transports, « le gouvernement tiendra bon ». Face à l’exceptionnelle mobilisation des cadres, Pépy octroie une prime de 150 euros à ceux qui sont habilités à remplacer les conducteurEs. La CGT évoque le recours possible à des « cheminots du Royaume-Uni » ou « la possibilité d’effectuer des réquisitions de cheminots, par exemple sur la ligne D du RER ». Et, pour faire bonne mesure, la direction affirme vouloir comptabiliser les jours de repos comme jours de grève.
Pas d’isolement
Mais les cheminotEs ne sont pas isolés. À Air France, la grève pour une augmentation de salaire de 6 % en était à son quatrième jour avec des préavis déposés pour les 7, 10 et 11 avril (voir page 9). Les électricienEs et gazierEs sont mobilisés pour la défense du service public de l’énergie, contre sa libéralisation. En Île-de-France, à Marseille et dans de multiples localités, les éboueurEs sont en grève pour la « reconnaissance de la pénibilité », un « statut unique », public/privé, et des « départs anticipés » à la retraite pour tous. Les salariéEs des EPHAD et des hôpitaux publics restent mobilisés et la mobilisation gagne du terrain dans les universités. L’importance du nombre de grévistes chez Carrefour (voir page 8) pour les salaires, contre les suppressions de postes, est significative d’une colère qui monte chez les salariéEs du privé.
Une bataille aux multiples enjeux
Les directions syndicales sont confrontées à l’ambition macronienne de les marginaliser, dans la plus libérale des logiques. La CFTC, la CFE-CGC et la CFDT refusent tout affrontement pour préserver leurs prérogatives dans le dialogue social. L’échec de la mobilisation contre la loi El Khomri a fait renoncer définitivement la direction de FO à toute confrontation importante. Solidaires est peu soumis à ces enjeux, qui concernent les syndicats les plus intégrés, mais ce n’est pas le cas de la CGT, qui connaît d’importantes confrontations en interne et dont la stratégie est des plus hésitantes. Un nouvel échec contre le plan Macron mettrait en cause l’ensemble de la représentation syndicale.
Au-delà de la fermeté affichée, la bataille de l’opinion publique est au cœur du dispositif gouvernemental. Une conquête assise sur les difficultés rencontrées par les usagerEs et qui serait facilité par un affaiblissement du mouvement notamment avec la défection espérée des syndicats les plus prêts à négocier.
Quelle stratégie pour gagner ?
Les assemblées générales de grévistes ont reconduit le plus souvent à l’unanimité la grève pour mercredi. Les modalités d’organisation de la lutte par les directions syndicales, tant à la SNCF que dans les autres secteurs, sont largement débattues dans les assemblées générales, dans les syndicats.
Face à la volonté affichée du gouvernement d’aller jusqu’au bout, la lutte des cheminotEs ne peut être victorieuse qu’à deux conditions. La première, essentielle, est l’auto-organisation de la lutte, seule capable de faire face à toutes les divisions, d’impliquer le plus grand nombre dans le développement de la lutte, sa popularisation. L’autre consiste, à partir de cette lutte, à construire un front de mobilisation élargi à l’ensemble des salariéEs autour de la volonté de sauvegarde du service public mais aussi de celle de combattre la souffrance au travail, la précarisation des emplois, les suppressions de postes, les licenciements. Et partout discutons, décidons, d’une date rapprochée de centralisation des mobilisations par la grève et des manifestations.
La volonté du gouvernement est d’infliger aux cheminotEs la défaite la plus complète possible non seulement pour permettre la privatisation de la SNCF et mettre à mort le statut des cheminotEs mais aussi pour aller vers la destruction de l’ensemble des services publics. Et, dans la foulée, accélérer les contre-réformes : assurance chômage, apprentissage, formation professionnelle et retraites.
Face à de tels enjeux, l’unité et la solidarité sont des enjeux décisifs. Un collectif unitaire réunissant NPA, PCF, Génération.s, Groupe parlementaire France insoumise, AL, EÉLV, Ensemble, Gauche démocratique et sociale, Nouvelle Donne, PCOF, Parti de gauche, République et socialisme, appelle à construire des collectifs de soutien à la mobilisation à la SNCF et dans les services publics.
Construire ces collectifs, c’est un pas que nous pouvons touTEs faire dans les prochains jours. Sur nos lieux de travail, nous devons débattre de la construction de ce grand mouvement, touTEs ensemble, qui, profitant de la locomotive que constitue la grève à la SNCF, ferait reculer ce gouvernement.
Robert Pelletier
* Hebdo L’Anticapitaliste - 424 (05/04/2018). Jeudi 5 avril 2018, mise à jour Jeudi 5 avril 2018, 11:20 :
https://npa2009.org/actualite/social-autres/les-cheminotes-ouvrent-la-voie-toutes-ensemble-continuons-le-combat
La première journée de grève à la SNCF est une réussite
Il n’est pas facile d’apprécier cette première journée de grève à la SNCF. A la fois spectaculaire en nombre de grévistes et en paralysie du trafic, mais qui pour autant reste dans le cadre de la grève voulue par l’intersyndicale de deux jours sur 5.
Sur la région parisienne, les AG ont été un peu moins massives que celles du 22 mars, mais plusieurs raisons à ça : plus difficile d’y arriver du fait du manque de trains, d’où souvent leur éclatement préalable. Cela dit, les AG semblent partout avoir été sérieusement et attentivement suivies, avec davantage de vrais débats et interventions, en particulier à la fois pour se féliciter d’un tel succès, pour situer la grève dans le cadre de la mobilisation plus générale avec bien d’autres catégories de salariés (des représentants de secteurs de l’énergie ou autres comme Géodis, ou étudiants ont pu intervenir en AG cheminotes), pour discuter des suites : reconductible ou calendrier de l’Intersyndicale, tous ensemble dans la grève mais pas tous ensemble sur le même préavis... et que faire, donc, pour la suite.
Il semble bien que presque partout l’idée d’une grève reconductible jour après jour et après discussion en AG a été défendue. De nombreux arguments en sa faveur ont été développés : elle donnerait un signal plus fort aux autres catégories qui déjà sont en lutte ou auraient envie de s’y mettre aux côtés des cheminots ; elle serait plus incontrôlable et inquiéterait davantage le gouvernement par la crainte d’une contagion plus rapide... Maisles votes ont ont donné une majorité pour le maintien du calendrier intersyndical, le début de la reconductible étant davantage discuté pour après la deuxième série de deux jours des dimanche 8 et lundi 9 avril (comme ça a été voté à Saint-Lazare). Même Sud qui a déposé un préavis de reconductible ne l’a que très exceptionnellement soumis au vote. Et ceux des participants aux AG qui en avaient envie - probablement parfois la moitié des AG - étaient hésitants pour un ensemble de raisons : ils avaient déjà choisi de se mettre sur un préavis ou sur un autre (la discussion semblait donc de fait close) pour ces premiers deux jours de grève, par ailleurs ils sentaient les hésitations et oppositions entre équipes syndicales.
Dans certaines grandes gares, des équipes de « comités de mobilisation » ou « bureaux d’organisation » de la grève existent, militent pour la grève en organisant des syndiqués et des non-syndiqués et cherchent à développer tous les contacts possibles pour la suite. Lundi, sur Paris, c’est la manifestation qui est partie de la gare de l’Est qui a fait office de forum et de retrouvailles nécessaires entre cheminots de gares et services divers, et avec d’autres salariés (énergie, postiers…) et les étudiants.
Coline Boutrin
Les chiffres nationaux donnent 77% d’ADC grévistes au niveau national. 35% tous collèges confondus. La grève a donc été très largement suivie, avec des chiffres qui n’avaient pas été atteints depuis bien longtemps !
Austerlitz : une centaine en AG. Trappes : Plus de 100. Juvisy : 40 en AG.
Paris Saint-Lazare : 170 personnes en AG. Mantes : 100 participants. Achères : Plus de 100.
Paris-Est : Plus de 100.
Gare de Lyon : une grosse centaine.
Gare du Nord : 200-300 personnes.
Châtillon : 70 personnes en AG.
Strasbourg : 150 en.
Lille : AG à 100/150 environ.
Agglomération de Rouen : Ateliers de Quatre Mares : chiffres de grève assez exceptionnels avec 77% sur l’exécution, 69% sur la maîtrise et 36% chez les cadres. Sotteville : 54 présents. Rassemblement interpro à Sotteville à l’initiative des UD CGT FO Solidaires et FSU et qui a rassemblé plus de 500 personnes, avec notamment des salariés de l’HP du Rouvray en grève depuis 2 semaines, des salariés de chez Carrefour, quelques étudiants.
Nantes : petits piquets de grève le matin. AG à 250.
Toulouse : 250-400 en AG. 2500 personnes en manifestation qui a réuni les cheminots, les étudiants et les électriciens.
Marseille : 90% de grévistes chez les contrôleurs et les mécanos. AG de contrôleurs : une centaine.
Orléans : Très forte grève, environ 85% des conducteurs-trices et des contrôleurs-ses en grève ! Quasiment pas de train. 150 personnes à l’AG.
Région Languedoc Roussillon : 737 votants.
Nîmes : AG de grévistes : entre 190 et 250 personnes. Les pourcentages de grévistes sont élevés surtout chez les roulants (vers les 95% de grévistes), à l’équipement grève largement majoritaire...
Alès : 60 cheminots environ à l’AG. Montpellier : une centaine. Béziers : 102. Sète : 30 à l’AG. Perpignan/Cerbère : 150 personnes. Miramas (13) : une centaine. Ambérieu (01) : 97% grévistes au fret. EIC 70%. 94% Matériel. TER 96%. AS 100%. Limoges : 150 personnes. Chartres : 60 personnes.
* Mercredi 4 avril 2018, mise à jour Mercredi 4 avril 2018, 09:58 :
https://npa2009.org/actualite/entreprises/la-premiere-journee-de-greve-la-sncf-est-une-reussite