En convainquant Nicolas Hulot, icône de l’environnement, d’entrer au gouvernement, en hissant le ministre de la transition écologique et solidaire au deuxième rang dans l’ordre protocolaire gouvernemental, Emmanuel Macron avait d’emblée placé l’écologie en tête des priorités de la France. Une surprise, tant la campagne du candidat d’En marche ! avait accordé une maigre place à ce dossier. Un an après son accession à l’Elysée, le bilan est plus que mitigé. L’action du chef l’Etat se résume à des prises de paroles extrêmement fortes, notamment sur le climat, accompagnées de politiques timides, voire symboliques. « Le gouvernement tient de beaux discours. Mais son but suprême, c’est le développement du commerce international, pas la défense et la préservation de notre environnement », analyse le philosophe Dominique Bourg, spécialiste de l’écologie.
Sitôt Nicolas Hulot nommé, le doute s’est installé quant à la pérennité du ministre de la transition écologique et solidaire et à sa capacité à peser sur les choix du gouvernement, à changer un modèle économique au regard des impératifs climatiques et environnementaux. Combien de temps le novice allait-il tenir ? Les premières décisions de l’exécutif ont fixé immédiatement les limites de la marge de manœuvre de Nicolas Hulot.
Recul de la baisse du nucléaire dans le mix énergétique, affaiblissement de la définition des perturbateurs endocriniens, interdiction limitée du glyphosate, influence très limitée dans les états généraux de l’alimentation : l’emblème de l’écologie n’a pas réussi à gagner ces arbitrages gouvernementaux. Contraint de composer, le ministre s’est donné « un an » pour juger de l’utilité de son action. Mais à ses premiers pas politiques difficiles s’est ajouté un épisode plus personnel, qui l’a considérablement affaibli : des rumeurs de harcèlement sexuel et de viol publiées dans feu le magazine Ebdo. Nicolas Hulot s’est effacé, réduisant au maximum ses interventions médiatiques.
Notre-Dame-des-Landes
La décision majeure du gouvernement est sans nul doute celle de l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Alors que ses prédécesseurs avaient laissé le dossier s’embourber, Emmanuel Macron a tranché en faveur des opposants à ce projet, comme l’avait fait François Mitterrand en 1981 sur la question du Larzac.
Le 17 janvier, solennellement, Edouard Philippe annonce « que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet qui structure le territoire pour un siècle ne peut se faire dans un contexte d’opposition exacerbée de la population ». Le maintien de Nicolas Hulot au gouvernement était probablement à ce prix. Emmanuel Macron a mesuré les avantages qu’il pouvait récolter auprès des milieux écologistes, bien plus importants que les dividendes à tirer d’une infrastructure dont les experts eux-mêmes mettaient en doute la pertinence.
Pour autant, l’évacuation de la ZAD, condition d’un « retour à l’Etat de droit » annoncé par le gouvernement, reste une question sensible qui, si elle se soldait par un drame, annulerait tout bénéfice de l’abandon du projet aéroportuaire.
Climat
Deux ans après le succès de la COP21, le climat reste avant tout pour Emmanuel Macron une arme diplomatique. Le dirigeant français a été le premier chef d’Etat à condamner, le 1er juin 2017, le choix de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris. Sa réponse postée sur les réseaux sociaux, « Make our planet great again » (détournement du slogan de campagne de Trump « Make America great again »), est un coup politique indéniablement réussi : elle a conforté la France dans son rôle de gardienne de l’accord climatique conclu lors de la COP21, face à un président américain aux positions climatosceptiques revendiquées. A Paris, il a réuni le 12 décembre 2017 – date du deuxième anniversaire de l’accord de Paris – les acteurs publics et privés autour d’un sommet sur les enjeux de financement.
A l’échelle française, en revanche, « le président Macron n’a pas encore donné d’impulsion claire pour ériger notre pays en modèle unanime de transition bas carbone », observent les experts de l’Institut français des relations internationales (IFRI) Marc-Antoine Eyl-Mazzega et Carole Mathieu, dans une note consacrée au leadership de la France sur le climat. « Son diagnostic sur l’urgence climatique et l’aide aux populations vulnérables est le bon, concède Armelle Le Comte, spécialiste énergie et climat d’Oxfam, mais la logique n’est pas poussée jusqu’au bout. »
Fossiles
« Sortir la France des énergies fossiles » était l’une des promesses fortes du candidat Macron, qui se disait partisan d’une « rupture profonde avec le modèle productif existant ». Cette ambition ne s’est guère traduite, jusqu’ici, que par une loi très symbolique sur la fin de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures en France – soit 1 % de la consommation nationale. Adopté le 19 décembre 2017, le texte prévoit l’arrêt de l’extraction de pétrole et de gaz du sous-sol français en… 2040, tout en autorisant quelques dérogations. Et il n’a pas empêché la prolongation de plusieurs permis d’exploration, dont celui accordé à Total au large de la Guyane. Quant à la fermeture des quatre dernières centrales à charbon de l’Hexagone, annoncée pour la fin du quinquennat, elle n’est toujours pas amorcée.
Nucléaire
Il n’aura fallu que six mois à M. Macron pour tourner le dos à l’un de ses engagements de campagne : réduire la dépendance de la France vis-à-vis de l’atome, en ramenant à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2025, ainsi que l’a prévu la loi de transition énergétique de 2012. C’est à son ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, qu’est revenue la tâche mortifiante d’annoncer au sortir du conseil des ministres du 7 novembre 2017, sous l’œil du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, que l’échéance de 2025 était abandonnée.
Assumer très tôt ce renoncement, alors qu’aucun impératif de calendrier ne l’y contraignait, a permis à l’exécutif d’en rejeter la « faute » sur la majorité précédente, qui avait fixé un objectif de principe sans se donner les moyens de l’atteindre. Depuis, le chef de l’Etat n’a cessé de vanter le caractère décarboné de l’énergie nucléaire. Mi-novembre, il s’est saisi de la tribune onusienne de la COP23, la conférence climatique de Bonn (Allemagne), pour affirmer que « la priorité, c’est la baisse des émissions [de gaz à effet de serre] », et non d’« accélérer les fermetures de centrales nucléaires ». Une hiérarchisation des combats qui correspond aux convictions profondes de celui qui, lorsqu’il était ministre de l’économie, qualifiait l’atome de « choix d’avenir ». La programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera arrêtée fin 2018, pourrait repousser à 2035 l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix électrique national.
Santé
Sur le front de la santé environnementale comme sur celui du climat, les mots du chef de l’Etat sont en décalage avec la réalité de son action. Le premier dossier, européen, de la définition des perturbateurs endocriniens – ces substances de synthèse dangereuses présentes dans une variété de produits domestiques, de cosmétiques, de pesticides, etc. – a vu une réduction des ambitions françaises. Sous le mandat de M. Hollande, les positions très fermes de la France, du Danemark et de la Suède avaient contraint la Commission européenne à faire évoluer sa proposition dans un sens plus protecteur de la santé publique et de l’environnement.
Sur la question, très médiatisée, du glyphosate, la France a bien plaidé pour une sortie et n’a pas voté, au niveau européen, pour le renouvellement de la licence du célèbre herbicide. Mais elle n’a pas eu gain de cause et la remise en selle de cette substance, le produit phytosanitaire le plus utilisé au monde, a été votée pour cinq ans, fin novembre. M. Macron a immédiatement annoncé que la France ferait cavalier seul et sortirait du glyphosate en trois ans. Une promesse relativisée quelques mois plus tard par Nicolas Hulot : en cas d’absence d’alternative, des dérogations seront octroyées.
Biodiversité
Sur la question de la biodiversité, les mots sont là encore très forts : « Nous sommes en train de perdre notre bataille contre l’effondrement de la biodiversité », a déclaré le chef de l’Etat fin mars dans une déclaration, prononcée en anglais et postée sur les réseaux sociaux. Mais aucune mesure d’ampleur pour faire face à la crise de la biodiversité n’a encore été prise. Quant aux états généraux de l’alimentation, malgré un discours prometteur d’Emmanuel Macron à Rungis le 12 octobre 2017, les résultats ont été plus importants sur les questions économiques que sur le volet environnemental et le projet de transformation du modèle agricole.
Le Service planète du Monde