Monsieur Emanuel MACRON
Président de la République
Palais de l’Élysée
Monsieur le Président,
Alors que vous vous apprêtez à recevoir M. Prayuth Chan-ocha, le chef de la junte militaire thaïlandaise, nous souhaiterions, attirer votre attention sur la situation déplorable en matière de droits de l’homme et de démocratie en Thaïlande.
Il y a quatre ans, un coup d’État a installé une dictature militaire au pouvoir en Thaïlande. Depuis, la situation des droits de l’homme en Thaïlande n’a cessé de se détériorer.
La junte a mis en place une nouvelle constitution et a imposé un plan militaire national de 20 ans, qui écrase la démocratieet renforce le contrôle autoritaire des organes institutionnels désignés par le régime militaire. Son régime est plus dictatorial depuis que le Roi Vajiralongkorn a pris le pouvoirle 1er décembre 2016 en tant que Roi Rama X de la dynastie de Chakri. Depuis cette date, il devient de plus en plus évident que la Thaïlande s’achemine vers une monarchie absolue.
Le gouvernement de la junte, dirigé par le général PrayuthChan-ocha, continue d’utiliser l’article autoritaire 44 de la constitution militaire intérimaire, ignorant la primauté du droit et la régularité de la procédure. L’article 44 est un outil favori du régime et est souvent utilisé comme un moyen d’oppression pour étouffer et circonvenir les pouvoirs législatifs, administratifs et judiciaires. La loi sur le crime delésé majesté, article 112, est largement appliquée, les autorités du régime continuent d’arrêter, persécuter et emprisonner les activistes pro-démocratie. Les dirigeants étudiants qui ont pris part aux manifestations anti-coup d’État, les avocats des droits de l’homme et d’autres ont été inculpés par les tribunaux militaires et civils. L’ancienne Premier ministre Yingluck Shinawatra a été contrainte de quitter la Thaïlande du fait d’une persécution illégale sans relâche de la part du régime militaire dictatorial. La Thaïlande ne cesse de reculer en ce qui concerne les libertés politiques, sociales et économiques.
Depuis le renversement du gouvernement élu en 2014, la junte militaire thaïlandaise et le général Prayuth Chan-ocha ont utilisé à plusieurs reprises un mélange familier de fausses promesses et des mensonges purs et simples pour réprimer le droit du peuple thaïlandais à un vote démocratique. Des élections ont été promises en 2015, puis en 2016, 2017 et 2018. Récemment, l’Assemblée législative nationale, l’organe parlementaire thaïlandais nommé par la junte, a voté pour reporter l’élection en 2019, et cette semaine le général Prayutha annoncé que les élections ne pourraient avoir lieu qu’après l’intronisation officielle du Roi Maha Vajiralongkorn, pour laquelle, naturellement, aucune date n’a été fixée. Ce déni de démocratie et le refus de la junte d’organiser des élections depuis maintenant plus de quatre ans est absolument inacceptable.
Monsieur le Président, votre rencontre avec le général Prayuthla semaine prochaine est l’occasion pour la France d’envoyer un message clair à la junte militaire, qui ne comprend que le langage du rapport de force. La France ne saurait rétablir des relations économiques approfondies avec la Thaïlande qu’après la tenue d’élections démocratiques et la fin de l’utilisation abusive des articles 44 et 112.
La France, patrie des droits de l’homme, doit exiger de la Thaïlande qu’elle se conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme dont elle est signataire.
La communauté Thaïlandaise résidant en France, qui comprend depuis 2014 de nombreux réfugiés politiques ayant fui la dictature de la junte militaire, vous est extrêmement reconnaissante pour votre soutien.
Je vous d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.
Jaran Ditapichai
Coordinateur de Thai Overseas for Democracy
Ancien Commissaire thaïlandais aux droits de l’homme