Aucune organisation politique, syndicale, associative, ne peut se prévaloir de ne pas connaître de telles situations. Dans tous les cas, d’insupportables arguments rendent difficile leur éradication.
Si les actes de violences sexuelles, physiques, ou les injures, sont généralement condamnés, les gestes, remarques ou « blagues » salaces, ouvertement sexistes, sont largement tolérés au nom d’un environnement largement imprégné d’un sexisme ordinaire.
Il est de règle de faire passer celles et ceux qui dénoncent de tels actes pour des personnes fragiles, peu prêtes à affronter les duretés de la société. Qui plus est, les dénonciations sont souvent considérées comme faisant partie de manœuvres politiques visant à déstabiliser des militants très engagés, sincères, radicaux, critiques… L’imbrication et l’intrication de ces positionnements rendent encore plus difficiles la situation et le combat des victimes.
Des résistances toujours présentes
Le PCF, et donc la CGT, ont longtemps eu des positions natalistes, hostiles au féminisme, refusant de s’engager dans les batailles pour la libéralisation de l’avortement et de la contraception [3]. Il faudra attendre le milieu des années 1990 pour que les combats des femmes trouvent une légitimité, avec la mise en place des commissions femmes-mixité, de la parité dans les structures de direction confédérale. Depuis, publications, formations, journées annuelles, positionnements publics sur les mobilisations… fournissent le socle d’une évolution significative dont témoigne aussi la publication en 2016 de l’étude réalisée par T. Rigaud et R. Silvera à l’initiative du Collectif Femmes-Mixité de la CGT : « Les freins et leviers à l’accès et au maintien des femmes aux responsabilités syndicales. Le cas de la Commission exécutive confédérale de la CGT » [4].
À l’opposé, les positionnements retranscrits par Mediapart, non contestés, de plusieurs responsables confédéraux risquent de décrédibiliser le travail de sensibilisation, de déstabiliser celles et ceux qui s’y sont engagéEs. Ces réactions montrent l’ampleur du travail qu’il reste à faire pour que les organisations apportent enfin des réponses à la hauteur des enjeux.
L’appareil CGT, comme tout appareil associatif, syndical ou politique est imprégné d’un conservatisme social résultant de son existence au sein d’une société patriarcale, capitaliste. La recherche d’équilibres politiques dont l’affaire Lepaon à révélé les risques, amplifie les tentations de compromis, d’atermoiements. La proximité d’échéances électorales renforce la tentation de repli sur la forteresse assiégée. Toute critique ou mise en cause est soupçonnée de n’être qu’une volonté de nuire à l’organisation.
Des avancées à consolider
TouTEs les militantEs syndicaux connaissent les difficultés à mettre en œuvre une activité féministe régulière. Mais les combats transversaux contre le sexisme, le racisme, l’homophobie… ne mettent pas en danger l’unité de la classe ouvrière, des oppriméEs, ni les organisations qui en défendent les intérêts immédiats et « historiques ».
La libération de la parole des femmes, largement favorisée par les campagnes « Balance ton porc » et « Me Too » constitue un engagement dans une voie historique. Les mobilisations qui se développent en Amérique latine, après la Pologne, l’État espagnol, l’Irlande confirment un renouveau. Il ne faudrait pas que les difficultés du syndicalisme, la dégradation du rapport de forces fournissent des prétextes à l’immobilisme, aux reculs. Il faut, au contraire, soutenir l’existant. (Re-)développer les commissions femmes-mixité, les groupes femmes d’entreprises, créer, renforcer les liens avec des organisations comme l’Association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), renforcer les batailles pour l’égalité professionnelle et contre toutes les formes de discriminations, de harcèlement notamment à connotation sexiste ou sexuelle.
Syndicalistes donc féministes, tant qu’il le faudra.
Robert Pelletier