Vendredi 6 juillet, le gouvernement d’Haïti, obéissant en cela aux injonctions du FMI, décidait de ne plus subventionner certains produits, notamment les carburants. Ce qui signifiait une augmentation de 38% pour l’essence, 47% pour le gasoil et 51% pour le pétrole servant aux lampes à pétrole. Alors qu’il n’y a pas d’électricité dans les quartiers pauvres !
Le gouvernement a annoncé la mesure au moment du match Belgique-Brésil, espérant sans doute que les esprits seraient surtout occupés à soutenir le Brésil, équipe très populaire à Haïti. Cela n’a pourtant pas suffi : aussitôt la décision connue, des habitantEs sont descendus par milliers dans les rues pour crier leur colère. Les manifestantEs s’en sont pris aux signes de richesse du pays, les banques, ou les hôtels de luxe. Les supermarchés ont été pris d’assaut et les manifestantEs repartaient avec des denrées de première nécessité. La ville de Port-au-Prince a été bloquée, et l’explosion a également touché des villes de province, dans le nord, sur le plateau central, et au Sud. Partout, la population pauvre a laissé exploser sa colère.
Le lendemain, samedi 7 juillet, le gouvernement publiait un décret annulant celui de la veille et du même coup les hausses de prix. Ce qui n’a pas empêché les émeutes de se poursuivre pendant encore quelques jours, jusqu’à provoquer la démission du gouvernement samedi 14 juillet.
FMI et patronat haïtien à la manœuvre
L’accord signé le 25 février dernier avec le FMI affirme sérieusement tendre à promouvoir la croissance économique et réduire la pauvreté ! En contrepartie d’une « aide » financière, le FMI, comme à son habitude, exige des mesures de réduction des déficits, et donc une baisse des subventions. Avec comme résultat immédiat des hausses de prix des transports, ainsi que des denrées alimentaires, acheminées des campagnes vers les villes.
Haïti est considéré comme un des pays les plus pauvres de la planète. Il compte 58% de sa population vivant en dessous du seuil de la pauvreté, selon les chiffres des Nations Unies. L’inflation est déjà galopante, puisqu’elle dépasse les 13%, et le chômage est massif, ce qui explique ces réactions violentes.
Ce n’est pas la première fois que la population laisse éclater sa colère et exprime ses revendications : en septembre 2017, la capitale avait été bloquée par une grève des transports suite à une augmentation, déjà, des taxes sur plusieurs produits, dont l’essence. Au printemps de cette année, en mai et juin, des milliers d’ouvrierEs du textile, travaillant en sous-traitance à bon marché pour les firmes occidentales, ont manifesté à plusieurs reprises pour revendiquer un salaire minimum de 1000 gourdes (15 euros) par jour. Alors que le salaire minimum est fixé, depuis juillet 2017, à 350 gourdes (8,50 euros), et ne permet pas de vivre décemment. « On nous paie le samedi, le lundi on recommence à s’endetter », exprimait une manifestante. Malgré des promesses répétées à chaque explosion sociale, le gouvernement n’a pas touché pas au salaire minimum, encouragé en cela par les patrons haïtiens. Un gouvernement qui avait déjà promis il y a quelques mois des avantages sociaux concernant le transport, des cartes d’assurance santé et des logements sociaux. Promesses restées sans suite.
Régine Vinon