En janvier, le parti était au bord de l’implosion. Devenue anecdotique dans les urnes, inaudible sur son sujet de prédilection, le Brexit, la formation eurosceptique souffrait surtout de l’instabilité de ses dirigeants – pas moins de cinq leaders différents depuis le référendum du 23 juin 2016. Six mois plus tard, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (Ukip) semble revenir à la vie.
La faute à un paysage politique clivé, dans lequel les deux grands partis – travailliste et conservateur – se divisent en leur sein sur les modalités du divorce d’avec l’Union européenne. Et à un Brexit “doux”, synonyme de liens étroits conservés avec Bruxelles, qui se profile à l’horizon. “La colère reste grande parmi les électeurs, relève le Daily Telegraph. Un sentiment alimenté, chez ceux qui ont voté en faveur du Brexit en 2016, par le sentiment qu’on est en train de les trahir.”
Quelque 4 000 membres supplémentaires en dix jours
À en croire les chiffres du parti, cités par le tabloïd The Sun, l’Ukip a enregistré 2 500 demandes d’adhésion au cours de la deuxième semaine de juillet. Une période qui correspond à la publication de la feuille de route par le gouvernement, dans laquelle on retrouve l’objectif de négociation de “règles communes” avec Bruxelles pour les échanges de biens et d’un accord douanier pour éviter le retour d’une frontière physique entre les deux Irlande.
L’Ukip s’est vanté d’avoir enregistré 4 000 demandes d’adhésion depuis que le plan de Brexit doux de la Première ministre a été annoncé. En avril, le parti affirmait compter 20 100 membres, mais ce chiffre avait fortement baissé après sa débâcle aux élections municipales de mai et le tarissement de ses principales sources de donations.”
Et cette hausse des adhésions se traduit dans les intentions de vote : l’Ukip est passé de 3 % à 7 ou 8 % selon les instituts en l’espace d’une semaine – encore loin des 12 % acquis lors des législatives de 2015.
Trois recrues issues de la droite radicale
Selon le journaliste engagé à gauche Paul Mason dans l’hebdomadaire New Statesman, l’Ukip a, dans le même temps, sérieusement mis la barre à droite. “Après s’être concentré principalement sur l’Europe, l’immigration et l’attisement de l’hostilité envers l’islam, une affiche de l’Ukip collée sur une camionnette présente dans une manifestation au mois de juin incitait les gens à chercher sur Google‘Soros et l’immigration’ et ‘Groupe Bilderberg’, deux grandes obsessions de la droite antisémite”.
Le parti a d’ailleurs récemment enregistré l’adhésion de trois youtubeurs, proche de l’alt-right (droite radicale) américaine. “Mark Meechan, Carl Benjamin et Paul Joseph Watson disent des choses raisonnables, réfléchies et logiques,s’enthousiasme le sulfureux James Delingpole dans l’hebdomadaire conservateur The Spectator. En accueillant ces nouvelles voix, l’Ukip passe d’un parti rempli de vieux hommes excentriques habillés en violet à une force au potentiel révolutionnaire.” Trois hommes peu fréquentables, pour The Guardian, qui les accuse d’avoir “bâti leur réputation et leur popularité sur les réseaux sociaux essentiellement grâce à la diffusion de théories complotistes”.
Marginalisation définitive ou coup de fouet ?
Le troisième cité, “qui vient tout juste de recevoir sa carte de membre de l’Ukip, a plus de 800 000 abonnés sur Twitter et un énorme public aux États-Unis”, ajoute le New Statesman. De quoi assurer au parti une visibilité, sans recourir aux médias traditionnels.
Reste à évaluer l’impact réel de leur engagement dans l’Ukip. Dans l’immédiat, avance The Guardian, cela peut précipiter la “marginalisation définitive” de la formation politique ou au contraire lui donner“un coup de fouet”.
Le degré d’acceptation de ces extrémistes de droite au sein du parti sera un bon indicateur de ce que l’Ukip est prêt à faire pour rester en vie. Un autre sera l’importance du soutien drainé par ses nouveaux membres.”
Sasha Mitchell
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