Imran Khan face à ses opposants et à ses promesses
Une douzaine de partis dénoncent des fraudes lors des élections générales remportées par la formation de l’ex-star du cricket.
Le futur premier ministre du Pakistan devait avoir les coudées franches pour former son gouvernement, selon les résultats quasiment définitifs des élections générales, publiés vendredi 27 juillet, deux jours après le scrutin. Le PTI, la formation de l’ex-star du cricket, obtient 114 sièges sur les 342 que compte l’Assemblée nationale. Ce n’est pas une majorité absolue, mais ce pieux populiste, au tempérament flamboyant, n’aura aucun mal à faire alliance avec des candidats indépendants et islamistes.
Le résultat est contesté : vendredi, une douzaine de partis réunis à Lahore ont dénoncé « un vol » du vote populaire, à l’issue d’un scrutin qu’ils jugent outrageusement manipulé. Ils exigent un nouveau vote et annoncent des manifestations de rue. Leurs élus ne siégeront pas à l’Assemblée.
Mais derrière cette unité de façade, l’opposition hésite. L’ex-parti au pouvoir, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), qui obtient 63 sièges, s’est jointe aux contestataires mais, par prudence, la formation a demandé à consulter ses élus. L’appareil du parti avait décidé la veille qu’ils siégeraient sans faire d’esclandre. Le Parti du peuple (PPP) de Bilawal Bhutto, qui a obtenu un succès honorable avec 43 sièges, a lui aussi dénoncé les résultats, sans toutefois se joindre aux frondeurs.
M. Khan avait promis dès jeudi, dans un discours de victoire au ton accommodant, des enquêtes sur ces accusations de fraude. Il doit apaiser un pays dont une partie est convaincue que son futur premier ministre a bénéficié, durant la campagne, des pressions exercées sur la presse et les candidats par l’armée, hostile à l’ex-premier ministre Nawaz Sharif.
L’institution judiciaire a elle aussi pesé de tout son poids sur l’élection en condamnant M. Sharif à dix ans de prison au début du mois de juillet. Des fraudes ont été dénoncées durant le décompte des votes. Chacun reconnaît cependant que le discours de M. Khan contre la « corruption » des grandes familles politiques a soulevé une vague populaire. Le Réseau pour des élections libres et justes pakistanais, qui avait déployé 20 000 observateurs indépendants durant le scrutin, a minimisé l’ampleur des fraudes.
L’avenir de la contestation se jouera pour une large part dans le Pendjab, la grande région de l’Est et la forteresse du PML-N, d’où est originaire l’essentiel des élites politiques et militaires du pays. Ce parti clientéliste de notables opportunistes a échoué à faire en sorte que l’électorat conservateur se rebelle contre l’armée, à la suite de l’emprisonnement de Nawaz Sharif. La formation de M. Khan l’y talonne. Déchu, le PML-N pourrait chercher un accord pour se maintenir dans son fief et assurer sa survie.
A la capitale, M. Khan arrive, quant à lui, en terre inconnue. Il n’a aucune expérience du gouvernement, après vingt ans d’activisme politique. Il n’a qu’à peine siégé à l’Assemblée depuis 2013. En politique étrangère et régionale, sur laquelle l’armée a la haute main, il peut espérer jouer un rôle de porte-voix plus actif que M. Sharif, tôt disqualifié par ses frictions avec les militaires. « Il y a moins de tensions entre M. Khan et l’armée. On pourrait donc voir un gouvernement civil plus engagé dans la région, qui ne définirait pas les grandes orientations, mais qui pourrait les porter », estime l’analyste Simbal Khan, à Islamabad.
Immenses attentes
Tout comme M. Sharif au début de son mandat, M. Khan a souhaité, jeudi, relancer le dialogue avec le grand voisin indien. Mais aucune impulsion significative n’est attendue avant les élections générales indiennes, prévues au printemps 2019. M. Khan, qui a atténué depuis trois ans ses critiques virulentes envers les Etats-Unis et l’Occident, entend également retisser des liens « mutuellement bénéfiques » avec Washington.
Les Etats-Unis ont gelé, en janvier 2018, l’essentiel de l’aide militaire qu’ils versaient à leur allié pakistanais – l’équivalent de plus d’un milliard d’euros par an. Ils accusent Islamabad de continuer à fournir un asile aux talibans, qui mènent une guerre d’usure au gouvernement de Kaboul, en Afghanistan voisin. Alors que Washington envisage de mener avec les talibans des pourparlers directs, en y associant Kaboul, des versements ont discrètement repris ces derniers mois, et les visites d’officiels américains de haut rang se sont multipliées à Islamabad.
Dans son pays, M. Khan devra rapidement endiguer une dépréciation de la roupie, qui nécessitera sans doute une demande de renflouement auprès du Fonds monétaire international, la seconde depuis 2013. Son parti n’a pas exclu de solliciter l’aide de la Chine, le plus proche allié du pays. « En appeler au FMI imposera des décisions difficiles, il faudra réduire les importations et les dépenses publiques. Ce n’est pas un bon signe pour un nouveau gouvernement », estime l’analyste Zahid Hussain, éditorialiste au quotidien Dawn, alors que la hausse des prix du pétrole pèse sur la balance des paiements.
M. Khan a déjà obtenu un certain succès dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, administrée par son parti depuis 2013. Le PTI n’a pas mené de projets d’aménagement spectaculaires, mais des efforts de développement par la base dans les écoles, la santé et les forces de police, qui lui ont permis d’être largement réélu.
Il devra maintenant assumer les immenses attentes qu’il a suscitées au niveau national. Il a promis de fonder un « Etat-providence islamique », et d’inciter le secteur privé à créer dix millions d’emplois et cinq millions de logements neufs. Il n’a jamais expliqué par quelle méthode il imposerait la « bonne gouvernance » qui doit selon lui sauver son pays de 200 millions d’habitants, en crise perpétuelle. « M. Khan est un héros du cinéma d’action pakistanais, s’inquiète Asma Faiz, professeure de science politique à la Lahore University of Management Sciences. Il est le macho qui résout tous les problèmes, une arme à la main, en une demi-heure. »
Louis Imbert (Islamabad, envoyé spécial)
• LE MONDE | 28.07.2018 à 10h12 :
https://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/07/28/pakistan-imran-khan-face-a-ses-opposants-et-a-ses-promesses_5337043_3216.html
Au Pakistan, la revanche du « capitaine » de cricket Imran Khan
L’ex-star du cricket, un sanguin au tempérament de rock star, a proclamé sa victoire aux élections générales. Ses adversaires dénoncent des fraudes.
Voilà qu’il endosse son costume d’homme d’Etat. En proclamant sa victoire aux élections générales pakistanaises, jeudi 26 juillet, avant même l’annonce des résultats officiels, Imran Khan a tenu un discours calme, accommodant.
Les libéraux du pays, encore sous le choc, ont apprécié. M. Khan, le sanguin au tempérament de rock star, n’a pas sailli contre les « mafias » de ses adversaires, ceux qui l’ont froidement méprisé durant vingt ans. Les Sharif, les Bhutto, ces familles politiciennes « corrompues » que l’ex-star du cricket juge responsables de tous les maux du Pakistan. Il les a enfoncées la veille dans les urnes. Il tâchera de les faire poursuivre en justice, c’est entendu. Mais il promet de faire place à leurs griefs.
Ces griefs sont sérieux. Ses adversaires ont dénoncé des manipulations systématiques en leur défaveur, de la part de l’armée, durant la campagne puis dans la nuit du décompte des votes. Ils accusent à demi-mot cette dernière de faire replonger le pays dans l’autoritarisme, en s’abritant derrière M. Khan, et en profitant du dégoût des classes moyennes urbaines pour leur classe politique établie. L’armée a dénoncé une opération de « propagande malveillante ».
La Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) de l’ex-premier ministre Nawaz Sharif, emprisonné en juillet dans une affaire de corruption, a refusé dès avant l’aube, jeudi, le résultat des urnes. Mais que peut-elle espérer ? La Ligue est un parti de notables opportunistes, pas de militants de rues. Ses mises en garde sonnent creux, pour l’heure. Quant à M. Khan, il se défend de longue date d’être le favori des militaires. Et s’il a pu faire trembler le PML-N depuis des mois, il le doit d’abord à sa propre métamorphose.
Aujourd’hui ou jamais
C’est son côté « Donald Trump » : Imran Khan trouve le moyen de fréquenter les plus riches, tout en portant un discours anti-élites. Il a étudié à la prestigieuse université d’Oxford au Royaume-Uni, mais il est un « sportsman oxfordian » : un petit génie du cricket plus qu’un académique. Il n’a jamais tout à fait appartenu au « club » des élites.
Il n’a jamais été au gouvernement, ni directement inquiété par une affaire. Mais il a fini par devenir un réaliste. Pour s’imposer dans ce scrutin, il a su séduire de grands barons locaux à la réputation douteuse mais constituant un réservoir de votes, notamment dans le fief PML-N du Pendjab. « Vous participez à des élections pour gagner. Pas pour être un gentil garçon », s’était-il justifié à la mi-juillet dans le quotidien Dawn.
Nombre de ses militants historiques en restent désemparés. « C’est contre ces accapareurs de terres, contre ces islamistes incendiaires que nous nous étions dressés avec lui, pendant des années ! Et maintenant “ils” [l’armée] le soutiennent aussi… C’est vraiment embarrassant… », soupire Amnah Mustafa, enseignante en sciences politiques à la Lahore School of Economics, passionnément engagée pendant dix ans dans le Mouvement du Pakistan pour la justice (PTI), le parti de M. Khan.
Aux militants jeunes et éduqués qui désertaient les meetings, des mois avant le scrutin, les cadres du PTI n’ont cessé de répéter qu’« Imran » menait cette année sa dernière campagne. Il a 65 ans. C’était aujourd’hui ou jamais.
Adulé avant d’entrer en politique
Le peuple pakistanais n’a jamais manqué d’amour pour M. Khan, qui était adulé avant d’entrer en politique, en 1996. Le « Kaptaan » (le capitaine) avait mené l’équipe nationale de cricket dans l’une de ses plus belles envolées en Coupe du monde, sinon la plus belle, en 1992. Il était pourchassé par les paparazzis, il avait du succès auprès des femmes… Mais sans véritable appareil de parti, il n’a connu que l’échec.
Depuis octobre 2011, cependant, il montait : les rassemblements de masse qu’il organisait alors à Lahore, à Karachi, l’ont fait prendre au sérieux.
En 2013, il refuse sa défaite aux élections générales, et dénonce des fraudes avec ses partisans, dans la rue. C’est là qu’il est le plus à l’aise. Au Parlement, il ne siège quasiment pas. Il est en campagne permanente depuis cinq ans. Les affaires judiciaires de M. Sharif lui ont donné l’occasion de multiplier les sit-in.
Musulman « born again »
Jeudi matin, l’ex-femme de M. Khan, Jemima Goldsmith, a félicité sur Twitter « le père de [ses deux] fils » pour sa ténacité et son refus d’accepter la défaite. « Vingt-deux ans plus tard, après les humiliations, les obstacles, les sacrifices », il est presque au pouvoir.
Mme Goldsmith, fille du magnat Jimmy Goldsmith, avait rencontré Imran Khan dans les années 1990 à Londres – dont il a été un temps une coqueluche des boîtes de nuits. La conversion à l’islam de Mme Khan n’avait pas empêché des dénonciations vigoureuses de leur union au Pakistan, comme un « complot sioniste », dont Imran Khan aurait été la dupe. Le couple avait divorcé en 2004.
Aujourd’hui, M. Khan se dit revenu à la foi, après ses errances en Occident. Il a tout vu : seule compte la terre de son pays natal. Il se revendique nationaliste absolu, et musulman « born again ». Il a épousé sa conseillère spirituelle en février 2018 et s’est autorisé à puiser, durant la campagne, dans les thèmes des mouvements de l’extrême droite islamiste.
Sur les réseaux sociaux, ses partisans ont flirté avec les accusations de blasphème, qui au Pakistan sont des incitations au meurtre. Déjà, les libéraux craignent que les factions islamistes dont M. Khan pourrait chercher l’appui au Parlement aient les coudées plus franches, sous son mandat, pour s’en prendre aux minorités religieuses du pays.
Imran Khan, « un franc-tireur »
Quant à l’armée, échaudée par l’ancien premier ministre Nawaz Sharif, qui l’a trop défiée, elle a paru s’interroger sur M. Khan. « Il est le moindre mal avec lequel l’armée puisse vivre. Mais elle s’en préoccupe : c’est un franc-tireur, qui se contredit lui-même à chaque détour de phrase… », estime Amir Mateen, animateur d’un talk-show sur une chaîne favorable à Imran Khan.
Elu, sera-t-il contrôlable ? M. Khan a été successivement favorable et hostile au dialogue avec l’Inde, tendre et sévère avec les talibans. Depuis trois ans, il mesure ses dénonciations de l’Occident. Mais un coup de sang est vite arrivé : en 2012, il avait osé suggérer que l’armée abatte les drones américains qui frappaient des militants islamistes dans les régions tribales, à la frontière afghane.
Les militaires fréquentent cependant de longue date le personnage. Il était revenu au cricket en 1987 à la demande du président putschiste Mohammad Zia Ul-Haq. Il a côtoyé le général Pervez Musharraf, avant de s’en écarter en fin de règne, en 2007. Il a surtout été proche de Hamid Gul, l’ancien chef des services secrets militaires pakistanais (Inter Services Intelligence), et grand soutien du « djihad » antisoviétique en Afghanistan, durant les années 1980. En 2013, le Tehrik-e taliban Pakistan, les talibans pakistanais, avait tenté sans succès de se faire représenter par « Taliban Khan » dans des pourparlers avec le gouvernement.
Selon les résultats préliminaires, M. Khan pourrait enlever au PML-N le gouvernement régional de son fief, le Pendjab, la région la plus peuplée du pays, celle dont l’essentiel des élites politiques et militaires sont issues. Il a embrassé la cause du sud déshérité de la province. Il entend la réorganiser en cent jours, sans préciser comment ni dans quel ordre.
« M. Khan est un héros du cinéma d’action pakistanais : il est le macho qui résout tous les problèmes, une arme à la main, en une demi-heure » dit Asma Faiz, professeure de sciences politiques à la Lahore university of management sciences. Il a promis la naissance d’un « Etat-providence islamique », dix millions d’emplois et cinq millions de logements neufs. Rares sont les analystes qui jugent ces annonces crédibles.
Louis Imbert (Lahore, envoyé spécial)
• LE MONDE | 27.07.2018 à 06h35 • Mis à jour le 27.07.2018 à 07h32 :
https://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/07/27/au-pakistan-la-revanche-du-capitaine-imran-khan_5336473_3216.html
Au Pakistan, des islamistes radicaux en campagne
Des mouvements liés à des groupes armés pourtant interdits ont pris part aux élections générales de mercredi, influant sur les partis dominants.
Voilà un homme peu commode. Jibran Nasir, la trentaine, est avocat. Barbe noire et moustache soignée, le verbe batailleur, il déroule un discours résolument laïc, qui le distingue dans les élections générales pakistanaises qui se sont déroulées mercredi 25 juillet. M. Nasir brigue un siège au Parlement, à Karachi, monstre urbain d’environ 20 millions d’habitants – personne ne connaît le chiffre exact –, le plus grand port du Pakistan qui pollue tant qu’il le peut la côte est de la mer d’Arabie. Ses mots d’ordre progressistes et tolérants lui valent l’hostilité de l’extrême droite islamiste, qu’il dénonce.
Depuis deux mois, des partis fraîchement créés, dont certains sont affiliés à des groupes armés interdits, ont imprimé leur marque sur cette campagne. Ils dénoncent la minorité religieuse persécutée des Ahmadi et militent pour le maintien d’une loi draconienne condamnant le blasphème, à l’image du Tehrik-e-Labaik Pakistan, qui se rallie au cri de « Mort aux blasphémateurs ».
Il y a quelques semaines, interpellé dans un rassemblement public à Karachi, Jibran Nasir a refusé poliment de déclarer sa religion. Depuis, de petits groupes de militants islamistes s’invitent à ses meetings. Ils font du bruit, bousculent ses partisans – des jeunes pour la plupart, éduqués et déterminés. Ils viennent les enquiquiner jusque chez eux.
Le 17 juillet, M. Nasir s’est trouvé encerclé par une foule hostile, dans la rue. Il a fallu que les paramilitaires qui tiennent Karachi, les Sindh Rangers, dirigés par des officiers de l’armée, le sortent de ce mauvais pas. Un camarade a fini par glisser à M. Nasir : « Tu vas te faire tuer. »
« Inefficacité incroyable des autorités »
« Cela fait cinq ans qu’on m’accuse de blasphémer, en direct à la télévision comme dans mes meetings. Tant que je suis vivant, on peut dire que ce ne sont que des mots, dit-il, lorsqu’on l’interroge sur la réalité de la menace qui pèse sur lui. Je constate que ces gens agissent librement. C’est le fruit d’une inefficacité incroyable des autorités, ou bien peut-être est-ce planifié, voulu. »
M. Nasir aimerait que les formations politiques dominantes cessent de faire les yeux doux aux factions islamistes et qu’elles dénoncent ensemble leurs excès. Mais il se fait peu d’illusions. Celui que les sondages ont donné favori durant la campagne, l’ex champion de cricket Imran Khan, a capitalisé dans ses discours sur la question du blasphème. Il sait qu’en cas de victoire au scrutin de mercredi, il devra s’efforcer de constituer une coalition fragile avec des indépendants et des formations islamistes.
Mercredi, un attentat suicide a frappé un bureau de vote dans la ville de Quetta, dans la province instable du Baloutchistan (sud-ouest), qui a fait au moins 29 morts. Le 13 juillet, un précédent attentat, revendiqué par l’organisation Etat islamique, avait fait 149 morts, dans la même région, dans un meeting électoral d’une puissante famille locale, proche des services de sécurité. C’était la pire attaque menée dans le pays depuis la fin des dernières opérations majeures de l’armée dans les régions tribales du nord-ouest, refuge des talibans pakistanais, en 2016.
Malgré cet attentat spectaculaire, et plusieurs attaques revendiquées par les Talibans dans les régions pachtounes du nord-ouest, la campagne électorale fut au fond moins violente que celle de 2013. Mais les mouvements radicaux se sont banalisés dans le jeu électoral. Les petits partis qu’ils ont créés sont destinés à obtenir un score modeste dans les urnes, mais ils font du prosélytisme, ils cherchent des partisans, ils influencent.
« Rien de répréhensible ne sort »
« Facebook a fermé hier notre compte principal, sans explications, au dernier jour de la campagne ! C’est dur…, se désole Hanzla, la vingtaine, membre de l’équipe chargée de la communication de l’un de ces mouvements, Allahu Akbar Tehrik. Nous avons pourtant un comité de censure interne : rien de répréhensible ne sort. » Hanzla aura à peine eu le temps de nous offrir un thé au lait, mardi 24 juillet, dans son quartier général à Lahore, capitale de la puissante province du Pendjab (est), où se jouent ces élections. Un coup de fil des autorités nous a fait éconduire poliment. Elles tiennent ces lieux à l’œil.
Hanzla et ses camarades opèrent dans le quartier Mazang, dans le centre-ville, derrière une haute enceinte gardée par de jeunes hommes armés habillés de kaki, d’allure paramilitaire. Des policiers attendent dans la cour. Le mouvement occupe tout un bloc d’immeubles : des militants traînent sur les terrasses, et sur les marches de leur mosquée, dans la chaleur humide.
Le parti exhibe volontiers sur ses affiches le visage d’Hafiz Saeed, candidat à Lahore. L’homme est accusé d’avoir orchestré les attentats de Bombay de 2008, en Inde, qui avaient tué 166 personnes. Il est considéré comme un terroriste par les Nations unies, et Washington a mis sa tête à prix, pour 10 millions de dollars (9 millions d’euros), ce qui ne l’a pas empêché de se faire couvrir de pétales de roses en meeting.
En avril, les Etats-Unis ont placé son mouvement, la Milli Muslim League (MML) sur leur liste des organisations terroristes : ils y voient un paravent du Lashkar-e-Toiba, que M. Saeed a cofondé pour mener des attaques contre des troupes indiennes dans la région himalayenne du Cachemire, que se disputent l’Inde et le Pakistan. La MML s’est vue interdire de participer aux élections. Ses militants, habitués à changer sans cesse le nom et le statut social de leur parti, ont fait comme d’habitude : ils ont rejoint une autre coquille, Allahu Akbar Tehrik, qui présente 253 candidats à travers le pays.
Louis Imbert (Karachi, Lahore, envoyé spécial)
• LE MONDE | 25.07.2018 à 16h57 :
https://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/07/25/au-pakistan-des-islamistes-radicaux-en-campagne_5335894_3216.html
Attentat-suicide meurtrier à Quetta, alors que les Pakistanais élisent leurs députés
Au moins 31 personnes ont été tuées et 70 blessées par un kamikaze qui a fait exploser sa charge près d’un bureau de vote, dans la province du Baloutchistan.
Alors que les Pakistanais sont appelés aux urnes pour des élections législatives sous haute tension, au moins 31 personnes ont été tuées et 70 blessées par un kamikaze qui a fait exploser sa charge, mercredi 25 juillet au matin, près d’un bureau de vote de Quetta (sud-ouest). Le kamikaze « a essayé d’entrer dans le bureau de vote et quand la police a tenté de l’arrêter, il s’est fait exploser », a déclaré un haut responsable de l’administration locale, Hashim Ghilzai.
Le bilan, d’abord évalué à 28 morts et 35 blessés, est monté à 30, dont trois policiers et quatre enfants, après que deux des blessés ont succombé à leurs blessures, a déclaré le docteur Wasim Baig, porte-parole de l’hôpital provincial Sandeman de Quetta. L’attentat a été revendiqué par l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) par le biais d’Aamaq, son agence de propagande.
Quetta est la capitale de la province méridionale du Baloutchistan, la plus pauvre et la plus instable du pays. Les attentats y sont fréquents. Elle a déjà été endeuillée à la mi-juillet par un autre attentat-suicide, qui avait fait 153 morts lors d’une réunion électorale à Mastung, à une quarantaine de kilomètres de Quetta. L’EI avait revendiqué l’attentat.
Le champion de cricket Imran Khan en lice
Imran Khan, star pakistanaisedu cricket.
Les législatives, pour lesquelles 106 millions d’électeurs, sur une population de 207 millions de personnes, sont appelés aux urnes, pourraient voir l’ex-champion de cricket Imran Khan accéder au pouvoir, au terme d’une campagne assombrie par des attentats et des accusations d’interférence de l’armée et marquée par une plus grande visibilité des partis religieux extrémistes.
Outre Imran Khan, chef du parti PTI, l’autre principal prétendant au poste de premier ministre est Shahbaz Sharif, frère de l’ancien chef du gouvernement Nawaz Sharif, à la tête du parti PML-N. Les analystes estiment cependant que le jeu reste largement « ouvert ». Le scrutin de mercredi ne représente que la seconde transition démocratique d’un gouvernement civil à un autre dans ce jeune pays au passé ponctué de coups d’Etat militaires et d’assassinats politiques.
Mais la campagne, brève et acrimonieuse, a été dépeinte par certains observateurs comme l’une des plus « sales » de son histoire en raison de nombreuses manipulations présumées, censées favoriser Imran Khan. Les plus de 85 000 bureaux de vote fermeront leurs portes à 13 heures locales (15 heures en France). Les premiers résultats sont attendus dans la soirée.
Le Monde.fr avec AFP
• Le Monde.fr | 25.07.2018 à 09h49 • Mis à jour le 25.07.2018 à 15h02 :
https://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/07/25/pakistan-attentat-meurtrier-a-l-ouverture-des-bureaux-de-vote-pour-les-legislatives_5335628_3216.html
Les juges pakistanais s’immiscent dans la campagne électorale
La Cour suprême est accusée d’outrepasser son rôle dans sa croisade anticorruption.
Quelque peu à l’écart des candidats en campagne et des généraux ombrageux, un troisième personnage détermine les élections générales pakistanaises, prévues le 25 juillet. C’est un juge, Mian Saqib Nisar. Depuis deux ans, le chief justice de la Cour suprême n’a cessé de bousculer la classe dirigeante de son pays, et la morgue habituelle à sa fonction. Il mène une croisade flamboyante contre la corruption.
La Cour a destitué l’ex-premier ministre Nawaz Sharif en juillet 2017, après des révélations sur la détention par sa famille d’un luxueux appartement à Londres, à travers des holdings offshore. Elle a jugé qu’il avait enfreint la Constitution en se montrant « malhonnête ». M. Sharif s’est vu interdire de se présenter aux élections et de garder les rênes de son parti, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N). Dans un avis rendu quelques mois plus tôt, l’un des magistrats avait jugé opportun de mentionner une citation de Balzac, qu’il avait dit avoir trouvée dans le roman Le Parrain de Mario Puzo : « Derrière chaque grande fortune, il y a un crime. »
La fille de M. Sharif, Maryam, en a appelé « au tribunal du peuple » contre l’institution, dont les jugements sont sans appel. Pour faire bonne mesure, la Cour s’est penchée sur l’« honnêteté » du principal rival de M. Sharif, l’ex-joueur de cricket Imran Khan, que le PML-N accuse d’avoir les faveurs de l’armée. Elle n’a pas trouvé matière à redire, mais elle a disqualifié certains de ses proches collaborateurs. « Les gens n’attendent pas de l’armée qu’elle soit indépendante, mais la justice… C’est la grande déception !, estime Ghazi Salahuddin, fondateur du quotidien The News. C’est elle qui a trahi le pays. Il paraît évident qu’elle suit les injonctions de “l’establishment” militaire : c’est une justice sélective. »
« Entente tacite entre l’armée et la Cour »
Le jeu est en réalité plus complexe. L’institution judiciaire s’est régulièrement pliée, par le passé, aux diktats de l’armée, mais elle dispose d’une réelle autonomie. En 2007, elle avait précipité la chute du général Pervez Musharraf, après sept ans de pouvoir. « Il y a aujourd’hui une entente tacite entre l’armée et la Cour. Les Sharif et les Bhutto, les familles politiciennes établies, sont des cibles sur lesquelles elles peuvent s’accorder. Elles se renforcent en les attaquant », estime Yasser Kureshi, qui soutient une thèse à l’université Brandeis de Boston, aux Etats-Unis, sur l’activisme de la justice pakistanaise.
Ce « grand nettoyage » est applaudi dans les classes moyennes des grandes villes, par des avocats, des médecins qui désespèrent de leurs élus, et qui subissent au quotidien les défaillances de l’Etat. Au sein même de la Cour suprême, des voix s’interrogent : les juges n’exercent-ils pas leur pouvoir avec excès, en se fondant sur le flou du texte constitutionnel ? « Qu’est-ce que c’est “l’honnêteté” qu’impose la Constitution aux politiques ? Ça n’est pas bien tangible », confie le magistrat Qazi Faez Isa.
« La justice est votre “baba” [un vieux sage des villages]… Ne doutez pas de son intégrité », répondait, en décembre 2017, à ses critiques, le chief justice Nisar, qui joue la surenchère. Au gré de l’actualité et de ses voyages incessants, il ne cesse de s’autosaisir de nouveaux cas – le droit l’y autorise. Il a déclaré vouloir lutter contre les poulets aux hormones, les hépatites et le cancer. Début juillet, en visite à Rawalpindi, dans un hôpital dont la construction traînait selon lui, il a dû se défendre de mener l’équivalent d’une campagne électorale.
« Folie des grandeurs »
Fin juin, il avait convoqué un magnat de l’immobilier, Malik Riaz, visé par une enquête fédérale pour des soupçons d’accaparement de terrains à Karachi. Agacé par les lenteurs de l’enquête, M. Nisar lui avait intimé de déposer 20 milliards de roupies à la Cour (132 millions d’euros), afin que l’argent mal acquis soit « rendu à la nation ». L’entrepreneur a plaidé « au nom de Dieu » pour une réduction du dépôt à 5 milliards, qu’il a obtenue en attente du verdict.
A ce rythme effréné, la Cour se trouve saisie aujourd’hui de 38 000 dossiers : elle ne pourra jamais tous les traiter, note le juge Isa. « C’est une folie des grandeurs qui anime le chief justice ! Et l’armée s’en sert et la détourne », soupire le colonel Inam Ur Raheem, militaire à la retraite et juriste réputé. M. Raheem aimerait que la Cour se concentre sur les cas les plus graves. Il s’échine à porter devant elle, parfois depuis des années, des « disparitions » de civils aux mains des services de renseignement de l’armée, et des affaires de corruption au sein de l’institution. La plupart du temps, c’est en vain.
Louis Imbert (Lahore, envoyé spécial)
• LE MONDE | 24.07.2018 à 11h28 :
https://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/07/24/les-juges-pakistanais-s-immiscent-dans-la-campagne-electorale_5335268_3216.html
Au Pakistan, le clan Sharif joue sa survie politique face à l’armée
L’ex-premier ministre emprisonné suspecte l’armée de soutenir son opposant, favori des élections générales qui se tiennent mercredi.
Deux micros en mains, debout sur le marchepied d’une voiture tapissée de pétales de roses, Shahbaz Sharif n’y voit plus rien : les lampes des caméras de télévision l’aveuglent. Fort tard dans la nuit de dimanche 22 à lundi 23 juillet, le patron de la puissante Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), faction fondée par son frère de la formation qui porta la création du pays, achève sa campagne pour les élections générales pakistanaises, prévues le 25 juillet. M. Sharif mène une cavalcade motorisée à travers les quartiers ouvriers endormis du sud de Lahore, proche de la frontière indienne, le fief de sa famille.
Lent et grave, le dos rompu à force de sillonner ce pays de plus de 200 millions d’habitants, Shahbaz Sharif fait halte dans de petits rassemblements dits de « coin de rue », auprès de candidats locaux qui l’attendent si tard. Il fait l’éloge de son frère aîné, l’ex-premier ministre Nawaz Sharif, le chef de famille.
Condamné début juillet à dix ans de prison dans une affaire de corruption, avec sa fille Maryam, son héritière politique présumée, Nawaz Sharif ne peut pas faire campagne. Il a été incarcéré le 13 juillet, à son retour de Londres, où sa femme demeure hospitalisée pour un cancer. Depuis lors, c’est sur les épaules du cadet, Shahbaz, que repose l’avenir du parti, au pouvoir depuis 2013. Et la survie politique de cette famille, au cœur de la vie publique du pays depuis trois décennies.
Cela peut paraître un contre-emploi pour Shahbaz Sharif. A 66 ans, cet administrateur tient certes avec efficacité depuis dix ans, à Lahore, le gouvernement de la grande province du Pendjab. Mais il est réputé autoritaire, buté, sans charisme et mauvais tribun. Son parti le protège des journalistes – il n’a donné qu’une poignée d’interviews durant la campagne. Le don de l’écoute et la courtoisie exquise, l’art des alliances de salons, c’est Nawaz (68 ans) qui les possède. Son frère fait vaille que vaille bonne figure à la tête d’un parti de notables et de clientèles, qui se fissure sous la pression de ses adversaires et de l’armée.
Nawaz Sharif, homme du sérail
Les sondages sont mauvais, mais ils demeurent serrés. Le PML-N accuse des factions au sein de l’armée de peser de tout leur poids, en coulisses, pour faire pencher la balance contre lui. Elles chercheraient à réduire la puissance du parti, afin de conserver la main sur leurs prérogatives historiques : la politique étrangère – la rivalité avec l’Inde, l’influence en Afghanistan –, ainsi que la gestion de la menace terroriste sur le territoire pakistanais, largement réduite par des opérations militaires depuis 2014.
Les Sharif auraient pu remporter ces élections haut la main. Ils tiennent le Pendjab, la région la plus peuplée du pays, celle dont l’essentiel des élites politiques et militaires sont issues, et là où le scrutin se décide. Shahbaz y a multiplié les grands travaux d’aménagement, les routes. Le parti familial y nomme administrateurs et policiers, il distribue les prébendes. Au gouvernement central, le PML-N a assis depuis 2013 sa réputation de compétence managériale. Mais au printemps 2016, les noms de plusieurs membres de la famille sont apparus dans les révélations des « Panama papers ».
Des documents du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca ont montré que les enfants du premier ministre détenaient des sociétés et des biens immobiliers par l’intermédiaire de holdings offshore. Le chef de famille a dû démissionner. Dans les poursuites judiciaires mal ficelées qui l’accablent, Nawaz Sharif voit la main de l’armée. Il l’a défiée dans sa politique étrangère en s’essayant au dialogue avec l’Inde, et ulcérée en questionnant son soutien à des « acteurs non étatiques » islamistes, en la liant implicitement, en mai, aux responsables des attentats de 2008 à Bombay, en Inde.
M. SHARIF N’A QU’UNE INFLUENCE SYMBOLIQUE SUR CETTE CAMPAGNE : IL N’A PU RECEVOIR QU’UNE SEULE VISITE DES CADRES DE SON PARTI
Dans sa prison de la ville de garnison de Rawalpindi, proche de la capitale Islamabad, Nawaz Sharif patiente seul, sans aucun voisin de cellule. Il dispose d’un petit ventilateur et d’un journal quotidien depuis quelques jours. Le menu ordinaire nuit à son diabète, affirment ses proches, et il souffre du cœur. Ses docteurs ont recommandé dimanche une hospitalisation, ils le disent déshydraté.
M. Sharif n’a qu’une influence symbolique sur cette campagne : il n’a pu recevoir qu’une seule visite des cadres de son parti. Cela lui laisse le temps de méditer sur une lettre d’encouragements, publiée par le PML-N, adressée à son frère par le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Pour les Sharif, M. Erdogan est un modèle : il a su renvoyer l’armée turque dans ses casernes, résister à une tentative de coup d’Etat en 2016 et façonner à sa main un pouvoir civil, sans grande passion pour les règles et l’esprit de la démocratie.
Nawaz Sharif, lui, a longtemps été un homme du sérail, avant d’endosser le costume d’un grand militant de l’Etat civil antiprétorien. Poussé par sa famille d’industriels de l’acier, il est entré jeune en politique, sous la dictature militaire du général Zia Ul-Haq (1978-1988). Au Pendjab, il incarne alors une nouvelle génération d’hommes d’affaires urbains face aux féodaux, aux propriétaires terriens traditionnels.
Intenses pressions
Il est nommé premier ministre à 40 ans, en 1990. Les services de renseignement de l’armée en avaient fait leur missile de croisière contre le Parti du peuple et contre son chef, l’icône Benazir Bhutto, la fille de Zulfikar Ali Bhutto, ex-premier ministre charismatique pendu en 1979. M. Sharif s’émancipera de l’armée dans les années 1990.
Il sera victime à son tour d’un coup d’Etat, qui porte le général Musharraf au pouvoir en 2001. Il quittera le pays, y reviendra en 2008, pour participer à deux élections démocratiques de rang : une continuité inconnue des électeurs pakistanais depuis l’indépendance, acquise en 1947.
Si l’armée s’oblige désormais à respecter en apparence les règles du jeu démocratique, la plupart des grands partis ont estimé publiquement, à la suite du PML-N, que des militaires avaient tiré toutes les ficelles à leur disposition pour influencer le vote, avec plus de force ces dernières semaines. « Un tel niveau de manipulation préélectorale, c’est sans précédent… Cela aurait pu avoir lieu au temps de la loi martiale. Mais au moins, à l’époque, l’armée assumait ses actes. Elle ne le fait plus », déplore Ghazi Salahuddin, fondateur du quotidien The News et militant des droits civiques.
Plus de 370 000 soldats seront déployés dans les bureaux de vote, le 25 juillet. La commission électorale leur a accordé l’autorité de « magistrats », et la capacité de condamner sur place tout contrevenant au droit électoral. Plus de 17 000 membres du PML-N font l’objet d’enquêtes de police à Lahore, pour avoir participé à des rassemblements politiques non autorisés, après le retour de Nawaz Sharif dans son pays. « Moi-même, je suis soupçonnée d’actes de “terrorisme” pour les mêmes raisons », plaisante l’ancienne ministre de l’information du PML-N, Marriyum Aurangzeb. Des candidats du parti auraient fait l’objet d’intenses pressions dans le sud du Pendjab, pour qu’ils quittent les rangs.
Lundi 23 juillet à Lahore, au dernier soir bien terne de cette campagne – aucun parti n’avait pu ou voulu organiser de meeting de très grande ampleur –, le principal rival des Sharif, l’ex-champion de cricket Imran Khan, a engagé Nawaz à cesser « de pleurer parce qu’il y a des moustiques dans sa cellule et que l’air conditionné tombe en panne ». Que M. Sharif se présente « en nouveau Nelson Mandela » l’horripile. Principal bénéficiaire des mésaventures de Nawaz Sharif, M. Khan se défend d’avoir les faveurs de l’armée. Les militaires s’interrogeraient encore sur son caractère réputé instable, selon un observateur à Islamabad.
L’armée, symbole de l’unité nationale
Contempteur de la corruption et des élites, M. Khan a su s’allier, dans ce scrutin, plusieurs barons de provinces du PML-N à la réputation douteuse. Ce cynisme assumé choque ses partisans historiques, mais il lui assure des votes, qui voient son heure enfin arriver. En cas de victoire, probablement serrée, il devrait s’efforcer de former un fragile gouvernement, avec des indépendants et des mouvements islamistes, réputés proches de l’armée.
Il n’est pas acquis que M. Sharif et sa fille demeurent quant à eux en prison. Mais ils sont encore poursuivis dans deux autres affaires de corruption, qui promettent de s’éterniser. « C’est d’autant plus gênant que Nawaz Sharif s’est isolé avec le temps, estime un homme d’affaires proche de la famille. Il y a dix ans, 200 personnes avaient accès à lui. Peu avant qu’il ne soit emprisonné, ils étaient trente. »
Nawaz Sharif saura-t-il garder dans ces conditions le contrôle de son parti ? Le PML-N pourrait rechigner à le suivre s’il continuait à défier l’establishment militaire après les élections. Le parti a conscience que l’armée demeure populaire dans le pays : elle est un symbole de l’unité nationale. Son frère cadet lui-même, Shahbaz Sharif, ne s’est résolu que dans les derniers jours à élever la voix contre l’institution militaire. Pour le directeur de campagne du parti, le sénateur Mushahid Hussein, un transfuge récent réputé entretenir de bons liens au sein de l’armée, il n’y a pas lieu de s’interroger pour l’heure sur ce qu’en pense le chef de famille, Nawaz, « isolé » en prison : « C’est hors de propos », dit-il.
Louis Imbert (Lahore, envoyé spécial)
• LE MONDE | 24.07.2018 à 11h31 • Mis à jour le 25.07.2018 à 06h40 :
https://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/07/24/au-pakistan-le-clan-sharif-joue-sa-survie-politique-face-a-l-armee_5335275_3216.html
La longue marche des Pachtouns
La minorité vivant dans les zones tribales dénonce la mainmise de l’armée à l’approche des élections.
Manzoor Pashteen a de grands yeux effilés, d’un noir profond, et un sourire lumineux, désarmant de douceur. Ce vétérinaire de 26 ans n’est pas le plus brillant des orateurs – son lyrisme l’emporte aux quatre vents –, mais sa candeur fait des merveilles. Depuis janvier, il a su soulever un mouvement de défense des droits civiques inédit au Pakistan, depuis les régions tribales pachtounes, frontalières avec l’Afghanistan.
Avec quelques camarades de son âge, à la tête du Mouvement de protection des Pachtouns (PTM), il a osé mettre en cause, sans pudeur, l’armée pakistanaise, qui a tous pouvoirs dans la ceinture tribale du Nord – un lacis de montagnes infortunées, qui a été le refuge de tous les groupes djihadistes et insurgés de la région après la chute du régime taliban, en Afghanistan, en 2001. Le PTM accuse l’armée de tuer et d’emprisonner dans l’impunité des Pachtouns, qui peuplent ces montagnes et fournissent l’essentiel des rangs des talibans, des deux côtés de la frontière. « Ils nous tuent de toute façon, pourquoi devrions-nous nous taire ? », s’interrogeait M. Pashteen à la mi-juillet, à Peshawar, la grande ville du Nord.
« Disparition »
Le Pakistan n’a plus en tête que les élections générales prévues le 25 juillet : l’ex-premier ministre emprisonné, Nawaz Sharif, lutte pour sa survie politique, dans un scrutin qui apparaît de plus en plus ouvertement manipulé par l’armée. Mais, depuis sa cachetteà Peshawar, M. Pashteen tempête encore. Mercredi 18 juillet, il avait trouvé refuge dans le quartier périphérique de Tajabad, derrière une décharge à ciel ouvert, sous les dernières piles d’une ligne de métro aérien en construction.
Les forces de sécurité isolent M. Pashteen et ses camarades. Elles n’osent l’arrêter, mais elles harcèlent ceux qui l’hébergent – il peut changer de logement plusieurs fois par jour – et les petites mains de son mouvement. Le 6 juillet, c’est un camarade d’université, Hayat Preghal, forte voix du PTM sur les réseaux sociaux, qui a « disparu » à Dera Ismaïl Khan (Nord).
Des centaines de personnes ont demandé sa libération, le 15 juillet. La foule était courageuse : quelques jours plus tôt, les talibans avaient frappé un meeting du parti nationaliste pachtoun, l’ANP, à Peshawar, faisant 20 morts. Le 13 juillet, un attentat revendiqué par l’organisation Etat islamique a tué près de 150 personnes dans la province voisine du Baloutchistan. Des partis islamistes, faux-nez de groupes armés que les autorités tolèrent, font ouvertement campagne à Peshawar – la moue pouponne et boudeuse de l’un de leurs candidats y est omniprésente, affichée dans le centre historique.
« Les autorités essaient de nous occuper dans des pourparlers avec des chefs tribaux sans pouvoir. Pour l’heure, ces négociations sont interrompues, parce qu’ils continuent à arrêter nos militants : ils veulent les démoraliser, les renvoyer à la peur dans laquelle ils ont vécu pendant des décennies », estime Said Alam Mahsud, pédiatre et membre de la direction du PTM.
Face à cette pression, comment survivre ? Le PTM a mené au printemps une longue marche vers Islamabad, la capitale, qui s’est achevée dans la grande ville portuaire de Karachi (Sud), en mai. Mais, depuis, les médias pakistanais, sous pression à l’approche du scrutin, ont cessé de couvrir leurs activités. Trois leaders du mouvement, engagés de longue date en politique, sont candidats aux législatives dans les zones tribales. « Nous devons aller au Parlement pour affirmer que nous acceptons l’autorité de l’Etat, mais pas sa brutalité. Sinon, l’armée et la justice finirontpar nous appeler des traîtres », dit l’un d’eux, Nangyal Bhittani. Mais le PTM s’accroche à sa pureté apolitique : il a pris ses distances. Les militants de base se demandent si leurs candidats ne se sont pas vendus pour un siège, pour de l’argent. « S’ils n’étaient pas entrés dans le jeu électoral, s’ils avaient poursuivi le mouvement pour nos droits, nous pouvions faire un “printemps arabe” ! Ça allait si vite… », déplore Anwar Saddar, 30 ans, hôtelier à Peshawar.
Le 15 juillet, M. Pashteen est fier d’avoir fait scander à la foule ce dangereux slogan : « Le terrorisme, les hommes en uniforme le soutiennent ! » Pour lui, les talibans ne sont que des supplétifs de l’armée, qu’elle instrumentalise pour maintenir son influence en Afghanistan voisin. Ce discours est intolérable pour les militaires, qui ont perdu 815 soldats dans une opération qui a duré deux ans pour reprendre, en 2016, le contrôle total des zones tribales.
Face-à-face « stupide »
Des conseillers du PTM jugent « stupide » ce face-à-face qui perdure avec l’armée, symbole de l’unité du Pakistan. Ils exhortent Manzoor Pashteen àprendre ses distances avec les militants pachtouns qui ont brandi les slogans du PTM en Afghanistan. Pour l’armée et ses relais sur les réseaux sociaux, c’est la preuve que le mouvement est « instrumentalisé » depuis l’étranger. Face aux amis qui déplorent que le mouvement s’épuise en refusant d’adoucir sa rhétorique, de transiger, le docteur Said Alam Mahsud lève les bras au ciel : « C’est leur problème ! C’est aux autorités de savoir ce qu’elles doivent faire de nous… Nous, nous ne pouvons que pleurer ! »
« Les opérations militaires d’envergure menées dans les zones tribales depuis 2008 ont laissé des cicatrices terribles. Des centaines de personnes ont disparu », tuées ou demeurées emprisonnées sans poursuites, rappelle l’expert Saifullah Khan Mahsud, directeur du FATA Research Center, à Islamabad. « En 2016, l’armée a su démanteler les réseaux talibans qui menaient des attaques au Pakistan. Mais nombre de militants ont fui dans d’autres provinces et en Afghanistan : ils reviennent peu à peu. » Des milliers de civils déplacés, qui reviennent eux aussi chez eux, peinent à obtenir des compensations pour leurs morts et pour les destructions matérielles.
Les incidents sont aujourd’hui moins nombreux aux points de contrôle de l’armée dans les zones tribales. Mais les barrières demeurent, comme les champs de mines. Surtout, le meurtrier présumé de Naqibullah Mehsud, un employé de commerce de Karachi, originaire des zones tribales, a été libéré sous caution à la mi-juillet, en attente d’un procès. La mort de ce jeune Pachtoun qui rêvait de mannequinat, dans une opération de police présentée comme « antiterroriste », avait été une étincelle. Elle avait propulsé le PTM sur la scène nationale, en janvier.
Fin mai, le Parlement a fait un grand pas en effaçant de la Constitution un héritage du droit colonial, qui déniait aux habitants des régions tribales certains droits fondamentaux – notamment celui d’être jugé devant un tribunal. « Mais, pour l’heure, ce changement n’existe que sur le papier », soupire Sana Ijaz, 34 ans, une figure du PTM, qui s’exprime avec courage dans une société pachtoune sévèrement patriarcale. Mme Ijaz, journaliste pour une chaîne de télévision de Peshawar, a perdu son emploi sous la pression des autorités, dit-elle. Elle a été démise de son parti, l’ANP, d’héritage socialiste, dont elle codirigeait le mouvement de jeunesse.
Son frère l’a accusée d’être responsable des pressions dont leur communauté fait l’objet. Mais elle assume : « Nous ne pouvons pas revenir en arrière », dit-elle. « Il y aura une administration civile, mais les militaires ne vont pas lâcher si facilement cette région stratégique : c’est une zone tampon et un refuge pour les terroristes. Ce sera notre principal combat. » Avec pragmatisme, Mme Ijaz attend que des élections locales, prévues en 2019, y fassent naître des instances représentatives, quoique à peu près sans pouvoir.
Louis Imbert (Peshawar (Pakistan), envoyé spécial)
• LE MONDE | 21.07.2018 à 10h08 :
https://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/07/21/au-pakistan-la-longue-marche-des-pachtouns_5334388_3216.html
L’ex-premier ministre Nawaz Sharif incarcéré à son retour au Pakistan
Sur fond de violences, le sacrifice de M. Sharif est censé galvaniser ses partisans, à deux semaines d’élections générales organisées sous la mainmise de l’armée.
Risquer dix ans de prison pour relancer une campagne électorale. L’ex-premier ministre pakistanais Nawaz Sharif a fait le pari de quitter Londres pour revenir dans son pays avec sa fille, Maryam, et y être incarcéré, vendredi 13 juillet. Ils avaient tous deux été condamnés, une semaine plus tôt par défaut, dans une affaire de corruption.
Par ce sacrifice inédit dans sa longue carrière politicienne, M. Sharif entend galvaniser les électeurs de son parti, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), talonnée dans les sondages à deux semaines des élections générales, prévues pour le 25 juillet.
M. Sharif a fait ses adieux vendredi à son épouse, malade du cancer et hospitalisée dans la capitale britannique. L’ex-premier ministre a quitté leur appartement de la très chic Park Lane, qu’il est accusé d’avoir acquis grâce à des fonds illégaux. Il a été arrêté quelques minutes après son atterrissage dans le fief de sa famille, à Lahore, la grande ville de la province du Pendjab, où se joue en large partie ce scrutin.
Le père, qui encourt une peine de dix ans, et la fille, condamnée à sept ans de prison, ont été renvoyés immédiatement par avion à Islamabad, selon leur parti. Ils auraient été emmenés par la suite dans la ville de garnison de Rawalpindi, proche de la capitale, pour y être incarcérés dans la prison d’Adiala, selon le quotidien Dawn. Tous deux devaient faire appel de leur condamnation avant lundi.
Résurgence des attentats
M. Sharif avait dû quitter le pouvoir en juillet 2017, pour la troisième fois depuis 1990. La justice lui interdit de se présenter aux élections, comme à sa fille, mais il garde la main sur son parti, dirigé par son frère Shahbaz.
Ce retour dramatique a lieu alors que le Pakistan renouait avec une violence islamiste en partie réduite depuis trois ans. Quelques heures avant l’atterrissage des Sharif, un attentat-suicide avait fait près de 130 morts et 300 blessés dans un meeting politique à Mastung, dans la province du Baloutchistan (Sud-Ouest), revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI).
En transit à Abou Dhabi, vendredi, M. Sharif a de nouveau mis en cause l’armée, qui a dirigé le pays directement ou indirectement durant la plus large partie de son histoire depuis l’indépendance, acquise en 1947 sur les ruines de l’Empire britannique. « Nous rentrons parce que le destin de ce pays doit changer — nous devons le changer, a déclaré M. Sharif. Ce qui se passe dans ce pays et à Lahore soulève des questions (…). Des centaines de membres de notre parti ont été arrêtés ; on force les gens à changer de camp. Tout cela pose un point d’interrogation sur la crédibilité de ces élections. »
M. Sharif s’est aliéné l’armée, notamment en questionnant, en 2016, son soutien à des « acteurs non étatiques » islamistes, et en la liant implicitement aux responsables des attentats de 2008 à Bombay, en Inde. Son retour au pays relance une campagne poussive, dans laquelle le PML-N se consume en critiques contre « l’establishment » et en réponses aux accusations de corruption. Son principal rival, l’ex-joueur de cricket Imran Khan, décrit M. Sharif comme un « criminel », qui ne mérite aucun soutien.
Le PML-N accuse en retour M. Khan d’avoir les faveurs de l’armée, et de vendre sans pudeur aux Pakistanais un improbable décollage économique à la chinoise. « S’il était resté à Londres, Sharif serait apparu comme un lâche auprès de ses électeurs, note l’analyste Murtaza Solangi, hôte d’un talk-show en vue sur la chaîne Capital TV. Il aide son parti en générant une vague de sympathie qu’il veut faire courir jusqu’au vote. »
Campagne sous tension
Les forces de sécurité se sont employées à empêcher une mobilisation massive des soutiens de M. Sharif à Lahore. Dès mercredi soir, de nombreux employés du parti avaient été arrêtés en ville. Le frère de M. Sharif, son neveu et d’anciens ministres ont dirigé vendredi des convois de milliers de militants, depuis les districts voisins vers la capitale provinciale, aux cris d’« arrêtez-nous si vous le pouvez » et « respectez le vote ».
Certains se sont heurtés aux forces de l’ordre dans leurs districts et aux entrées de la ville, que les forces de sécurité ont en partie bloquées. Ces heurts sont demeurés peu couverts par les médias locaux, qui font l’objet de mesures d’intimidations décuplées de la part de l’armée, à l’approche des élections. Les réseaux téléphoniques et Internet étaient perturbés dans certains quartiers.
Les manifestants n’ont pas pu atteindre l’aéroport, sous bonne garde, et se sont dispersés tard dans la nuit. L’objectif du PML-N n’était manifestement pas d’aller à la confrontation, mais de faire monter le ressentiment face à l’impossibilité annoncée, pour M. Sharif, de s’exprimer dans son fief. Il s’agissait aussi de mettre en scène le drame familial : toute la journée, certaines chaînes de télévision ont commenté une demande faite par la mère de M. Sharif, qui souhaitait se rendre à l’aéroport pour y embrasser son fils et sa petite-fille. La rencontre n’a pas eu lieu.
L’ARMÉE A ANNONCÉ QU’ELLE DÉPLOIERAIT 350 000 SOLDATS ET RÉSERVISTES À TRAVERS LE PAYS LE 25 JUILLET : C’EST PRÈS DE CINQ FOIS PLUS QUE LORS DES ÉLECTIONS GÉNÉRALES DE 2013
La suite du feuilleton promet d’être plus terne : il reste aux avocats des Sharif à plaider pour la libération sous caution de ces derniers. Depuis deux semaines, l’armée paraît avoir considérablement accru son emprise sur ces élections. Samedi, les soutiens du PML-N multipliaient les marques d’ironie face aux mesures d’intimidation dont auraient fait l’objet des candidats du parti. Ils auraient été menacés, dans des districts ruraux du Pendjab, par de faux « représentants du département de l’agriculture » qui étaient en réalité, selon eux, des membres des services de renseignement de l’armée.
Cette dernière a annoncé qu’elle déploierait 350 000 soldats et réservistes à travers le pays le 25 juillet, afin d’assurer la sécurité du scrutin : c’est près de cinq fois plus que lors des élections générales de 2013, qui s’étaient déroulées dans un climat de violence autrement plus dramatique.
L’attaque de vendredi, à Mastung, fait cependant craindre une escalade. L’attentat a visé un meeting d’un candidat au Parlement provincial de la région rétive du Baloutchistan, Siraj Rajani, mort dans l’explosion. M. Rajani était le frère d’un ancien gouverneur de province, proche des services de sécurité. Trois autres attentats ont frappé des meetings politiques depuis une semaine dans le nord-ouest du pays.
Louis Imbert (Islamabad, envoyé spécial)
• LE MONDE | 14.07.2018 à 15h57 • Mis à jour le 19.07.2018 à 09h28 :
https://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/07/14/l-ex-premier-ministre-nawaz-sharif-incarcere-a-son-retour-au-pakistan_5331421_3216.html
Plusieurs réunions électorales ciblées par des attentats
La dernière attaque-suicide, revendiquée par le groupe Etat islamique, a fait au moins 149 victimes vendredi 13 juillet, dans le sud-ouest du pays, où des élections législatives doivent se dérouler le 25 juillet.
Au moins 149 personnes ont été tuées et 300 blessées dans un attentat-suicide contre un meeting électoral, à Mastung, dans le sud-ouest du Pakistan. Le groupe Etat islamique (EI) a revendiqué cette attaque dans un communiqué publié par l’agence de propagande de l’organisation djihadiste, Aamaq.
Il s’agit du troisième attentat en quatre jours au Pakistan, où des élections législatives doivent se dérouler le 25 juillet dans un climat de plus en plus tendu. Selon le ministre de l’intérieur de la province du Baloutchistan, Agha Umar Bungalzai, l’attentat visait un rassemblement de l’homme politique Mir Siraj Raisani, candidat à un siège de député provincial sous l’étiquette du parti Baluchistan Awami Party (BAP), qui est mort dans l’attaque.
Déploiement de 370 000 soldats
Plus tôt dans la journée, une bombe cachée sur une moto avait explosé près de Bannu (nord-ouest) au passage du convoi d’un autre candidat aux élections, tuant 4 personnes et en blessant une quarantaine, selon la police. L’homme politique visé, Akram Khan Durrani, représentant d’une coalition de partis religieux, le MMA, a survécu à l’attaque.
Un attentat-suicide revendiqué par les talibans pakistanais avait également visé mardi 10 juillet au soir une réunion électorale du Awami National Party (ANP) à Peshawar (nord-ouest), tuant 22 personnes, dont l’homme politique local Haroon Bilour.
« Les autorités pakistanaises ont le devoir de protéger les droits de tous les Pakistanais en cette période d’élections, leur sécurité physique et leur capacité à exprimer librement leurs opinions politiques, quel que soit le parti auquel ils appartiennent », a réagi Omar Waraich, directeur adjoint pour l’Asie du Sud à Amnesty International. L’armée a déclaré plus tôt cette semaine qu’elle prévoyait le déploiement de plus de 370 000 hommes pour assurer la sécurité le jour du vote.
Par ailleurs, l’ancien premier ministre, Nawaz Sharif, et sa fille Maryam ont été arrêtés en revenant dans le pays. Ils avaient été condamnés respectivement à dix et sept ans de prison par un tribunal anticorruption vendredi dernier alors qu’ils se trouvaient à Londres au chevet de leur épouse et mère, qui y est soignée pour un cancer.
Le Monde.fr avec AFP
• Le Monde.fr | 13.07.2018 à 21h00 • Mis à jour le 16.07.2018 à 08h57
https://abonnes.lemonde.fr/international/article/2018/07/13/pakistan-plusieurs-reunions-electorales-ciblees-par-des-attentats_5331188_3210.html