Helsinki,
Siemens n’a rien voulu dire. Mais lors de la présentation de ses résultats, la branche équipements d’énergie du groupe a vu son bénéfice d’exploitation baisser de 43 %. En cause, la faillite d’un partenaire dans les centrales classiques, mais aussi le chantier finlandais du nouveau réacteur nucléaire EPR, construit avec Areva sur lequel plane un silence pesant.
Depuis deux ans, les difficultés s’accumulent sur Olkiluoto 3. Tous savaient que ce projet pilote serait compliqué. Il ne s’était pas construit de réacteur nucléaire depuis quinze ans dans le monde occidental. À la perte de savoir-faire s’ajoutait une nouvelle technologie, qui forcément demanderait des mises au point longues. Mais la Finlande était prête à tenter l’aventure, ne serait-ce que pour honorer sa signature au protocole de Kyoto. Aujourd’hui, il ne se passe pratiquement plus de semaine sans que la presse finlandaise émette des réserves de plus en plus fortes sur ce chantier.
Lourds contrôles adminitratifs. Sur le terrain, les tâches sont en apparence bien définies : Areva NP construit le réacteur et Siemens la turbine génératrice d’électricité. La partie béton est sous-traitée à Bouygues qui travaille avec une compagnie finlandaise, Forssan-betoni, filiale de la société Lemminkainen Oy. TVO, l’électricien concessionnaire, gère l’ensemble. Il représente une soixantaine d’entreprises finlandaises pour lesquelles l’approvisionnement en électricité est vital.
Très vite, les journaux locaux (Turun Sanomat, Länsi-Suomi, Satakunnan Kansa) ont mis en évidence un grave hiatus entre les cultures d’entreprise. Traditionnellement, les entreprises finlandaises ont une hiérarchie horizontale, s’opposant à la hiérarchie verticale d’Areva. Les Finlandais ont eu l’impression que personne ne prenait de responsabilité ou ne voulait prendre de risque sans en référer à la direction de Paris... Pour compliquer le tout, les Allemands de Siemens possèdent une troisième culture, sans compter les difficultés de compréhension entre Finnois, Français et Allemands.
Le premier écueil grave est venu avec la qualité du béton livré par Forssan betoni, jugé « poreux » par les experts d’Areva NP. Il n’empêche qu’il a finalement servi à couler la base du réacteur nucléaire. Mais les parties française et finlandaise se sont mutuellement accusées d’incurie, perdant ainsi un temps précieux. Mais cela n’a été qu’une petite cause des retards. La principale a pour origine la validation des documents de procédure technique, cruciale quand on conçoit un réacteur nucléaire.
Seulement 500 environ sur 5.000 prévus ont été validés par le Stuk, autorité finlandaise de contrôle des radiations. Très attentive à la sécurité, celle-ci fait voyager les documents sans relâche entre ses bureaux d’Helsinki et le chantier d’Olkiluoto. Facteur aggravant dans ce schéma de lourds contrôles adminitratifs, Areva NP n’a pas engagé suffisamment de personnels capables de valider les procédures. Olkiluoto compte seulement 122 personnes travaillant pour Areva NP (13 pour le consortium et 109 sur le réacteur) sur un total de 680.
Officiellement, le consortium a déclaré que le projet de l’EPR aurait un an de retard et serait livré en 2010. Ce qui devrait entrainer une pénalité de retard de 200 millions d’euros environ. En Finlande, il se murmure que le retard serait plutôt deux à trois ans. Circonstance aggravante : selon nos informations, TVO a bloqué ses paiements (3 milliards d’euros à verser sur cinq ans et demi), depuis juin dernier.