C’est donc une organisation syndicale, Solidaires Finances publiques, qui a rendu public le rapport CAP 22, commandé fin septembre 2017, et qui devait initialement être présenté en avril dernier, avant que le gouvernement ne change de stratégie.
« Une administration plus agile, plus adaptable »
Pas par volonté de cacher les choses (ce n’est pas son genre), mais pour prendre le temps de présenter les « axes de transformation » et mieux les expliciter, selon le Premier ministre. C’est sans doute plutôt pour mieux nous « endormir » sur les conséquences des 30 milliards d’économie que préconise ce rapport et qu’a dévoilées le Figaro cette semaine.
Dès l’introduction de ces 113 pages (sans compter les remerciements et les photos des « experts » en plein travail), le ton est donné. C’est donc dans « un esprit ouvert » et « sans a priori » que les pseudo-experts ont concocté 22 propositions pour « changer de modèle ». Ils ont donc pour cela identifié « les principaux verrous qui freinent la transformation publique » pour permettre de créer une « administration plus agile, plus adaptable, ancrée dans le monde contemporain », en encourageant « un modèle dans lequel l’innovation, la prise de risque seront valorisés, encouragés, soutenus. »
Pour arriver à cet objectif, ils proposent de renouveler le « contrat social entre l’administration et ses agents », de « moderniser fortement la gestion des ressources humaines », l’évaluation par les citoyens de leur service public et indiquent clairement que le « secteur privé a également son rôle à jouer dans l’exécution du service public ». C’est clairement également vers une fonction publique dématérialisée et totalement numérisée, y compris pour la santé, que se positionnent ces « experts ». Ça vous fait rêver ? On continue alors…
TouTEs touchéEs, touTEs concernéEs
Nous ne pouvons revenir dans cet article sur le détail de l’ensemble des préconisations du rapport, mais aucun secteur de la fonction publique, aucunE agentE, aucunE usagerE n’est épargné. Même si, sans doute un hasard, plusieurs préconisations sont d’ores et déjà annoncées dans la fonction publique (généralisation des contractuelEs, salaire au mérite, fin du CHSCT et amoindrissement des instances paritaires) ou dans de nombreux ministères (suppressions d’emplois, externalisation de certaines missions…), de nombreuses préconisations de ce rapport sont en attente de validation par le gouvernement comme : la question des allocations familiales (fin de l’universalité, regroupement de toutes les aides en une seule) ; les APL, en particulier pour les étudiantEs rattachés au foyer fiscal de leur parent ; l’évaluation des établissements scolaires et le recrutement des enseignantEs par le chef d’établissement ; l’augmentation du temps de cours des enseignantEs pour « améliorer leurs rémunérations » ; la création d’un nouveau corps d’enseignantEs pour remplacer les certifiés et qui devront enseigner deux matières, remplacer les absents obligatoirement et avoir leur temps de travail annualisé ; l’autonomie financière renforcée des universités ; la mise en place de péages urbains…
Côté santé, là aussi les préconisations proposent une « transformation structurelle » du système, pour réaliser « plus de 5 milliards d’euros d’économies » : ne plus rembourser les soins des médecins, infirmierEs et autres professionnelEs de santé libéraux qui ne seraient pas « inscrits dans un système de coordination entre les acteurs » ; instaurer à l’hôpital le « paiement à l’entrée ». On évoque aussi la privatisation de la DGCRRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), et la fiscalité, la justice, les transports ou encore France télévisions sont aussi concernés par ce rapport.
Nous ne sommes évidemment pas surpris du contenu de ce dernier, qui développe en les accélérant les politiques menées depuis ces 30 dernières années à la fois par la gauche et par la droite au pouvoir, avec comme fil rouge moins d’égalité pour le plus grand nombre et plus de profits pour une minorité. Macron et son gouvernement veulent transformer structurellement notre société et ce rapport CAP 22 en est la preuve. Nous ne devons pas les laisser faire !
Joséphine Simplon
• Créé le Mercredi 25 juillet 2018, mise à jour Jeudi 26 juillet 2018, 11:04 :
https://npa2009.org/actualite/services-publics/cap-22-la-fonction-publique-une-entreprise-comme-une-autre
Cap 22 : « Transformer l’action publique » vers un Etat en mode start-up
Après son élection en Mai 2017, Macron proclamait sa grande ambition : « je veux que la France devienne une nation start-up », autrement dit un « Etat- entreprise » dirigé par des patrons et des actionnaires [1]. L’opération « CAP 22 » se donne pour but d’avancer dans cette voie.
Le 26 septembre 2017, Edouard Philippe, le Premier ministre envoyait une lettre de mission aux membres du gouvernement indiquant que « la transformation de l’action publique est une priorité de l’action du Gouvernement ». Les motivations étaient clairement énoncées : il s’agit de « revoir profondément et durablement les missions de l’ensemble des acteurs publics que sont l’Etat, les opérateurs [2], les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale. » A cet effet, il décidait « de mettre en place un comité de revue des missions et dépenses publiques. C’est l’objet du Comité Action publique 2022 (CAP 22) ».
Tous les ministres et secrétaires d’Etat devront engager « un plan de transformation dans leur champ de compétence afin d’accompagner rapidement la baisse des dépenses publiques avec un engagement ferme : réduire de trois points la part de la dépense publique dans le PIB d’ici 2022. » Enfin, « le Comité s’interrogera sur l’opportunité du maintien et le niveau de portage le plus pertinent de chaque politique publique. Cela pourra notamment le conduire à proposer des transferts entre les différents niveaux de collectivités publiques, des transferts au secteur privé, voir des abandons de missions. »
Le pouvoir prépare diverses contre-réformes, annoncées pour mars 2018, mais son objectif essentiel est à plus long terme : il veut en finir d’ici à 2022, la fin du quinquennat, avec ce qui est appelé faussement « le modèle social français ».
Les méthodes du pouvoir : mensonges et faux-semblants
Démantèlements, suppressions d’emplois, manque de moyens, la plupart des institutions publiques fonctionnent mal, provoquant souvent un fort mécontentement des usagers. C’est le fruit des politiques menées depuis plusieurs décennies. Des membres du gouvernement actuel issus du PS ou des Républicains y ont largement contribué. Macron, qui a été secrétaire général adjoint de Hollande à l’Elysée puis ministre de l’Economie et de l’Industrie, a toute sa part de responsabilité.
Néanmoins, c’est sans vergogne que l’actuel président et son gouvernement instrumentalisent toutes ces défaillances. Et c’est au nom des changements indispensables que sont mis en place « des chantiers pour accélérer la transformation et améliorer la qualité de services », alors que de tels changements ne feront qu’aggraver encore la situation. Macron & Co prétendent organiser une « large concertation pour trouver des solutions » avec les usagers, les agents publics et les syndicats, alors que ces solutions sont déjà définies et apparaissent dans divers documents. Même Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, s’étonne que « le gouvernement annonce une concertation sur toute l’année 2018 et donne dès à présent une partie des conclusions. »
CAP22, chargé de produire des documents sur la réforme de l’Etat, est un comité prétendument indépendant alors qu’il est uniquement composé d’adeptes de Macron : PDG, économistes du FMI, anciens membres de la commission Attali, hauts-fonctionnaires passés dans le secteur privé, membres de l’institut Montaigne… Sa feuille de route : « construire un nouveau modèle de conduite des politiques publiques (…) qui doit mettre fin à une vision décliniste et résignée de l’action publique ». Aucune organisation syndicale ne participe à ce comité, mais elles seront « auditionnées »…
A côté de CAP 22 ont été créés divers organismes, chargés de discuter des rapports sur les politiques sociales. Liste non exhaustive :
– Le Comité Jeune « J 22 », composé de 25 étudiants et « startuppers » de 19 à 29 ans, censé être « la caisse des aspirations et des propositions des jeunes générations dans ce chantier de transformation des politiques sociales » ;
– Le « Social Business Act », « un accélérateur d’innovations sociales » sur la fiscalité, l’accompagnement des associations, le soutien au bénévolat, etc. ;
– Cinq « grands chantiers structurants » sur « la qualité et la pertinence des soins et services, le financement et les rémunérations, l’organisation territoriale… » sans qu’il ne soit question de toucher aux politiques actuelles (effectifs insuffisants, fermetures de lits, restructurations, T2A [3], baisse des financements) ;
– La « Conférence nationale de territoire » « pour bâtir un pacte de confiance » entre les pouvoirs locaux et l’Etat, « sur la base d’une organisation souple et intelligente » ;
- Le « Forum de l’Action publique chargé de la concertation » – qui est « une mascarade permettant au gouvernement d’afficher un prétendu dialogue social » selon la CGT, FO, Solidaires et la CGC à l’issue des premières réunions.
Les mesures à court terme et leurs objectifs
Dans la continuité des politiques passées et aggravées par Macron (mesures fiscales dont la suppression de l’ISF ou la baisse de l’impôt sur les bénéfices des entreprises, casse du code du travail, attaque contre le salaire socialisé remplacé par la CSG, ubérisation, transformation de services publics – téléphonie, poste, chemins de fer – en marchés privés), les mesures programmées sur les services publics ont une double fonction : servir dès leur mise en œuvre les intérêts de la bourgeoisie qui veut s’accaparer une part toujours plus grande des richesses, et par la suite favoriser l’entreprise de démolition du secteur public.
La quasi-totalité des politiques « sociales » sont dans le collimateur de CAP22. Ce comité doit rendre un rapport à la fin du premier trimestre 2018 sur « les réformes structurelles et des économies significatives et durables » concernant pas moins de 21 politiques publiques : l’emploi, les entreprises, le recouvrement [4], le logement, l’agriculture, l’énergie, le transport, l’intérieur et la sécurité, la justice, l’armée, l’action extérieure de l’Etat, l’outre-mer, l’éducation nationale, la culture média et l’audiovisuel public, les sports, l’enseignement supérieur et la recherche [5].
Le Gouvernement affiche trois objectifs : améliorer le service rendu au public, améliorer les conditions de travail des agents et « économiser » 80 milliards d’euros [6] en réduisant la part de la dépense publique dans le produit intérieur brut de 54,7 % en 2017 à 50,9 % en 2022.
Ce ne sont certainement pas la suppression envisagée de 120 000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat (50 000 emplois dans la fonction publique d’Etat et 70 000 dans la fonction publique territoriale), ni le nouveau contrat social « pour accompagner l’évolution de leurs métiers et libérer leurs initiatives » [7], qui permettront d’apporter les améliorations annoncées.
Il en est de même en ce qui concerne l’instauration de « l’Etat plate-forme numérique ». Le 100 % numérique (la dématérialisation de 100 % des services publics) d’ici 2022 ne permettra nullement la moindre amélioration du service public et des conditions de travail des personnels, comme le prouvent de nombreux exemples notamment dans les organismes de sécurité sociale. Cette mesure est d’ailleurs considérée comme un investissement selon Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat chargé du numérique, qui précise que ce sont les 9,3 milliards consacrés à l’instauration de l’Etat numérique en faisant appel aux start-up qui permettront de diminuer de 120 000 le nombre des fonctionnaires…
CAP 22 envisage aussi « une rénovation du cadre des ressources humaines ». Les fonctionnaires ont déjà eu droit au retour du jour de carence, au gel du point d’indice, aux suppressions de postes, à l’augmentation de la CSG. Les annonces gouvernementales concernant les plans de départs volontaires, l’augmentation du nombre des contractuels, les primes et salaires au mérite, la lutte contre l’absentéisme ne font qu’anticiper « l’assouplissement du statut des fonctionnaires », en réalité sa casse. Il est bien précisé que « les agents publics se verront proposer un nouveau contrat social pour accompagner l’évolution de leurs métiers et libérer leurs initiatives. » Il est envisagé de « simplifier les instances représentatives du personnel, de renforcer l’évaluation des agents, de développer la rémunération au mérite, de recourir plus fréquemment à des contrats, d’accompagner la mobilité, les directeurs seront chargés de recruter les meilleurs candidats, indépendamment de leur situation et pour une durée déterminée ». Bref, singer tout ce qu’il y a de pire dans le privé !
Même si cela n’est pas explicitement affirmé, ce qui reste des avantages acquis des salarié-e-s du secteur public qui ne sont pas fonctionnaires subira le même sort. Ainsi les conventions collectives des employés et cadres de la protection sociale, du secteur social seront à nouveau attaquées et menacées dans leurs fondements.
Enfin, l’organisation territoriale des services publics est aussi mise en cause puisque les groupes de travail devront étudier leur déconcentration, la responsabilisation des autorités locales, le recentrage de l’Etat. Dès cette année, les collectivités territoriales les plus importantes sont « invitées » par le ministère des Finances à signer des contrats les engageant à supprimer des services et à réduire les effectifs, afin de diminuer de 13 milliards d’euros leurs dépenses de fonctionnement.
Activités sociales privatisées et fonctions régaliennes à l’état ? Pas si simple…
Les documents publiés par CAP22 « oublient » qu’il existe en France un service public, lequel n’est évoqué que comme « services au public ». D’ailleurs, depuis l’arrivée de Macron au pouvoir, il n’y a plus de ministre de la Fonction publique. Gérald Darmanin est ministre de « l’action et des comptes publics ». La notion même de « service public » disparaît. Tous « les services au public » ont donc vocation à être privatisés comme EDF ou France Télécom, ou « libéralisés » avant d’être privatisés comme la Poste.
Des « Maisons de services au public » doivent créées dans les zones rurales ou « urbaines éloignées ». Il avait été envisagé par le gouvernement Ayrault que ces services puissent être concurrencés par des organismes privés, avec appel d’offres en vue de la sélection d’un opérateur de service. Alors abandonnée, cette disposition risque fort de réapparaître prochainement.
La généralisation de services « au public » assurés par des entreprises concurrentielles favoriserait la constitution d’un Etat start-up. Celui ci devrait fonctionner comme une entreprise capitaliste, être rentable, performant, et ses logiques comptables être inspirées du secteur privé. Il n’y a plus d’usagers, ni d’assurés sociaux, mais des consommateurs et des clients. Le rôle des directions des administrations est de « manager » des entreprises qui pourront éventuellement être cotées en Bourse. Le culte de la performance étendu à l’action publique irrigue les déclarations de nos ministres présents tous les matins dans nos postes de radio.
Cependant toutes les activités sociales ne seront pas privatisées. Les gouvernement pensent aux prochaines élections et craignent les mobilisations sociales. Ils savent que la défense de la Sécu (retraites, maladie) a été au cœur de la plupart des luttes d’ampleur nationale depuis 1995. Il serait donc socialement risqué de laisser sans possibilité d’accès à la protection sociale une partie de la population qui n’aurait pas les moyens de souscrire à des contrats privés. Le pouvoir a besoin de filets de sécurité… De plus, certaines prestations trop coûteuses et donc non rentables pour les assurances privées ne les intéressent pas.
La disparition de la Sécu n’est ainsi pas à l’ordre du jour dans un avenir proche. Par contre les remboursements, les allocations et pensions continueront à diminuer au profit des organismes « complémentaires » qui poursuivront leur croissance, plus particulièrement « les groupes de protection sociale » qui regroupent des mutuelles, assurances, institutions de prévoyance, fonds de pensions et qui gèrent également des plans d’épargne et divers produits financiers.
Une série de dispositions ont été prises en leur faveur ces dernières années : l’Aide financière au paiement d’une Complémentaire santé (ACS), la complémentaire santé obligatoire dans le privé, et des négociations sont en cours entre le ministère de la Santé et les mutuelles pour le remboursement à 100 % par les complémentaires santé de l’optique, des audioprothèses et des soins dentaires.
Le remboursement des soins à 100 % par la Sécu serait plus simple et certainement moins couteux, mais cela n’intéresse pas les assureurs privés, les groupes financiers et même les mutuelles qui veulent augmenter leurs parts dans « le marché » des complémentaires. Ainsi, la Mutualité française demande qu’une assurance obligatoire pour la prise en charge de la dépendance soit incluse dans les complémentaires santé « à partir d’un âge à définir ».
Les gouvernements successifs ont tous œuvré à développer les fonctions régaliennes de l’Etat. Ils ont imposé, soi-disant « pour des raisons économiques », des réductions importantes de postes dans les services publics qui assurent des fonctions sociales (poste, SNCF, éducation nationale, sécurité sociale, hôpitaux et Ehpad…). Par contre, les « contraintes budgétaires » n’existent plus lorsqu’il s’agit d’embaucher des gardiens de prisons, d’augmenter les effectifs de police et de gendarmerie (dix mille postes supplémentaires prévus durant le quinquennat).
Pour détruire le code du travail, anéantir le statut des cheminots, réprimer les manifestions, instaurer l’état d’urgence, l’Etat doit développer tous ses attributs répressifs, mais le monopole des fonctions régaliennes ne l’intéresse pas car celles-ci peuvent être… rentables ! Macron se situe dans la continuité de Sarkozy, qui s’était déclaré favorable à une « coproduction de la sécurité ». Ils ne privatisent pas l’armée, la gendarmerie, la police ou les prisons, mais confient au secteur privé une partie croissante des tâches qui leurs sont dévolues. Une loi de février 2017 permet ainsi l’extension du domaine d’intervention de la sécurité publique à des sociétés privées, et pas uniquement pour le contrôle des dépassements de vitesse ou des stationnements automobiles. Depuis le 1er janvier 2018, un décret permet par ailleurs à des agents de sécurité privés d’être armés d’une matraque, d’une bombe lacrymogène et d’armes de poing selon les circonstances. La Commission nationale consultative des droits de l’homme a dénoncé « les modalités de sélection, de formation et d’encadrement très éloignées de celles prévalant pour les agents des forces de l’ordre », critiqué « l’absence de chaîne de commandement centralisé et de déontologie » et fait remarquer « qu’un tel mouvement est propice à la banalisation d’une présence armée dans l’espace public, propre à modifier le rapport social aux armes. »
La « stratégie de l’empilement »
Formation professionnelle, éducation nationale, chômage, apprentissage, retraites, logement, SNCF, tous ces secteurs devront être réformés d’ici 18 mois. Le gouvernement attaque tous azimuts. Le quotidien Les Echos explique que cet empilement des dossiers a pour objectif d’écraser la contestation sociale sous une pile des dossiers, ce qu’il appelle « la stratégie de la saturation ».
Mais c’est « empilement » peut s’avérer être aussi celui des mécontentements et… de l’explosion sociale. Nous restons déterminés à agir pour l’unité la plus large des organisations du mouvement ouvrier, du mouvement social, des usagers, des assurés sociaux, des travailleurs et travailleuses, pour un mouvement d’ensemble, l’auto-organisation des luttes (assemblées générales, comités de grève…), leur extension et généralisation. Seul moyen de battre ce pouvoir !
S. Bernard
1. Macron a préfacé « L’Etat en mode start-up », un ouvrage de Yann Algan et Thomas Cazenave, publié aux éditions Eyrolles en 2016.
2. Une mission de service public est confiée par l’Etat à 570 opérateurs (en 2015), des organismes distincts de l’Etat, au statut juridique public ou privé.
3. Tarification à l’activité.
4. Fiscal et social.
5. Pour plus de détail, se reporter au document « Groupe de travail action publique 2022 » : https://cgtservicespublics.fr/IMG/pdf/dgafp-et-ditp-ppt-reunion-os-du-220118-v6-1.pdf
6. Selon Edouard Philippe dans son discours de politique générale de juillet 2017.
7. Dossier de presse du 1er comité interministériel de la transformation publique (1er février 2018)
• Créé le Lundi 30 avril 2018, mise à jour Lundi 30 avril 2018, 11:14 :
https://npa2009.org/idees/services-publics/cap-22-transformer-laction-publique-vers-un-etat-en-mode-start
CAP 22 ou la destruction de la fonction publique
À la suite du premier Comité interministériel de la transformation publique (sic) le 1er février dernier, Édouard Philippe et Gérald Darmanin ont fait des annonces contre le statut des fonctionnaires et la fonction publique. Il s’agit clairement d’une volonté de rupture avec l’idée même de fonction publique.
Après avoir brutalement remis en cause nombre de droits des salariéEs du privé avec la loi travail XXL, le gouvernement a désormais dans le viseur la fonction publique et les fonctionnaires. C’est en ce sens qu’il a mis en place, en octobre 2017, le Comité d’action publique 2022 ou CAP 22, dont le cahier des charges est très clair : transfert, privatisation, ou abandon de missions, et mise en cause du statut des fonctionnaires. En mars, le CAP 22 rendra un rapport qui, à n’en pas douter, sera à la hauteur des dernières annonces du gouvernement. L’objectif est fixé : baisser la part de la dépense publique dans le produit intérieur brut (PIB) de 3 points d’ici à 2022. En effet, au nom de la modernisation de l’État, de la réduction des dépenses publiques, le gouvernement, qui a pour objectif de se débarrasser de 120 000 fonctionnaires d’ici la fin du quinquennat, doit taper fort et aller vite en marquant les esprits.
En finir avec la « politique de rabot »
Le plan du gouvernement concernant l’avenir de la fonction publique comporte deux volets. Le premier a été annoncé le 1er février dernier avec le recours accru aux contractuels, les plans de départs volontaires, la rémunération au mérite et d’autres dispositions dont le point commun est bien la remise en cause du statut de la fonction publique, statut dont les fondements constituent une garantie pour la population (notamment en ce qui concerne l’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, la continuité des missions, etc.). Désormais le gouvernement ne veut plus se contenter de supprimer des postes, ce qu’il considère comme « une politique du rabot », ainsi que l’a indiqué Édouard Philippe. Le gouvernement vante désormais « un travail de fond » et assure « réfléchir sans totem ni tabou à la transformation de l’action publique ». A priori, aucun tabou puisque même le statut devient une cible car, comme l’a déclaré Olivier Dussopt, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, dans une interview à Acteurs publics : « Le statut de la fonction publique mérite d’être assoupli. » Avec, au cœur de ces attaques, une « politique de rémunération plus individualisée pour mieux récompenser le travail et l’efficacité ». Le second volet sera bientôt annoncé dans le cadre des travaux de CAP 22, qui prétendra avoir analysé l’ensemble des missions publiques en quelques mois, et annoncera en mars prochain des abandons, des transferts et des privatisations de missions publiques.
Joséphine Simplon
• Créé le Mercredi 14 février 2018 :
https://npa2009.org/arguments/cap-22-ou-la-destruction-de-la-fonction-publique
CAP 22 : une composition caricaturale
Le comité CAP 22 mis en place le 13 octobre dernier comprend 34 membres. Sa composition parle d’elle-même.
Il est dirigé par un trio : le président de Safran, le franco-australien Ross McInnes, l’ex-directrice de cabinet de Manuel Valls à Matignon et cadre dirigeante de Nexity, Véronique Bédague-Hamilius, et le directeur de Sciences Po Paris, Frédéric Mion. Parmi ses membres figurent aussi l’ex-président du Conseil italien Enrico Letta (adepte de la rigueur budgétaire et de la hausse de la TVA en Italie), Per Molander, qui a piloté les « réformes sociales » en Suède. Mais aussi des proches et soutiens de Macron tels que Jean Pisani-Ferry, Philippe Aghion (ancien membre de la commission Attali de Sarkozy et un des conseillers économiques de Hollande), Laurent Bigorgne (président du très libéral institut Montaigne). On trouve également certains élus comme l’ex-secrétaire d’État PS Clotilde Valter, le député LREM Jean-René Cazeneuve, la sénatrice LR Christine Lavarde ou encore le président PS de la région Centre François Bonneau, et celui de la métropole de Rouen Frédéric Sanchez. Il y a également des ex : l’ex-conseiller social de François Hollande à l’Élysée, Nicolas Revel, et Annie Thomas, ex-présidente de l’Unedic, et ex-secrétaire nationale à la CFDT il y a près de 20 ans. No comment !
• Créé le Mercredi 14 février 2018, mise à jour Lundi 26 mars 2018, 23:18 :
https://npa2009.org/arguments/services-publics/cap-22-ou-la-destruction-de-la-fonction-publique
Les Finances publiques dans le viseur
Même si à cette heure, il est sans doute trop tôt pour avoir des certitudes sur les axes précis des attaques, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) n’échappera pas à l’avenir noir que prévoit le gouvernement. Ce sera, au total, encore et toujours moins d’agentEs et moins de missions, et donc la disparition programmée d’un service public de proximité.
Lors du dernier Comité technique de réseau, le Directeur général des finances publiques a indiqué que certaines pistes de réflexion étaient ouvertes avec le ministère dans le cadre de CAP 22. Tous les sujets semblent désormais sur la table. La discussion semble être là aussi sans tabou et la DGFiP peut donc être saccagée. Le recouvrement, les accueils, la gestion des agentEs, le contrôle fiscal, le recrutement : tout est ouvert. Tellement ouvert que le DG a affirmé que la DGFiP était arrivée à la fin d’un cycle. Les choses peuvent donc aller très loin. Sans oublier les 1 600 nouvelles suppressions d’emplois au niveau national, suite au vote de la loi de finances 2018 qui mettent à mal les missions et dégradent encore plus les conditions de travail des agentEs des finances publiques.
Depuis 2002, ce sont plus de 30 000 emplois à temps plein qui ont été supprimés. Cette réduction du personnel a un fort impact sur l’efficacité des missions. Alors que la lutte contre la fraude fiscale devrait être prioritaire (pour rappel, la fraude fiscale est estimée entre 60 et 80 milliards d’euros chaque année, majoritairement le fait des entreprises et des contribuables fortunés), on a seulement contrôlé ces derniers temps quelque 50 000 entreprises par an... sur un total de 4,8 millions d’entreprises soumises à la TVA, c’est-à-dire à peine 1 %. Et désormais ces dernières auront le droit à l’erreur… c’est dire que le contrôle fiscal est jugé d’importance !
Un service de moins en moins public
Avant même le rapport de CAP 22, les abandons et la privatisation de missions sont d’ores et déjà à l’œuvre au sein de la DGFiP. En effet, un appel d’offres a été lancé pour l’assistance téléphonique du prélèvement à la source. Alors que les usagerEs peuvent avoir gratuitement les informations souhaitées en venant aux centres des finances publiques ou par téléphone, Bercy a donc décidé que ce service serait désormais payant… C’est également le cas pour le transport du courrier interne des Finances publiques à Paris qui, à partir d’avril 2018, sera privatisé alors que cette mission était jusqu’alors assurée par des agents de la DGFiP.
Sans oublier la fermeture de nombreuses trésoreries, suite logique d’un démantèlement planifié. Depuis 2009, environ 400 trésoreries de proximité ont ainsi fermé, obligeant des milliers de contribuables à faire des kilomètres en plus lorsqu’ils ont besoin d’un conseil, d’un renseignement ou qu’ils n’ont pas accès à internet. Car si la dématérialisation est vantée par le gouvernement comme « la » modernisation de la DGFiP, la réalité sur le terrain est bien plus complexe : les populations maîtrisant moins bien la langue française, ou en difficultés financières, ont besoin d’un accueil personnifié. S’engager sur le « tout dématérialisé », c’est réduire l’accès au service public à une partie des contribuables.
Les suppressions d’emplois, la généralisation de la dématérialisation, les fermetures et fusions de trésoreries fragilisent le service public et l’éloignent des usagers, en particulier dans les zones rurales. C’est bien l’égalité d’accès au service public qui est remise en cause. Mais de cela, le gouvernement se contrefiche !
Correspondante
• Créé le Mercredi 14 février 2018, mise à jour Lundi 26 mars 2018, 23:18 :
https://npa2009.org/arguments/services-publics/les-finances-publiques-dans-le-viseur
Développer les services publics : nos revendications
Macron n’est pas le premier à s’attaquer à la fonction publique, aux fonctionnaires et plus largement aux services publics.
Les services publics sont une sorte d’empiétement « socialiste » dans le système capitaliste, et on comprend mieux les attaques incessantes dont ils sont victimes. L’offensive contre les services publics n’a rien de spécifique à la France, puisqu’elle fait partie de l’offensive internationale, lancée au cours des années 1990, de remise en cause de tous les budgets sociaux. La raison de l’attaque était double : permettre d’améliorer la marge des entreprises en limitant voire en baissant le « coût » du travail ; soumettre à la logique marchande le secteur public afin de s’approprier les formidables richesses qui lui échappent encore.
Une offensive du privé aux conséquences néfastes
Les dégâts provoqués par cette offensive sont nombreux et génèrent des dysfonctionnements, des suppressions de postes et des licenciements, servant de prétexte à de nouvelles casses, fermetures de bureaux, de lignes, d’hôpitaux, éloignant de plus en plus les usagerEs des services auxquels ils auraient le droit de prétendre.
Cette politique est aggravée par les lois de décentralisation et la réforme territoriale qui réduisent les moyens des collectivités locales. Le recours à la concurrence entraîne la dégradation des services et une hausse des prix, pour le plus grand bien du secteur privé. Si la remunicipalisation de la distribution de l’eau dans certaines villes représente une remise en cause partielle de l’accaparement des biens communs par les multinationales, les attaques contre l’école, notamment avec la réforme des collèges, de l’université et de la recherche, et les concessions faites au privé confirment que les capitalistes veulent dévorer l’ensemble des espaces publics à potentiel lucratif. Même le service des finances publiques, un outil pourtant essentiel des politiques fiscales de l’État, est attaqué...
L’appropriation sociale pour répondre aux besoins
Les luttes pour les services publics représentent un enjeu de société, la défense d’un projet fondé sur la solidarité et la satisfaction des besoins sociaux contre une société basée sur le profit, la satisfaction des intérêts des propriétaires des moyens de production et d’échange et des actionnaires.
L’éducation, la santé ou le logement sont des droits qui doivent être totalement retirés du secteur privé marchand. Il faut étendre les services publics comme, par exemple, dans la petite enfance, créer des postes et développer de nouveaux services répondant aux besoins du plus grand nombre.
Les réseaux vitaux (énergie, eau, communications, transports, voies de circulation, etc.) doivent être au service du plus grand nombre, développés, gérés, entretenus par l’État. Nous revendiquons la création d’un million d’emplois dans la fonction publique pour renforcer et développer les services publics afin de répondre aux besoins essentiels de la population : la santé, l’éducation, l’eau, l’énergie, le logement, les transports…
Contre la société de la concurrence généralisée, la construction d’une société solidaire passe par la réappropriation publique des secteurs privatisés. À la production de biens et de services en fonction du profit doit se substituer l’appropriation sociale pour produire, selon les nécessités du plus grand nombre, des biens et des services sociaux correspondant aux besoins fondamentaux définis par la population elle-même et placés sous son contrôle.
Construire la mobilisation
Au-delà de la gravité des projets gouvernementaux, les enjeux syndicaux sont aussi importants. D’une part, à l’image de ce qui est fait dans le privé, le gouvernement a dans ses cartons une redéfinition du « dialogue social » dont l’objectif est de réduire les moyens institutionnels des organisations syndicales et des institutions représentatives du personnel. Une question d’autant plus cruciale que ces moyens font partie des ressources parmi les plus importantes des organisations syndicales. L’autre enjeu est constitué par les élections professionnelles prévues pour décembre 2018. Sachant que la CGT, majoritaire dans l’ensemble de la fonction publique (23,1 % des voix en 2014), y joue sa place de première organisation syndicale tous secteurs confondus. Pour la CFDT (19,3 %) et FO (18,6 %), le maintien voire la progression dans la fonction publique relèvent d’enjeux politiques et matériels essentiels. Au total, une concurrence électorale qui peut avoir un impact sur l’organisation de la mobilisation. Comme face aux ordonnances la CFDT et FO pourraient, au côté de l’UNSA, jouer la carte du « réformisme assumé ». La CGT aux forces déclinantes et sans stratégie autre que « sauver les meubles » ne pouvant compter quant à elle que sur Solidaires pour prendre des initiatives de mobilisations à la hauteur de l’ensemble des enjeux.
Pour l’instant, face à ces attaques sans précédent, une journée de grève de la fonction publique aura lieu le 22 mars prochain, à l’appel de 7 organisations de la fonction publique sur 9.
Mais plus que jamais, une seule journée de grève ne fera en rien reculer le gouvernement. Il faut donc travailler dès aujourd’hui à la construction d’un mouvement d’ensemble sur la durée et qui soit le plus large possible. Face à ce qui risque d’être une cacophonie syndicale, les salariéEs doivent s’engager dans la construction concrète de la mobilisation : assemblées générales, liens entre secteurs mobilisés, contact avec les usagerEs. Car on le sait, les projets du gouvernement n’auront pas seulement des conséquences désastreuses pour les fonctionnaires mais ils en auront aussi pour l’ensemble de la population.
Robert Pelletier
• Créé le Mercredi 14 février 2018, mise à jour Lundi 26 mars 2018, 23:18 :
https://npa2009.org/arguments/services-publics/developper-les-services-publics-nos-revendications