Leurs éoliennes... c’est du vent
François Iselin
solidaritéS n°57 (07/12/2004), p. 20-21.
« Qui sème le vent récolte la tempête », dit-on et les promoteurs de gigantesques moulins hightech récoltent des bourrasques d’oppositions des populations censées devoir les héberger, soutenues y compris par des écologistes acquis jadis à l’exploitation de cette manne d’énergie renouvelable. A chaque nouveau projet d’implantation de ces méga turbines à hélice, les assemblées citoyennes se déchirent dans des débats sans fin. Les citoyens sont pris en tenaille entre les arguments « scientifiques » des ingénieurs proclamant les bienfaits de leurs machines et les objections d’écologistes conséquents qui en dénoncent l’absurdité.
En Suisse où la production d’électricité éolienne n’est actuellement que de 0.01% [1], le débat ne fait que commencer puisque l’Office Fédéral de l’Énergie a dénombré 3000 sites susceptibles d’accueillir des éoliennes qui ne couvriraient cependant qu’un dérisoire 3.5% de nos besoins en électricité ! [2].
Ainsi, une fois de plus les populations sont piégées par le lobby de l’énergie : « Si vous n’acceptez pas l’énergie « propre » de nos éoliennes c’est que vous êtes pour l’éclairage à la bougie, l’énergie sale du pétrole ou très sale du nucléaire ». Un article hargneux dénonçait précisément les écologistes lucides opposés autant à la filière nucléaire qu’a l’éolienne, les traitant de « girouettes […] volant au secours de ce qu’il y a de plus ringard et passéiste » [3]. Chantage sournois, informations confisquées et tronquées, intérêts privés non avoués, corruption de fonctionnaires, promesses de ristournes mirifiques aux notables qui finissent souvent par trahir leurs administrés. On se retrouve dans la même situation que nous imposait jadis la CEDRA lorsqu’elle voulait stocker ses déchets radioactifs à Ollon ou le lobby nucléaire avec sa centrale nucléaire à Kaiseraugt. Bref, les « pour » venus d’en-haut avec leurs arguments « scientifiques » et leurs promesses dorées versus les « contre » d’en-bas avec leurs craintes intuitives, leur argumentation fragile, leurs pétitions, leurs manifs et leurs opposition vite taxée de refus du Progrès, de la Croissance, de l’Ecologie, de la Solidarité.
A titre d’exemple relevons l’opposition qui s’est manifestée l’été dernier à Visan/Vinsobres dans le Sud de la France lors d’une réunion publique d’information à propos du projet de construction de huit éoliennes par la société privée Ventura. Cette implantation devrait occuper plusieurs hectares pour une puissance de 12 à 16MW. Les éoliennes se trouveraient entre 500 et 700 mètres des premières habitations, leur construction durerait plusieurs mois et générerait des convois exceptionnels, chaque éolienne mesurerait 100 mètres de hauteur (35 étages !) et leurs fondations engloutiraient 250 m3 de béton… [4]. On comprend que l’association « Vent en Colère » qui défend les conditions de vie des habitants du lieu redoute les conséquences de ces monstres omniprésents, le bruit permanent de leurs gigantesques pales tournantes, longues de 30 mètres, l’hécatombe des oiseaux de passage et autres nuisances imprévisibles.
Mais les promoteurs ont réponse à tout et lorsqu’ils sont en peine d’arguments pour défendre les grandes faucheuses d’oiseaux, ils utilisent les statistiques implacables de leurs hommes de paille, tels l’idéologue social-libéral Bjørn Lomborg [5] : « Au Danemark, on estime qu’environ 30000 oiseaux meurent chaque année dans des collisions (sic) avec les éoliennes. Aux Etats-Unis, il y en a environ 70000. Ce chiffre peut sembler considérable, mais il ne l’est pas si on le compare au nombre d’oiseaux tués ailleurs […] heurtés par des véhicules […] aux vitres de construction […ou par] les chats domestiques ». Pas d’états d’âme pour les oiseaux, éoliennes ou non, quoi qu’il en soit, ils sont condamnés à périr !
L’argument massue des promoteurs c’est le remplacement « indispensable et urgent » des énergies non renouvelables (pétrole, uranium), sales (gaz à effet de serre, déchets radioactifs) et dangereuses (accidents nucléaires) par des énergies innovantes, renouvelables, propres et gratuites. Cette argumentation semble cohérente, elle est pourtant totalement biaisée :
1. « L’éolien serait une énergie nouvelle »
Faux : comme toutes les autres formes d’énergie produites indirectement par le soleil, l’éolien d’aujourd’hui n’est qu’une « énergie ancienne rajeunie ». Les premiers moulins à vent dateraient de 1700 avant J-C. Vers 1100 les Croisés et les voyageurs de l’Occident sous-développé les auraient admirés au Moyen-Orient [6]. A titre d’exemple, la France comptait il y a deux siècles quelques 20000 moulins à vent. En effet, avant la révolution capitaliste productiviste, l’Europe ne carburait qu’au solaire, sous toutes ses formes et ses forces, dont celle de son rayonnement direct dardant les moindres recoins des terres habitées, celle de l’eau de mer que le soleil évapore et élève pour la précipiter dans les turbines hydrauliques, celle de l’air atmosphérique que le soleil met en mouvement ce qui donne l’énergie du vents qui actionne les moulins à vent où éoliens comme on les nomme aujourd’hui. Les êtres humains n’ont pas attendu les charbonniers, pétroliers, gaziers, et autres colporteurs de kilowatts nucléaires pour puiser sur place l’énergie dont ils avaient besoin, en user et en abuser puisque « Le soleil constitue une ressource 10000 fois supérieure à la consommation mondiale d’énergie » [7]. Si la bourgeoisie au pouvoir voulait vraiment exploiter le vent, cela ferait longtemps qu’elle se serait repentie de l’avoir abandonné.
2. « L’énergie éolienne serait indispensable »
Indispensable pour qui ? La priorité actuelle est d’une part de répondre aux attentes pressantes d’un milliard d’être humains toujours privés d’électricité et, seconde priorité, de réduire la consommation boulimique des populations prédatrices. Ceci ne sera possible que lorsque les citoyens boycotteront les marchands de kilowatt, de radiateurs électriques, de climatiseurs et autres palliatifs aux architectures aberrantes.
De plus, les besoins en électricité sont forts réduits par rapport aux besoins d’énergie thermique. En Suisse l’électricité ne représente que le 20% de l’énergie consommée. L’urgence actuelle n’est donc pas de produire du courant propre mais de la chaleur propre : « Le développement du solaire thermique […) est une priorité absolue » [8]. Les éoliennes ne sont de fait « indispensables » qu’à l’accumulation capitaliste des constructeurs de ces machines, aux entreprises qui les montent et aux revendeurs de l’électricité que ces éoliennes produisent… gratuitement. Ces société privées qui se ruent sur l’or éolien et dont les titres flambent en bourse échappent de plus en plus à tout contrôle public. Il s’agit entre autres de Nordex AG, le plus grand fabricant allemand d’éoliennes, Jeumont, fabricant d’aérogénérateurs pour le compte du groupe nucléaire AREVA, Juvent SA qui fournit le 80% de l’énergie éolienne en Suisse…
3. « La production éolienne serait décentralisée »
Ce qui est décentralisé – comme toutes les énergies d’origine solaire – c’est le vent omniprésent sur notre Terre. Sa force permettrait donc d’approvisionner localement fermes, hameaux, villages et agglomérations sans avoir à déplorer les pertes dues au transport de l’électricité, les frais de construction et d’entretien des lignes à haute tension et des transformateurs. Cependant, les projets actuels centralisent ces productions décentralisées et privent de fait les populations équipées d’éoliennes de tout contrôle sur leur propre production.
Ceci dit, la puissance du vent est temporellement et géographiquement très variable. Son débit varie entre calme et tempête et des régions où le vent est abondant – crêtes et côtes – à celles où il s’essouffle. Ainsi, la mise en réseau a l’avantage de pouvoir approvisionner les régions où le vent souffle peu ou rarement. Mais cet avantage n’est qu’apparent puisque les sources d’énergie solaire peuvent être diversifiées. Ainsi, en ce qui concerne l’électricité solaire, la solution technique est double : diversification et décentralisation. Diversification, en jouant sur la complémentarité entre des trois principales formes d’énergie solaire : photovoltaïque, hydraulique et éolienne ce qui réduit la contrainte d’une mise en réseau ; décentralisation, en construisant de petites installations de captage locales, à taille humaine, gérées démocratiquement par les populations. Ceci n’a rien d’utopique comme le démontrent les rares réalisations qui ont réussi à contourner les lois du marché. [9]
4. « L’énergie éolienne serait économique »
Elle est certes gratuite au captage mais très chère à l’achat : au même prix que l’électricité nucléaire ! C’est qu’entre deux cette énergie passe par les dédales des « lois du marché ». C’est que les capitalistes tout en prêchant l’austérité n’ont pas perdu leur manie de se servir grassement au passage en construisant de gigantesques tours d’acier, en bétonnant leurs fondations, en fabriquant des pales en matériaux composites, en tirant des lignes à haute tension et en vendant chèrement ce courant à ceux qui pourtant possèdent le vent. Pour justifier de telles ponctions, ces Messieurs gonflent les devis et les subventions correspondantes ; pourtant, chacun de leurs monstres coûteux ne produit au mieux que 2 mégawatts de quoi approvisionner à peine 2000 foyers et ne fonctionneront au plus que quelques décennies.
5. « Les aérogénérateurs seraient écologiques »
L’augmentation du bruit ambiant, les risques pour la faune, le bétonnage des terres, le goudronnage de routes d’accès aux chantiers n’a jamais été favorable à l’environnement. De plus, ces aérogénérateurs qui sont programmés pour fonctionner au mieux pendant 25 ans – plus réalistement 15 ans – constitueront de nouvelles ruines technologiques dont le coût du démantèlement reste à chiffrer et à financer : question « développement durable » on fait mieux !
6. « L’éolien serait la solution »
Telle que programmée par les détenteurs des moyens de production, la diversification énergétique a tout de l’emplâtre sur une jambe de bois. Ce ne sont pas 1000 ni 10000 éoliennes de plus qui mettront fin aux effets désastreux de la politique énergétique dominante. La solution énergétique écosocialiste implique comme préalable le démantèlement des centrales électriques fonctionnant avec des combustibles nucléaires et fossiles non renouvelables et le conditionnement durable de leurs déchets. Cette solution soutenable et souhaitable n’étant pas envisagée par les électriciens, l’éolienne ne constitue qu’une diversion servant à masquer les panaches de vapeur et de fumée des réacteurs thermiques existant et à venir. Car derrière ses gadgets « alternatifs », le choix énergétique du capital reste le nucléaire : la construction d’un nouveau réacteur n’est-elle pas programmée en coulisses à Flamenville ? [10]
7. « L’éolien crée des emplois »
La belle affaire ! En Allemagne « plus de 120000 personnes ont trouvé un emploi dans le secteur des énergies renouvelables [dont] 40000 dépendent du secteur éolien » [11]. Mais ces emplois ne servent qu’à procurer les salaires nécessaires à payer le prix exorbitant des biens de première nécessité ! En France, par exemple, 30% des logements sont chauffés à l’électricité, ce qui est comme on le sait aberrant, et 200000 familles se trouvent en difficulté de payement de leurs facture. [12] Alors faut-il soutenir la création d’emplois qui ne font qu’entretenir l’emballement productiviste ou mettre fin à ce cercle vicieux qui conduit la Planète à la catastrophe ? L’effet de serre et les canicules qui en découlent ont fait exploser la production de climatiseurs : faut-il pour autant saluer les emplois qui en découlent ?
8. Enfin, « L’éolien serait innovant »
Rien de cela : l’humanité n’a besoin que d’inventions nécessaires à sa survie. Pour ce faire il faudra réinventer l’invention. Elle découlera de l’action créatrice universelle, menée démocratiquement, en totale indépendance des intérêts particuliers et ne sera destinée à l’épanouissement des êtres humains et de la nature. « L’invention ne retrouvera l’utopie réelle qu’elle avait dans le ventre que lorsque l’économie basée sur la satisfaction des besoins remplacera celle basée sur le profit ». [13]
François ISELIN
1. 24 Heures, 10.3.03 ; Le Courrier, 27.8.04.
2. Le Temps, 15.06.0 ?. Faute de place nous reviendrons sur l’éolien en Suisse.
3. Le Monde, « L’écolo-égoïsme est dans le vent », 01.07.04.
4. Presse locale de Visan/Vinsobre.
5. « L’écologiste sceptique, le véritable (sic) état de la planète », le Cherche Midi, Paris 2004, p. 231. C’est un pavé de 700 pages et 4000 références - introduit et encensé par Claude Allègre lui même – sur le quel nous reviendrons.
6. « Les éoliennes Modernes », Pour la Science, août 1986.
7. « Quels systèmes énergétiques pour le XXIe siècle », Production, tome 2, Université de Genève, 1999.
8. « Le potentiel de l’énergie éolienne est remis en cause par un rapport parlementaire », Le Monde 06.12.01.
9. Voir quatre réalisations récentes sous le titre « Le petit éolien » dans La maison écologique, oct.-nov. 2004.
10. Le Monde 22.10.04.
11. ATTAC, S. Giegold et M. Arhelger : « Après le pétrole : quelles énergies ? », Grain de sable, 13.10.04.
12. Idem, J. Weber : « Energie : quelles alternatives ».
13. Ernst Bloch, Le Principe Espérance, tome II, Gallimard, Paris 1982 p. 259.
Controverse sur les éoliennes : un partisan s’exprime
Martin Kernen
solidaritéS n°60 (24/01/2005), p. 24
Martin Kernen, ingénieur EPFL actif au Centre d’information Suisse Eole Romandie, à La Sagne (NE), a souhaité répondre à l’article de François Iselin sur l’énergie éolienne, paru dans solidaritéS n° 57. (Réd.)
Le présent article répond de manière factuelle au faux procès que fait M. Iselin à l’énergie éolienne dans son article du 7 décembre dans ces colonnes. Les lecteurs de solidaritéS méritent des informations précises et cohérentes qui ne soient pas que du vent.
Ne pas se tromper d’adversaire
La majorité des thèses développées par M. Iselin impliquent le mode de fonctionnement de notre société et s’appliquent, dès lors, à tous les domaines, y compris les autres énergies renouvelables. Vouloir faire le procès du grand Capital, des électriciens et des politiciens en ferraillant sur l’énergie éolienne est une erreur dialectique. En pourfendant l’énergie éolienne, on attaque une solution intelligente et performante qui offre de réelles possibilités d’acquérir plus d’indépendance dans le domaine énergétique et d’assurer un développement durable sans grands frais d’infrastructures. A ce sujet, un projet appelé « Mad’Eole » est en cours de concrétisation à Madagascar. Il consiste à installer une usine de production de turbines éoliennes qui sont destinées autant au marché intérieur qu’à d’autres pays de l’Océan indien et de la côte est de l’Afrique. Plutôt que d’importer du carburant fossile, dépenser de l’argent et dépendre de grandes compagnies étrangères, on moissonnera le vent ! Il est gratuit ! De plus, on formera des spécialistes locaux qui seront capables de transférer des connaissances Sud-Sud. Résultat : les populations seront plus indépendantes, l’électricité permettra d’ouvrir les écoles la nuit pour instruire les parents, de stériliser les instruments dans les hôpitaux et d’éclairer les foyers, etc. Où est le problème ? En Allemagne, où le démantèlement du nucléaire est programmé, nombre d’installations ont été financées par des coopératives nées de l’initiative de citoyen-ne-s habitant de petites localités et des villages. Preuve que la démocratisation et la décentralisation de l’énergie est possible. N’est-ce pas souhaitable ?
L’énergie éolienne
L’énergie éolienne est une énergie renouvelable, sans déchets toxiques ni émissions de gaz à effet de serre. Sur le plan mondial et européen, il s’agit d’une véritable alternative aux énergies fossiles et nucléaire : en 2010, l’énergie éolienne en Europe correspondra à la consommation de 85 millions d’Européens1 et permettra d’éviter l’émission de quelques 85 millions de tonnes de CO2. A titre comparatif, les deux éoliennes installées en automne 2004 au Mont-Crosin produisent 6 fois plus d’énergie que le plus grand site photovoltaïque de Suisse du Mont-Soleil (50000 m2) et satisfont aux besoins de 1000 ménages.
Comme toute production d’énergie, l’éolien présente également des impacts, notamment visuels. A ce sujet, il est intéressant de constater que l’énergie éolienne est la forme d’énergie préférée des Danois – pays avec la plus grande concentration d’éoliennes au monde – qui la soutiennent à 86%2. Il n’en reste pas moins que chaque projet doit être planifié soigneusement pour intégrer au mieux les éoliennes dans le paysage.
Selon des études menées par des ornithologues dans différents pays, entre 0,05 et 3 oiseaux sont tués par année et par éolienne. Les études environnementales de chaque projet limitent au maximum cet impact en évitant les passages migratoires, les mâts « treillis » et l’alignement d’éoliennes sur les crêtes.
Finalement, le démantèlement et la remise en état du site après la fin de l’exploitation d’un parc éolien sont garantis par un fond créé lors de l’installation du parc.
L’éolien en Suisse
L’énergie éolienne en Suisse s’inscrit dans l’effort pour réduire notre consommation d’énergies fossiles et pour accroître les énergies renouvelables au même titre que l’amélioration de l’isolation des bâtiments, la promotion du solaire et du bois-énergie, etc. Seule la combinaison de la réduction de la consommation et le recours accru aux énergies renouvelables permettra d’éviter la construction d’une nouvelle centrale nucléaire, thème brusquement redevenu d’actualité cet automne.
Voulant éviter un développement non coordonné de l’énergie éolienne, l’Office fédéral de l’énergie et l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage ont développé, en collaboration avec les associations de protection de l’environnement et les autres milieux concernés, un concept national éolien3 définissant 28 emplacements qui répondent à des critères techniques et environnementaux très stricts. A l’exception de la Fondation suisse pour le Paysage, tous les acteurs ont donné leur accord à ce développement. La réalisation des 28 parcs permettrait de couvrir le 6,6% de l’énergie électrique consommée dans l’Arc jurassien.
Ainsi, les principales organisations de protection de l’environnement, notamment ProNatura et le WWF, soutiennent le développement coordonné de l’énergie éolienne et les projets concrets. De plus, un sondage4 a montré que 89% des interviewés étaient favorables au développement de l’énergie éolienne en Suisse, cette proportion s’élevant à 97% aux alentours du site éolien du Mont-Crosin ! Les oppositions actuelles à certains projets éoliens en Suisse sont le fait de quelques propriétaires de résidences secondaires devenus « subitement » des défenseurs de l’environnement et du paysage.
En conclusion
L’énergie éolienne est une des seules énergies à montrer son vrai visage. Rien n’est caché. Le regard que l’on porte sur une turbine moissonnant le vent nous amène à réfléchir sur notre propre consommation. C’est déjà une incitation aux économies.
Nous devons trouver une alternative aux énergies fossiles polluantes, dangereuses et en voie d’épuisement. L’énergie éolienne, aux côtés des économies d’énergie et des autres énergies renouvelables, doit continuer son développement si nous voulons relever ce défi.
Pour un suivi de l’actualité éolienne :
www.suisse-eole.ch
Pour soutenir l’énergie éolienne :
www.suisse-eole.ch/association-com-eole.htm
1. Wind energy, the Facts, an analysis of wind energy in the EU-25, European Commission’s Directorate General for Transport and Energy & European Wind Energy Association, 2004
2. Danmarks Vindmolleforening, 2002
3. Concept d’énergie éolienne pour la Suisse, OFEN, OFEFP, ARE, 2004
4. Sondage réalisé sous mandat de l’Office fédéral de l’énergie sur un panel de 420 personnes, OFEN, 2002
Articles liés. Numéro 64 | Auteurs : Bernard CHAPUIS | Rubriques : Environnement | Électricité
Environnement
Controverse sur les éoliennes : le point de vue d’un opposant
Bernard Chapuis
solidaritéS n°64 (29/03/2005), p. 14.
Après l’article de François Iselin sur l’énergie éolienne, paru dans solidaritéS n°57, et la réaction de Martin Kernen, publiée dans le n°60, c’est au tour de Bernard Chapuis, président de l’association des Amis de Tête-de-Ran / La Vue-des-Alpes, d’apporter sa contribution au débat. (réd)
La réponse de Martin Kernen, responsable du centre d’information Suisse Eole pour la Suisse romande, à l’article de François Iselin sur l’énergie éolienne vise à démontrer à quel point il est actuellement politiquement incorrect de mettre en doute, voire de s’opposer au développement de la filière éolienne dans notre pays.
Dans son article, les irresponsables réfractaires au dieu Eole sont, en vrac, ceux qui font le procès du Grand Capital, ceux qui ne veulent pas que les écoles soient ouvertes la nuit à Madagascar afin que les parents s’y instruisent, ceux qui ne comprennent pas les Danois, qui ont planté de nombreuses éoliennes pour agrémenter leur plat pays, les riverains égoïstes des parcs éoliens, qui n’ont aucune raison de se plaindre du bruit, de la destruction paysagère, de l’impact touristique néfaste suscités par des aérogénérateurs de plus de 100 mètres de hauteur, et j’en passe.
Un tel amalgame a le mérite de montrer que les promoteurs de l’énergie éolienne cherchent à « ratisser large » mais il nous oblige surtout à considérer que le débat sur une énergie qui arbore tous les stigmates de la propreté ne peut se réduire à une position pour ou contre le renouvelable, quelle qu’en soit la nature.
Présentons d’abord quelques faits et analyses avant d’enlever un peu de fard à l’idole.
Substitut au nucléaire ?
La Suisse n’est fondamentalement pas un pays éolien. Elle ne dispose pas de grands espaces libres inhabités et les conditions aérologiques n’y sont pas favorables en raison du manque de force et de régularité des vents. Chez nous, le rendement des aérogénérateurs ne dépasse pas 15% de leur capacité et leur contribution à la production d’électricité en Suisse ne peut être qu’infime, de l’ordre de quelques pour mille. Une récente étude1 de l’OFEN démontre qu’en hérissant d’éoliennes de grandes dimensions, toutes les crêtes de l’Arc jurassien et des Préalpes, on ne pourra jamais contribuer, même de façon marginale, au remplacement du nucléaire.
Réduction des gaz à effet de serre ?
Aujourd’hui déjà, la totalité de nos besoins en électricité sont assurés par des systèmes de production qui sont exempts d’émission de CO2 (60% hydraulique, 40% nucléaire). Par conséquent, quel que soit le nombre machines érigées, la contribution des éoliennes au respect, par la Suisse, des engagements de Kyoto restera toujours nulle.
Dans notre pays, la consommation d’électricité représente moins du quart de la consommation totale d’énergie. Les trois quarts restant sont les carburants, les combustibles fossiles et le gaz. Le potentiel de réduction de la pollution atmosphérique réside principalement dans les domaines de l’utilisation des énergies fossiles.
Utilisation rationnelle de l’énergie
Maintenir l’augmentation de la consommation d’électricité sur la période 2000-2010 en deçà de 5% est l’un des objectifs du programme SuisseEnergie. Or entre 2000 et 2003, la consommation d’électricité a déjà augmenté de 5,2%, soit 50 fois plus que l’objectif 2010 de la Confédération pour son programme d’énergie éolienne2.
Prenons l’exemple des appareils électroménagers qui absorbent 13% de l’électricité en Suisse, et pour lesquels la facture annuelle d’électricité s’élève à CHF 5 milliards. Selon le programme Etiquette-Energie3 le potentiel d’économie d’électricité d’un appareil de classe A par rapport à la classe G s’élève à plus de 50%. Cela représente une diminution potentielle de la consommation d’électricité de 6,5% et, surtout, un manque à gagner pour les producteurs d’électricité de CHF 2,5 milliards. Peu enclins à favoriser les programmes d’économie ces derniers préférèrent stimuler la croissance qui leur permet de justifier la construction de parcs éoliens sur les crêtes du Jura en vendant au prix fort un courant labellisé « vert ».
Energie renouvelable
Plutôt que de foncer tête baissée dans le développement d’une filière éolienne sans avenir, la Suisse devrait donner la priorité à la mise en valeur du bois, des déchets organiques et inorganiques, de l’énergie solaire thermique, de la géothermie et de la force hydraulique existante, ceci dans le cadre de leur potentialité et de leur compatibilité avec l’environnement.
On peut espérer que ces réflexions qui sont de plus en plus dans l’air du temps apporteront quelques fausses notes dans la grande messe de l’éolien.
Les facettes de l’éolien
En conclusion, et pour faire une nouvelle allusion à M. Kernen qui, à la fin de son article, se targue d’avoir montré le vrai visage de l’éolien, contentons-nous d’en révéler quelques facettes. Qui veut de l’éolien en Suisse ?
Des sociétés multinationales qui piaffent à nos frontières afin d’étendre leur marché. C’est le cas d’Eole-RES, une entreprise franco-anglaise, qui paie les avocats chargés de défendre les intérêts des promoteurs face aux organisations de protection du paysage qui ont recouru au tribunal administratif contre l’implantation d’un parc éolien à Tête-de-Ran, petite station touristique du Jura neuchâtelois.
Des bureaux d’ingénieurs qui profitent des deniers publics pour réaliser de nombreuses études d’impact et qui, par un habile travail de lobbying, poussent à la construction de parcs éoliens pour justifier leurs activités.
Des producteurs d’électricité qui ont bien compris que l’éolien en Suisse peut représenter un marché de niche juteux et qui, de plus, ne nuit pas à leur stratégie opportuniste de relance du nucléaire. Pour preuve, en 2003, au lendemain des votations sur l’atome, les Forces motrices bernoises4 annonçaient la construction de deux nouveaux aérogénérateurs à Mont-Crosin (JB). Les FMB mettaient alors en évidence tout le bien qu’elles pensaient de cette filière énergétique. Fin 2004, les mêmes FMB ouvrent le débat sur la nécessité de construire une nouvelle centrale nucléaire5, s’appuyant sur le faible rendement de leurs installations éoliennes de Mont-Crosin.
Tous ceux qui, malheureusement, croient laver leur conscience en achetant au prix fort une électricité labellisée mais qui, en fait, cautionnent les acteurs mentionnés aux trois points ci-dessus.
1. Concept d’énergie éolienne pour la Suisse, OFEN, 2004
2. SuisseEnergie – Objectifs pour l’énergie éolienne, 5.11.2001
3. Communiqué – OFEN, 2001
4. Mont-Crosin – Extension du parc d’éoliennes, Le Temps, 19.05.2003
5. Indispensable extension des installations de production – Communiqué – FMB, 11.10.2004
Opposition à l’éolien industriel : www.juracretes.ch