Trois kilomètres de cortège violet prêt à « piétiner le patriarcat ». Ce samedi, à la veille de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, des dizaines de milliers de manifestantes et de manifestants ont marché du Palais Garnier à la place de la République, à Paris, pour dire stop « aux violences sexistes et sexuelles ». A l’appel du mouvement citoyen #NousToutes – rejoint par les associations réunies sous la bannière #NousAussi – les marcheuses et les marcheurs ont réclamé la fin de « l’impunité des agresseurs » et plus de « moyens financiers pour lutter contre ces violences », un an après le début du mouvement #MeToo. Ils et elles étaient 30 000 dans la capitale selon les organisatrices (12 000 selon la police), et 50 000 dans tout le pays.
Sur leurs pancartes et autres affiches, on lit « ras le viol », « touche à ton cul », « I’m sorry for your fragile masculinity » ou encore « on est le cri de celles qui n’ont plus de voix ». Corinne, 56 ans, brandit ce dernier slogan comme un étendard. Victime de violences conjugales pendant presque dix ans, « [elle] n’aurait pas pu être présente aujourd’hui si elle ne s’était pas enfuie de chez [elle], dit-elle à Libération. Il était trois heures du matin. J’avais drogué mon ex-mari pour ne pas qu’il se réveille. J’ai pris mes deux enfants et nous sommes partis. Nous avons marché 13 kilomètres jusqu’à chez ma mère. Je n’ai pas pris la voiture car j’avais trop peur qu’il se réveille. Le soir même, il avait failli me tuer tellement il m’a frappée fort. J’avais la mâchoire déplacée et des marques de strangulations. » Si Corinne a décidé de marcher aujourd’hui, c’est aussi pour « toutes ces femmes qui n’ont pas pu quitter le foyer familial ». Manu, son compagnon, est à ses côtés. Un foulard violet à la main, couleur choisie par le mouvement #NousToutes. « Quand j’ai rencontré Corinne, elle avait peur des hommes. Il a fallu lui redonner confiance. Si je suis là aujourd’hui, c’est avant tout pour elle. Mais je suis là aussi pour dire aux femmes « vous n’êtes pas seules ». »
« Nos jupes sont courtes, pas nos idées ! »
Quelques mètres plus loin, Clémence et Marie, étudiantes d’une vingtaine d’années, scandent « nos jupes sont courtes, pas nos idées ! » Elles sont venues pour dire stop « aux frottements dans le métro », aux « sifflements dans la rue », « aux réflexions sur [leur] cul ou [leur] poitrine trop systématiques ». Beaucoup de jeunes du même âge sont là aujourd’hui. « C’est aussi à la nouvelle génération de porter haut ce combat contre les violences misogynes. Moi, j’ai été sensibilisée dès l’adolescence à ces questions-là. J’espère que la génération suivante sera féministe dès le berceau », développe Maureen, étudiante en sociologie. Tomas, 22 ans : « Trop d’hommes aujourd’hui ne savent toujours pas de quoi on parle quand il s’agit de violences sexistes et sexuelles. Je pense que l’affaire #MeToo en a fait réagir beaucoup. Mais la remise en question ne suffit pas, les hommes doivent agir maintenant. On doit tous apporter notre soutien et notre aide pour que les femmes se sentent au mieux dans notre société. »
Derrière la bannière du groupe intersectionnel #NousAussi, Véronique crie haut et fort « lesbiennes agressées, toutes concernées ! » Sa compagne, Silvia, 42 ans, soulève une affichette sur laquelle il est écrit : « Femme, noire, lesbienne, la triple peine. » « Je ne vous raconte même pas comme le monde du travail peut être un enfer pour moi. Quand un de mes collègues ne me fait pas une blague raciste, c’est un autre qui va me faire une réflexion lesbophobe ou une remarque sur mon décolleté, détaille-t-elle. Ces réflexions et ces brimades écœurantes sont autant de coups de couteau dans le cœur. Cette violence doit cesser. »
« Voir autant de monde mobilisé me donne de l’espoir »
Après la marche, le ralliement s’est transformé en grande réunion place de la République. Pendant trois heures encore, des milliers de personnes ont continué de danser et de chanter les mots d’ordre de la lutte. Riva, élue de Seine-Saint-Denis, 40 ans : « Depuis des années, on se mobilise à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. D’habitude, on était seulement une centaine, un peu comme si on faisait une marche blanche en l’honneur d’une femme assassinée par son mari. Aujourd’hui c’est un pur bonheur. Voir autant de monde mobilisé pour cette cause me donne de l’espoir. »
Une mobilisation festive qui s’est déroulée sans aucun débordement. « La violence n’a jamais été du côté des femmes, ni des hommes solidaires à leurs causes, conclut Claire, 33 ans, vendeuse dans une boutique du XXe arrondissement de Paris. D’ordinaire les femmes subissent la violence. Elles s’en prennent plein la gueule et souffrent en silence. Aujourd’hui, elles se sont exprimées contre cette violence. Aujourd’hui, c’était notre moment à nous toutes. »
Anaïs Moran photos Marie Rouge pour Libération
• Libération. 24 novembre 2018 à 20:10 :
https://www.liberation.fr/france/2018/11/24/marche-contre-les-violences-faites-aux-femmes-aujourd-hui-c-etait-notre-moment-a-nous-toutes_1694079
Une marche dans les pas de #MeToo
DÉCRYPTAGE
Dans la continuité de #Balancetonporc et autres, le mouvement #NousToutes appelle à descendre dans la rue samedi, à Paris et dans plusieurs villes de France, pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles, l’impunité de leurs auteurs et le manque de formation dédiée à ces cas au sein de la police.
Après la colère, la mobilisation contre l’impunité des agresseurs ? Après un flot de dénonciations publiques d’actrices violentées, de témoignages de femmes violées, agressées, harcelées, insultées dans le monde entier, après une vague de hashtags, #MeToo aux Etats-Unis, #Balancetonporc et #MoiAussi en France, #Anchelo en Italie, #Yotambién en Espagne, une nouvelle pousse promet une… « déferlante ». Ce sont les #NousToutes, mouvement citoyen initié par des militantes féministes, avec Caroline de Haas en meneuse, personnalité aussi clivante qu’entêtée, cofondatrice de l’association Osez le féminisme, qui appellent à plus qu’une simple manif ou un rassemblement. Un raz-de-marée de femmes (et d’hommes) prêtes à marcher (à Paris et dans plus d’une quarantaine de villes de France) pour dire « stop aux violences sexistes et sexuelles » ce samedi (1), à la veille de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Jeudi, l’appel à cette opération avait rassemblé plus de 150 000 signataires. Le signe d’un rebond du « pas-se-laisser-faire » quand il s’en trouve pour ranger (déjà) le grand #MeToo et ses sœurs au rayon des antiquités qui ont fait leur temps ? Une « suite », plutôt, annonce Caroline de Haas, mais pas en forme de « après les paroles, des actes » : « Car prendre la parole est en soi un acte courageux. Mais dans cette étape d’après, nous voulons encore davantage faire prendre conscience de l’ampleur des violences et obtenir des pouvoirs publics qu’ils sortent le carnet de chèques. » Il faut des moyens pour former les policiers, les magistrats, les profs, éduquer la société, soutenir les femmes violées… Et ce ne sont pas les deux gros rapports du Haut Conseil à l’égalité (accompagnés d’un colloque qui s’est tenu jeudi) qui diront le contraire. Leurs titres constituent à eux seuls un programme : « Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? » demande l’un, quand l’autre s’intitule « Evaluation intermédiaire du 5e plan interministériel (2017-2019) et de la politique contre les violences faites aux femmes », avec en sous-titre… « Poursuivre les efforts pour mieux protéger les femmes victimes et en finir avec l’impunité des agresseurs. » Ça chauffe ? Y a le feu ? Il y a de ça.
#NousToutes va-t-il marcher ?
Des mois déjà que la mécanique s’est enclenchée. Et force est de constater que ce mouvement joue depuis l’été à la petite bête qui monte. Le 3 juillet : elles sont quelque 200 féministes, membres d’association (le Collectif national pour les droits des femmes, le Groupe F, le Planning familial, Osez le féminisme…) ou simples curieuses réunies à la Bourse du travail pour commencer à plancher. Revoyure le 20 septembre, toujours à la Bourse du travail. Cette fois, 1 000 personnes se sont portées volontaires pour organiser le mouvement. Et les coordonnées de 5 000 « marcheuses antiviolences » sont récupérées.
Au sein de #NousToutes, un comité regroupe des associations, des politiques, des syndicats et veille à l’organisation de la manif. Quatre-vingts femmes ont accepté de donner une demi-journée par semaine de leur temps à #NousToutes. « Pour plus de la moitié d’entre elles, c’est leur premier engagement. Elles sont de tous âges. C’est hétérogène. Nous avons des retraitées qui distribuent des flyers », s’enthousiasme Caroline de Haas. Bien. Mais le mouvement a-t-il de quoi faire trembler la République, qui l’an passé à la même date, par la voix de son plus éminent représentant, le président Macron, annonçait avec solennité et emphase que la guerre aux violences était déclarée, décrétant l’égalité femmes-hommes « grande cause du quinquennat » ?
Une tribune (publiée par France Inter) a recueilli les signatures de 250 personnalités issues du monde de la musique, du cinéma, de la littérature - comprendre du beau linge (Fanny Cottençon, Marie Darrieussecq, Rokhaya Diallo, Annie Ernaux, David Foenkinos, Karin Viard, Arthur H…). Plusieurs politiques ont aussi apporté leur soutien : Benoît Hamon, Yannick Jadot, Clémentine Autain, Laurence Rossignol (lire page 23), Olivier Faure… Une quinzaine de responsables syndicaux, dont Laurent Berger (CFDT) et Philippe Martinez (CGT), dans une tribune publiée dans le Monde, ont également appelé à participer « pour dire stop aux violences sexistes et sexuelles que subissent les femmes au travail », un « angle mort » dans la société. De quoi faire buzzer. Et porter certaines demandes. Comme - entre autres - « créer un brevet de non-violence, sur le modèle de l’attestation générale de sécurité routière que l’on passe en 5e et 3e. Et regardez combien d’enfants font remarquer à leurs parents qu’ils dépassent parfois la vitesse autorisée en voiture. Les enfants ont une puissance d’éducation hallucinante », assure De Haas. Toutes les féministes seront-elles là ? Certaines - une cinquantaine d’associations, telle celle des féministes musulmanes de Lallab, le collectif Afro-Fem, etc. - iront mais « à côté », unies sous le hashtag #NousAussi.
Les violences sont-elles si élevées ?
Des chiffres, toujours plus de chiffres qui s’accumulent… mais ô combien nécessaires pour mesurer l’ampleur des maux. Il y a une semaine, l’Institut français d’opinion publique (Ifop) a dévoilé sa dernière enquête intitulée « les Femmes face aux violences sexuelles et le harcèlement dans la rue ». Bilan : 86 % des Françaises ont été victimes d’au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue au cours de leur vie. Et la déclinaison des statistiques résonne comme autant de combats à mener dans l’espace public : 39 % des femmes interrogées affirment avoir déjà fait l’objet de remarques, de moqueries ou d’insultes sexistes, 38 % d’entre elles auraient déjà fait l’objet de gestes grossiers à connotation sexuelle, 48 % auraient déjà été abordées avec insistance, 31 % auraient fait l’objet de caresses ou d’attouchements à caractère sexuel malgré l’absence de consentement. Plus sombre encore, en janvier 2018, le ministère de l’Intérieur faisait état de 184 000 femmes victimes chaque année de « violences sexuelles » (subies dans la sphère privée et publique). L’enquête Virage, orchestrée en 2017 par l’Institut national d’études démographiques (Ined), évoquait pour sa part le chiffre de 580 000 victimes « d’une forme de violence sexuelle au cours des douze derniers mois ». Concernant les viols et tentatives de viols, le secrétariat d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes estime son nombre de victimes à 84 000 femmes tous les ans. Dans 90 % des cas, la victime connaît son agresseur. Une fois sur deux, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits. Sans oublier que les violences conjugales peuvent entraîner la mort : en 2016, 123 femmes ont été tuées par leur conjoint, ex-conjoint ou amant.
Faut-il mettre davantage au pot ?
Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ?, demande donc le Haut Conseil à l’égalité (HCE) dans son dernier rapport, qui s’est attelé à calculer le budget public qui serait nécessaire pour permettre aux victimes de violences conjugales (le grand fléau) pour s’en sortir. Bilan : il faudrait a minima mettre sur la table 506 millions d’euros. On en est loin, selon les évaluations du HCE : « En dépit de données partielles, le budget investi aujourd’hui dans les dispositifs qui jalonnent le parcours de sortie des femmes est estimé à environ 79 millions d’euros par an. »
Pourtant, multiplier par six l’enveloppe « violences conjugales » permettrait aux femmes un réel accès à leurs droits. En bénéficiant notamment - et c’est crucial - d’un hébergement spécialisé et en renforçant le budget des associations dédiées qui sont « en perpétuelle recherche de financement ».
Globalement, selon le HCE, « la France ne répond pas encore de manière satisfaisante à la gravité que représentent les violences faites aux femmes ». Sévère ? Certes, des efforts ont été faits. Ainsi, le numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, le 3919, qui a sonné encore plus que d’ordinaire dans la foulée de #MeToo (+ 15 % d’appels entrants au premier semestre), s’est vu octroyer une rallonge de 120 000 euros (sa subvention annuelle est de 1,3 million d’euros) mais « face au phénomène massif des violences, il faut que ces fonds soit pérennisés », plaide Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes (qui gère le 3919). On croise les doigts, sans oublier de rappeler que le budget stricto sensu du secrétariat à l’Egalité entre les femmes et les hommes (d’autres ministères mettent la main au porte-monnaie) sera en 2019 de 30 millions d’euros sur un budget total de 329,6 milliards d’euros. Soit : 0,000092 %… Une goutte d’eau qui, en sus, n’est pas uniquement destinée à la lutte contre les violences.
Le règne de l’impunité ?
Le nombre de condamnations pour violences sexuelles est en chute depuis dix ans. D’après le ministère de la Justice, celles-ci ont baissé de 25 % entre 2006 et 2017 (alors même que les plaintes n’ont fait qu’augmenter) et cette tendance affolante s’accroît, tout comme la gravité des violences : moins 22 % dans les cas de condamnations pour agression sexuelle, moins 24 % de condamnations pour atteinte sexuelle sur mineures, moins 39 % pour les condamnations pour viol.
En 2016, 70 % des plaintes pour violences sexuelles ont été classées sans suite. « C’est comme si les violences sexuelles avaient été banalisées, s’insurge la juriste Julie Dénès, également auteure du livre sur les violences conjugales Une poule sur un mur. Je ne sais pas si on est face à un ras-le-bol généralisé ou un déni total, mais le système judiciaire français participe au parcours traumatisant des victimes pour se reconstruire. Les plus jeunes en ressortent les plus meurtries. » Dernier épisode en date : le 17 novembre dans l’Aveyron, un homme de 17 ans jugé pour viol sur une jeune fille de 13 ans a été acquitté. « Les jurés ont déclaré la mineure consentante et ont décidé par conséquence que les faits ne relevaient pas d’un viol comme le définit la loi », raconte Julie Dénès. Une « aberration » selon elle, qui « n’aurait pas pu se produire » si la toute récente loi Schiappa avait intégré « la présomption de non-consentement » , comme initialement prévu par le gouvernement : un « âge minimal » qui aurait permis au mineur de moins de 15 ans de plus avoir à prouver son non-consentement au moment des faits.
(1) www.noustoutes.org.
Catherine Mallaval, Anaïs Moran
• Libération.22 novembre 2018 à 19:56 :
https://www.liberation.fr/france/2018/11/22/une-marche-dans-les-pas-de-metoo_1693694
24/11/2018 : Un grand pas vers la reconstruction d’un mouvement féministe ?
Le mouvement féministe connaît un renouveau sur la scène internationale, en particulier en Amérique latine mais aussi en Europe, caractérisé par son auto-organisation (assemblées générales de quartiers et de ville) et ses moyens d’action, notamment la grève.
Ce mouvement n’est pas près de s’essouffler : le 24 novembre, ce sont 200 000 personnes qui ont défilé en Italie à l’appel de Non Una Di Meno, pour leurs droits et contre le gouvernement Salvini. En France, le mouvement féministe divisé depuis longtemps peinait à rassembler, malgré quelques tentatives. Samedi, à l’appel de « Nous Toutes », ce sont entre 12 000 et 30 000 personnes qui se sont rassemblées à Paris, et 50 000 partout en France selon les organisatrices. Cette mobilisation se place dans la lignée de la manifestation du 25 novembre 1995, moment précurseur du grand mouvement de grève de l’hiver 1995. C’est assurément une des plus grosses manifestations féministes depuis dix ans.
Nous Toutes : la recette du succès ?
Nous Toutes a été lancé par Caroline de Haas, avec d’autres militantes féministes, des organisations faisant partie du CNDF, et quelques militantes issues du féminisme non institutionnel. Le mot d’ordre était simple, il ne fallait pas reproduire les débats du mouvement féministe à l’infini. Nous Toutes ne trancherait donc pas la question du voile ni la question de la prostitution, pour mettre tout le monde autour de la table contre les violences sexistes.
Dans la réalité, l’unité n’a pas tenu jusqu’au bout, et un groupe d’associations féministes a lancé l’appel « Nous Aussi », qui a donné lieu à un cortège situé à l’avant de la manifestation parisienne. Dans de nombreuses villes, les clivages sont réapparus, se soldant ou pas par une division des manifestations en fonction du travail de convergence réalisé au cours des années précédentes.
Du côté du NPA, nous avons accepté de prendre part à Nous Toutes, non sans critique. Si nous trouvions positif d’éviter la division, plusieurs problèmes se sont posés et il s’agit maintenant de les résoudre. Le premier élément est l’impossibilité de l’auto-organisation. La réalité des comités locaux a différé selon les régions : en région parisienne, ils n’ont eu presque aucune réalité, mais dans les autres villes, les comités locaux étaient de fait les bras propagandistes de Nous Toutes et non des lieux de formation, de discussion et de production féministes. Il n’était question que de construire la manifestation du 24 novembre, jamais n’était évoqué l’objectif de relancer une dynamique féministe qui aille au-delà. Mais dans les villes où il existait déjà des cadres d’organisation des mobilisations féministes, ceux-ci n’ont pas disparu et ont coexisté avec les personnes se rassemblant autour de Nous toutes, avec la rencontre de différentes générations militantes.
L’autre problème résidait dans la stratégie, et dans le positionnement de Nous Toutes par rapport au gouvernement. Malgré plusieurs questionnements au sujet de la grève des femmes ou de l’attitude vis-à-vis du gouvernement Macron, il y a eu un refus d’y répondre, pour ne pas « diviser » sur cette question. Dans la pratique, c’est dans l’autre sens que Nous Toutes a tranché, aussi nous avons été désagréablement surprises que Nous Toutes se pose la question de rencontrer Marlène Schiappa avant même la manifestation, alors qu’il n’y avait toujours pas d’accord sur les revendications ou que l’intervention de Caroline de Haas se termine sur un appel à Macron sans perspectives.
50 000 et maintenant ?
Cette mobilisation est une victoire, mais elle ne suffira pas pour mettre fin aux violences sexistes qui sont systémiques. Le gouvernement Macron ne lâchera rien. Maintenant il s’agit, dans l’ensemble des villes, dans les entreprises, dans les universités, dans les lycées… de préparer la suite, pour reconstruire un mouvement féministe qui se pose la question de ses revendications (contre les violences, pour l’égalité salariale, le partage des tâches domestiques…) et de ses moyens d’action. Les 5 millions de grévistes de l’État espagnol le 8 mars dernier, les mouvements des femmes d’Amérique latine, celui des femmes de Pologne pour la défense de l’IVG ont mis à l’ordre du jour la construction de la grève massive et auto-organisée. C’est par un rapport de forces que nous pourrons inverser l’ordre des choses. Dans cette période où la révolte gronde et prend des chemins qui ne sont pas habituels, nous devons travailler à unifier toutes les résistances. Il s’agit de faire converger les revendications féministes, antiracistes et sociales, portées aujourd’hui tant par les manifestations du 24 novembre, que par le collectif Rosa Parks le 1er décembre ou, de manière hétérogène, par les gilets jaunes. L’heure n’est pas à opposer ces mouvements mais à reconstruire l’unité de notre camp social contre le capitalisme et le patriarcat.
Commission nationale d’intervention féministe du NPA
Créé le Mercredi 28 novembre 2018, mise à jour Mercredi 28 novembre 2018, 10:23
https://npa2009.org/actualite/feminisme/24112018-un-grand-pas-vers-la-reconstruction-dun-mouvement-feministe