Les secouristes s’efforçaient, mardi 25 décembre, d’apporter de l’aide aux régions d’Indonésie dévastées par le tsunami provoqué par une éruption volcanique, mais le manque d’eau potable et de médicaments se faisait cruellement sentir parmi les milliers de personnes réfugiées dans des centres d’urgence.
Le tsunami a frappé soudainement samedi soir les rives du détroit de la Sonde, qui sépare les îles de Sumatra et de Java, faisant 429 morts, 1 485 blessés et 154 disparus, selon le dernier bilan de l’Agence nationale de gestion des catastrophes. Des milliers de personnes sont déplacées.
Les travailleurs humanitaires mettaient en garde contre les risques d’une crise sanitaire, qui risquerait de coûter la vie à encore davantage de personnes. « De nombreux enfants sont malades, ils ont de la fièvre, mal à la tête et n’ont pas assez d’eau », explique Rizal Alimin, un médecin de l’ONG Aksi Cepat Tanggap, dans une école transformée en abri de fortune.
« On a moins de médicaments que d’habitude. Les conditions ici ne sont pas saines. Il n’y a pas assez d’eau potable. Les gens ont besoin de nourriture et ils dorment par terre. »
Le risque de nouvelles vagues mortelles dues à l’activité volcanique existe également. La vague provoquée par l’Anak Krakatoa, un volcan connu comme « l’enfant » du légendaire Krakatoa, a rasé des centaines de bâtiments sur les côtes méridionales de Sumatra et l’extrémité occidentale de Java.
Pas d’eau potable
Abu Salim, un volontaire de l’association Tagana, explique que les travailleurs humanitaires peinent à stabiliser la situation. « Aujourd’hui, on met l’accent sur l’aide aux réfugiés qui sont dans des centres, on installe des cuisines, on distribue des équipements logistiques et plus de tentes dans des endroits plus adéquats », dit-il à l’AFP. Les gens « n’ont toujours pas accès à l’eau potable. De nombreux réfugiés sont partis dans les hauteurs et nous ne sommes pas parvenus à les atteindre. »
Les secouristes acheminaient l’aide principalement par la route. Deux bateaux du gouvernement faisaient également route vers plusieurs îles proches de la côte de Sumatra où les habitants sont pris au piège. Des équipes de secouristes munis d’excavatrices et d’autres équipements lourds tentaient de dégager les débris. Certains sauveteurs travaillaient à mains nues. Les secours ont également déployé des chiens renifleurs et des drones.
Effondrement sous-marin
D’après les experts, la catastrophe de samedi est consécutive à une éruption modérée de l’Anak Krakatoa, qui a provoqué un effondrement sous-marin d’une partie du volcan et le déplacement de vastes quantités d’eau. A la différence des tsunamis provoqués par les tremblements de terre et qui enclenchent les systèmes d’alerte, les vagues « volcaniques » ne laissent que très peu de temps aux autorités pour prévenir les gens.
Dans un premier temps, l’Agence de gestion des catastrophes avait même dit qu’il n’y avait pas d’alerte au tsunami alors même que la vague tueuse déferlait sur les côtes. L’Agence avait dû par la suite présenter ses excuses, expliquant que le système de détection était défaillant.
C’est la troisième catastrophe naturelle très grave subie par l’Indonésie ces six derniers mois, après la série de puissants séismes qui ont frappé l’île de Lombok en juillet et août, puis le tsunami qui a rasé Palu, sur l’île des Célèbes en septembre, faisant 2 200 morts et des milliers de disparus. En 2004, au lendemain de Noël, un tsunami avait fait 220 000 morts dans les pays riverains de l’océan Indien, dont 168 000 Indonésiens, l’un des désastres les plus meurtriers de l’Histoire.
L’Indonésie, archipel de 17 000 îles et îlots qui s’est formé par la convergence de trois grandes plaques tectoniques (indo-pacifique, australienne, eurasienne), se trouve sur la « ceinture de feu » du Pacifique, une zone de forte activité sismique et d’éruptions volcaniques. Elle compte 127 volcans actifs.
Le Monde avec AFP
• Le Monde. Publié le 25 décembre 2018 à 11h43, mis à jour à 15h16 :
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/25/tsunami-en-indonesie-les-survivants-manquent-cruellement-d-eau-et-de-medicaments_5402015_3210.html
Le tsunami a tué au moins 280 personnes et fait plus de 1 000 blessés
Les recherches continuent à Sumatra et Java, où les autorités s’attendent à ce que le nombre de victimes augmente.
Le bilan du tsunami provoqué par un glissement de terrain sans doute lié à une éruption volcanique en Indonésie a été porté à 281 morts et plus de 1 000 blessés, a annoncé lundi 24 décembre l’Agence nationale de gestion des catastrophes.
« Le nombre des victimes va continuer à augmenter, ainsi que les dommages », a prévenu Sutopo Purwo Nugroho, le porte-parole de l’agence, précisant que 57 personnes étaient portées disparues. Le précédent bilan faisait état de 222 morts. Des équipes munies d’excavatrices et d’autres équipements lourds tentaient de dégager les débris lundi à la recherche de survivants. Des milliers de personnes ont été évacuées vers les hauteurs.
Le tsunami a frappé soudainement samedi soir les côtes méridionales de Sumatra et l’extrémité occidentale de Java, rasant des centaines de bâtiments. Il est survenu après l’éruption du volcan connu comme « l’enfant » du légendaire Krakatoa, l’Anak Krakatoa.
L’hypothèse d’un glissement de terrain
Le tsunami a laissé derrière lui un paysage de désolation, entre les arbres déracinés, les toits arrachés, les morceaux de bois et les détritus divers. La plage de Carita, destination touristique courue de la côte occidentale de Java, est jonchée de débris. « L’armée et la police passent les ruines au peigne fin pour voir s’il y a d’autres victimes », a expliqué Dody Ruswandi, haut responsable de l’agence.
Le président, Joko Widodo, s’est rendu dans les zones sinistrées lundi pour suivre l’avancée des secours. Les autorités, qui n’ont toujours pas déterminé la cause exacte de la catastrophe, craignent une nouvelle déferlante. Le ministre des travaux publics, Basuki Hadimuljono, a expliqué que les opérations de secours se poursuivraient, mais devraient s’arrêter « au premier signe de forte marée ».
Selon des scientifiques, qui se basent sur des images capturées par le satellite Sentinel 1 de l’Agence spatiale européenne (ESA), une partie importante du flan sud de l’île a glissé vers l’océan peu avant le tsunami. « Le glissement de terrain sous-marin est la thèse qui prime », explique Sam Taylor Offord, un sismologue à l’institut GNS Science de Wellington, qui ajoute qu’il était impossible de confirmer cette théorie à cause du manque de données et d’accès aux zones dévastées.
« Le risque de tsunami dans le détroit de la Sonde restera élevé tant que le volcan sera dans sa phase d’activité actuelle, parce qu’il est susceptible de déclencher d’autres glissements de terrain sous-marins », prévient aussi Richard Teeuw, de l’université de Portsmouth. « Il faut être conscient que maintenant le volcan est déstabilisé », explique Jacques-Marie Bardintzeff, professeur à l’université Paris-Sud.
Système d’alerte défaillant
La Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a estimé que les « puissantes vagues » avaient atteint entre 30 et 90 centimètres de haut. A la différence des tsunamis provoqués par les tremblements de terre et qui déclenchent les systèmes d’alertes, les vagues « volcaniques » ne laissent que très peu de temps aux autorités pour prévenir les gens.
« C’est arrivé si vite », a rapporté Ade Junaedi, un survivant. « Je parlais avec un hôte chez nous quand ma femme a ouvert la porte en hurlant, paniquée. J’ai cru à un feu, mais en allant vers la porte, j’ai vu l’eau arriver. »
Sur des images vidéo dramatiques publiées sur les réseaux sociaux, on a pu voir une vague géante s’abattre sur un concert en plein air donné par le groupe pop Seventeen. Ses membres sont projetés hors de la scène par le mur d’eau qui se répand parmi les spectateurs. Deux membres du groupe ainsi que son manageur ont trouvé la mort, trois autres sont portés disparus.
Eruptions quasi continues
D’après les spécialistes, l’Anak Krakatoa s’est formé aux alentours de 1928 dans la caldeira – vaste cuvette résultant d’une éruption qui provoque l’effondrement du sommet d’un volcan – du célèbre Krakatoa. Celui-ci avait connu, en 1883, une explosion qui a fait environ 36 000 morts. Une immense colonne de fumée, de pierres et de cendres s’était dressée dans le ciel à 20 kilomètres de hauteur, plongeant la région dans l’obscurité et déclenchant un puissant tsunami.
L’Anak Krakatoa a commencé sa vie sous l’eau avant que son cratère n’émerge vers 1928. Il s’est mué en petite île volcanique, dont le cratère atteint désormais une altitude de 300 mètres au-dessus du niveau de la mer. Depuis sa naissance, l’Anak Krakatoa est dans un « état semi-perpétuel d’activité éruptive », et grossit au fil d’éruptions qui surviennent tous les deux ou trois ans.
L’Indonésie est un archipel de 17 000 îles et îlots qui s’est formé par la convergence de trois grandes plaques tectoniques (indo-pacifique, australienne et eurasienne). Elle se trouve sur la ceinture de feu du Pacifique, une zone de forte activité sismique et d’éruptions volcaniques, et compte 127 volcans actifs.
Le Monde avec AFP
• Le Monde. Publié le 24 décembre 2018 à 04h12, mis à jour à 12h16 :
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/24/indonesie-le-bilan-du-tsunami-s-alourdit-a-plus-de-280-morts_5401678_3210.html
« Il n’a pas été possible d’anticiper la catastrophe »
La catastrophe, qui fait au moins 281 morts, a pris tout le monde par surprise. Pour le géologue Ayang Satyana, il résulte d’« événements géologiques complexes ».
En frappant samedi soir les rives du détroit de la Sonde, qui sépare les îles de Java et Sumatra, en Indonésie, le tsunami a pris totalement par surprise non seulement les habitants de la région, mais aussi les systèmes de surveillance. « L’absence de système d’alerte précoce explique que le tsunami n’ait pas été détecté, a reconnu le porte-parole de l’Agence nationale de gestion des catastrophes, Sutopo Purwo Nugroho. Les signes de l’arrivée d’un tsunami n’ont pas été détectés et les gens n’ont pas eu le temps d’évacuer. »
L’Indonésie est pourtant l’un des pays du monde les plus sujets aux catastrophes naturelles. Formé par la convergence de plaques tectoniques, l’archipel se trouve sur la ceinture du feu du Pacifique, une zone de forte activité sismique et volcanique.
Pour Ayang Satyana, géologue indonésien auprès de la Force d’intervention spécialisée dans la recherche de pétrole et de gaz, une agence gouvernementale, le fait que ce tsunami n’ait pas été déclenché par un séisme explique l’absence d’alerte précoce.
Pourquoi aucune alerte au tsunami n’a-t-elle été lancée ?
Le tsunami n’a pas été provoqué par un séisme et il n’a donc pas été possible d’anticiper la catastrophe et d’alerter les gens. En Indonésie, nous ne disposons pas de la technologie permettant d’anticiper un tsunami qui n’est pas provoqué par un tremblement de terre. En revanche, quand il s’agit d’un séisme, même si son amplitude est faible, nous avons les moyens de le savoir et de diffuser l’information [quant à la possibilité d’un tsunami].
La réponse au tsunami a-t-elle malgré tout été trop lente ?
Non, car le tsunami du détroit de la Sonde a été la résultante d’événements géologiques complexes : outre le fait qu’il n’est pas lié à un séisme, l’événement s’est produit au moment d’une pleine lune suivie de fortes marées, elles-mêmes suivies par l’éruption du volcan Anak Krakatao. Ce que l’on peut penser pour l’instant, c’est que l’affaissement de l’une des pentes du volcan durant l’éruption a pu être l’une des causes du tsunami. Même si ce n’est pas l’éruption en tant que telle qui cause le tsunami : ce sont les déplacements de terrains et la chute d’une partie du volcan dans l’océan que l’éruption a provoqués…
Si cela s’était passé ailleurs dans le monde, aurait-il été tout aussi difficile de répondre à la catastrophe et d’en déterminer les causes ?
Quand le tsunami n’est pas provoqué par un tremblement de terre, il est toujours difficile d’en déterminer les raisons. En outre, l’Indonésie est géologiquement plus complexe que tous les autres endroits de la planète. C’est donc seulement en additionnant un certain nombre de paramètres compliqués que l’on peut comprendre une telle catastrophe.
Peut-on espérer qu’une alerte au tsunami soit lancée si un autre événement de ce type se reproduit prochainement dans le détroit de la Sonde ?
Ce qui vient de se passer est inédit pour l’Indonésie. Je ne sais pas combien de temps il va nous falloir pour façonner un modèle de réponse appropriée à ce genre de désastre. Je pense qu’une fois cette modélisation définie, il sera possible de mettre sur pied un système d’alerte. Cela pourrait prendre entre trois mois et un an.
L’Indonésie a-t-elle besoin de systèmes permettant d’anticiper les éruptions volcaniques ?
Bien sûr ! Nous disposons déjà d’une certaine technologie à cet égard, mais nous avons besoin d’appareils plus modernes. Ceux dont nous disposons ne fonctionnent pas toujours très bien, car ils ont été endommagés par… les éruptions !
Bruno Philip (Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est)
• Le Monde. Publié le 24 décembre 2018 12h21, mis à jour à 12h38 :
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/24/le-tsunami-n-a-pas-ete-provoque-par-un-seisme-il-n-a-pas-ete-possible-d-anticiper-la-catastrophe_5401850_3244.html
En images : scènes de désolation à Java et Sumatra :
https://abonnes.lemonde.fr/planete/portfolio/2018/12/24/en-images-a-java-et-sumatra-des-scenes-de-desolation-apres-le-passage-d-un-tsunami_5401761_3244.html