Le paragraphe 219a du Code pénal, qui interdit toute publicité relative à l’avortement, fait beaucoup parler de lui en Allemagne depuis la condamnation en novembre 2017 d’une gynécologue à une amende de 6 000 euros pour avoir déclaré sur son site qu’elle pratiquait l’IVG.
Après de longs mois de débat, le gouvernement fédéral est finalement parvenu à un compromis et a adopté le 6 février en Conseil des ministres un projet de loi visant à assouplir le paragraphe controversé. Si le texte est validé par le Parlement, les médecins obtiendront le droit d’indiquer sur leur site Internet qu’ils pratiquent l’avortement, mais rien de plus. Pour toute information supplémentaire (méthode, risques, etc.), ils devront renvoyer à une page du gouvernement sur le sujet.
En outre, une liste des cabinets et des hôpitaux pratiquant l’IVG sera éditée et mise à jour tous les mois. La pilule sera également prise en charge plus longtemps par la caisse d’assurance-maladie : non plus jusqu’à 20 ans mais 22 ans.
Une loi infantilisante pour les médecins comme pour les femmes
Une mesure qui ne va pas assez loin pour beaucoup de commentateurs. “Les femmes enceintes pourront certes mieux s’informer à l’avenir, mais le projet de loi a clairement ses faiblesses”, juge le magazine féministe Edition F, car il est loin de “reconnaître aux médecins leurs compétences professionnelles et [de] faciliter les choses pour les personnes qui souhaitent s’informer”.
En effet, une telle loi sous-entend que les médecins pourraient contrevenir à leur code déontologique en faisant de la publicité débridée pour l’IVG si on les laissait faire – au lieu de leur faire confiance et de concéder “qu’ils ne souhaitent que mener à bien leur travail et aider les gens en situation de détresse de la manière la plus professionnelle et complète qui soit”.
Der Spiegel, de son côté, ne voit “aucun progrès sérieux” dans cet amendement.
Le fait est qu’en Allemagne l’avortement demeure un délit, qui n’est pas passible de sanctions pénales dans certaines circonstances (il doit intervenir dans les douze semaines suivant la conception – raisons médicales ou criminelles mises à part – et au moins trois jours après le passage de la femme enceinte par une cellule de conseil reconnue par l’État).
L’hebdomadaire déplore également que le parti social-démocrate (SPD), membre de la coalition gouvernementale, ait finalement retiré sa demande d’abrogation du paragraphe controversé. Un retournement que le Spiegel qualifie d’“extrêmement gênant pour le SPD, mais encore bien plus désagréable pour les personnes pouvant tomber enceintes”.
Enfin, la Süddeutsche Zeitung juge que malgré l’“assouplissement annoncé par le gouvernement”, la nouvelle loi est loin d’être souple, puisque toute information concernant l’IVG publiée sur le site des cabinets médicaux est illégale.
Les ministres et les ministères impliqués [dans cette modification de la loi] montrent ainsi qu’en 2019 ils ne croient pas les femmes capables de gérer elles-mêmes leur vie et leur grossesse.”
En outre, rembourser la pilule jusqu’à 22 ans et non plus 20 ans suggère que “l’IVG serait quelque chose qui concerne avant tout les jeunes. Or, ce n’est pas vrai : la plupart des femmes qui choisissent d’avorter ont entre 25 et 35 ans.”
Lucile Gagnière
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