France Amérique Latine s’adresse au Président de la République et au Ministère des Affaires Étrangères.
Mr le Président, Messieurs les ministres,
Depuis quelques semaines, la crise que vit le Venezuela s’est encore aggravée suite à l’auto-proclamation de Juan Guaidó (président de l’Assemblée nationale et dirigeant de l’aile dure de l’opposition à Nicolás Maduro) comme « Président en intérim » de la République Bolivarienne du Venezuela. Cette stratégie, on le sait, est soutenue et alimentée par les néoconservateurs états-uniens (dont le vice-président Mike Pence) et a immédiatement reçu l’aval de Donald Trump, dont les services diplomatiques ont reconnu Mr. Guaidó comme président « légitime ». Washington affirme d’ailleurs, à tout va, que concernant le Venezuela « toutes les options sont sur la table » (y compris celle de l’intervention militaire), tandis que Mr Guaidó affirmait cette semaine dans la presse internationale, qu’il serait prêt à soutenir une telle intervention (depuis la Colombie), au nom de « l’aide humanitaire ».
Personne n’est dupe, y compris au sein de l’Organisation des États américains – OEA, dont une majorité de pays a refusé de reconnaitre Mr Guaidó. On sait à quel point les appels « humanitaires » ou à la « défense de la démocratie » ont pu, et dans un passé récent, servir de prétexte à des actions guerrières et déstabilisatrices des grandes puissances, avec des conséquences catastrophiques de longue durée pour les peuples concernés (pensons à l’Irak ou la Lybie, notamment). L’histoire de l’Amérique latine (et aussi celle du Venezuela) est parsemée d’interventions impériales qui ont marqué, souvent à feu et à sang, plusieurs pays de la région.
Que l’on soit d’accord ou pas avec le gouvernement Maduro et quoi que l’on pense des causes principales de la situation dramatique que traverse le pays de Bolívar, aucune ingérence étrangère, aucune intervention militaire, aucune asphyxie économique menées par Donald Trump et consorts ne pourrait signifier une amélioration de la situation sociale, économique ou politique du Venezuela. C’est même l’exact contraire.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que dénoncer avec la plus grande fermeté l’attitude qui a été celle du gouvernement français qui s’est empressé (par tweets interposés) de reconnaitre Juan Guaidó, tout en s’alignant sur les positions les plus agressives promues par les États-Unis et leurs alliés latino-américains et canadien du groupe de Lima. Une position défendue par la suite auprès des pays de l’UE. Que Mrs Emmanuel Macron et Pedro Sánchez prétendent, d’une seule voix, imposer au gouvernement Maduro d’organiser des élections « sous huit jours » fait montre d’un néocolonialisme avéré. C’est d’ailleurs pour le moins choquant de la part de responsables politiques qui se montrent bien moins exigeants lorsqu’ils commercent avec des régimes comme ceux de l’Arabie Saoudite, de la Turquie ou des Émirats Arabes.
Nous appelons ainsi l’État français au strict respect du droit international et de la Charte de l’ONU fondée sur les principes de l’égalité souveraine de tous ses membres, de la non-ingérence et du multilatéralisme. De nombreuses résolutions des Nations Unies viennent souligner le devoir des États membres de « s’abstenir d’exploiter et de déformer les questions relatives aux droits de l’Homme dans le but de s’ingérer dans les affaires intérieures des États ».
France Amérique Latine n’a pas vocation à soutenir des gouvernements, quels qu’ils soient, et ses membres ont des opinions plurielles quant aux processus sociopolitiques que vit l’Amérique latine. Cependant, nous sommes unis par un engagement indéfectible en faveur de l’autodétermination des peuples, du rejet de la guerre, de la condamnation de tout interventionnisme impérialiste.
Nous souhaitons ainsi mettre en lumière la responsabilité historique que porterait le gouvernement français s’il s’entêtait dans une telle direction.
L’État français se doit de faciliter les solutions négociées, transparentes et pacifiques au Venezuela, laissant une place fondamentale à la participation souveraine des vénézuéliens et des vénézuéliennes, telles que proposées initialement par l’Uruguay et le Mexique.
Veuillez croire Mr Le Président, Messieurs les Ministres, à nos salutations engagées en faveur de la paix entre les peuples
Bureau National de France Amérique Latine